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Histoire du Coran Partie 5 : Avant l’Islam – Une Arabie juive et chrétienne

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Les dossiers du Coran – Avant l’Islam – Une Arabie juive et chrétienne

Bien avant la prédication de Muhammad, l’Arabie était loin d’être le désert barbare et polythéiste longtemps décrit par les savants musulmans. Y dominait le royaume de Himyar, déchiré par les rivalités entre chrétiens et Juifs. Par Christian Julien Robin

I. Qui est Christian Julien Robin

Christian Julien Robin, éminent directeur de recherche au CNRS à Paris et membre distingué de l’Institut, a supervisé l’ouvrage Les Préludes de l’Islam. Cet ouvrage explore les changements et les permanences dans les sociétés du Moyen-Orient, de l’Afrique de l’Est, de la péninsule arabique et de l’Inde juste avant l’émergence de l’Islam (publié par De Boccard en 2013). Il est également l’auteur de Les Origines du Coran. Le Coran des origine, publié par l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 2015, ainsi que de Le Judaïsme de l’Arabie antique, paru chez Brepols en 2015.

 

Pour appréhender l’impact des changements politiques et spirituels associés à Muhammad, fils d’Abd Allah, le messager de l’islam, il est essentiel de se familiariser avec les conditions prévalant en Arabie préislamique.

Les érudits des premières ères islamiques (VIIIe-IXe siècles) ont entrepris une collecte remarquable de récits des descendants des tout premiers fidèles de l’islam afin de comprendre en profondeur le sens et le contexte de la Révélation. Cependant, il est presque certain que ces récits ont été altérés par les théologiens musulmans dans le but de créer un contraste saisissant entre la précarité matérielle et éthique de l’Arabie pré-révélation et le succès politique de la communauté théocratique établie par Muhammad, qui s’est élevée au rang d’empire universel en seulement une décennie.

Depuis la deuxième partie du 18ème siècle, les érudits européens ont également exploré les origines de l’Islam. Ils se sont appuyés sur les récits historiques créés par les musulmans et ont simultanément recherché des traces archéologiques en Arabie pouvant dater de la période de Muhammad (570-632). Bien qu’à ce jour, aucun vestige spécifique de cette période n’ait été formellement identifié, les découvertes récentes ont considérablement augmenté notre compréhension de la situation politique, culturelle et religieuse de l’Arabie avant l’ère de Muhammad. Ces trouvailles indiquent que la connaissance des savants musulmans concernant l’histoire ancienne de l’Arabie ne s’étendait pas avant la génération de Muhammad et que les informations disponibles sur l’Arabie de cette époque étaient extrêmement restreintes et souvent reconstituées sous un angle apologétique.

II. Des découvertes majeures

Les fouilles archéologiques menées depuis les années 1970 ont bouleversé deux aspects fondamentaux de notre compréhension historique. D’une part, l’adoption des religions monothéistes telles que le judaïsme dans le nord-ouest de l’Arabie et au Yémen, ainsi que le christianisme à Najran et dans l’est de l’Arabie, a été prépondérante parmi l’élite. Vers l’an 400, les pratiques polythéistes disparaissent des archives archéologiques, tandis que les inscriptions et les symboles juifs et chrétiens se multiplient.

D’autre part, le paysage politique révélé par l’archéologie contraste fortement avec l’image d’une Arabie pauvre, isolée et chaotique, décrite par les érudits musulmans sous le terme de Jahiliyya, ou « période d’ignorance [divine] ». En réalité, dès environ 350, le royaume de Himyar au Yémen commence à s’unifier et à jouer un rôle clé dans les tensions entre les empires byzantin et sassanide. De nouvelles inscriptions découvertes récemment ont profondément modifié la perception de l’Arabie entre 530 et 565.

Le royaume de Himyar, officiellement chrétien, exerçait son influence sur presque toute la péninsule arabique. Il s’étendait jusqu’aux côtes du golfe Persique et du golfe d’Aqaba. Son territoire englobait l’oasis de Yathrib (actuelle Médine), qui figure parmi les régions ayant accepté sa domination, et probablement La Mecque, bien que celle-ci ne soit pas mentionnée dans les textes préislamiques, étant à l’époque un simple village.

Illustration – Marques juives et chrétiennes : Ci-dessus, à droite sur ce rocher du désert dans les environs de Tayma (aujourd’hui en Arabie saoudite), on trouve une menorah, le chandelier à sept branches, objet cultuel du judaïsme, gravée au temps de l’Arabie préislamique. À gauche, c’est une croix chrétienne, dessinée au milieu du vie siècle, qui accompagne une inscription du roi Abraha à Murayghan (à 200 km au nord de Najran). Au centre sur ce récipient de bronze, la présence des symboles de la dynastie himyarite indique qu’il s’agissait probablement d’une unité officielle de contenance.

Le royaume de Himyar a marqué l’histoire par la construction d’un édifice chrétien monumental à Sanaa, au Yémen, autour des années 559-560. Cette église, dont la magnificence a ébahi les contemporains, a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire (voir p. 50). On attribue cet ouvrage à Abraha, souverain de Himyar de 532 à 565, qui ambitionnait de transformer Sanaa, sa nouvelle capitale, en un pivot religieux de la péninsule arabique pour consolider l’unité spirituelle de ses terres.

Longtemps considérée comme un mythe musulman créé pour justifier les désirs d’Abraha d’éliminer le pèlerinage à La Mecque, cette église est aujourd’hui reconnue comme ayant réellement existé. Des preuves tangibles, telles que des chapiteaux de style aksumite (éthiopien) ornés de croix et réutilisés dans la grande mosquée de Sanaa, attestent de son existence. De plus, diverses preuves confirment que le royaume d’Abraha était ouvertement chrétien, bien que son christianisme tendait vers un compromis entre judaïsme et christianisme (voir p. 48). Les décisions d’Abraha ont trouvé un écho positif, influençant la doctrine de Muhammad sur le Messie et le Saint-Esprit, quelques décennies plus tard. Muhammad a tenté d’aller plus loin en cherchant à concilier monothéisme et polythéisme, en intégrant notamment le temple de La Mecque et certains de ses rituels, comme le pèlerinage, au sein de la nouvelle foi.

III. Des découvertes majeures

Il est pertinent de détailler la manière dont le royaume de Himyar, gouverné par Abraha, a adopté le christianisme. L’adoption de cette foi ne résulte pas d’une conversion collective des polythéistes arabes, mais découle plutôt d’une violente confrontation. Cette lutte oppose les Juifs, qui exerçaient leur influence sur Himyar depuis environ un siècle et demi, au royaume chrétien d’Aksum situé en Éthiopie. Pour saisir la séquence des faits et l’importance stratégique du royaume de Himyar, qui fut la principale force en Arabie de 350 à 570 après J.-C., il est utile de remonter le cours de l’histoire.

La civilisation sud-arabique voit le jour dans les terres intérieures du Yémen, plus précisément dans les vallées inférieures s’ouvrant sur l’immense désert de l’Arabie centrale, autour de l’an 1000 avant notre ère. Son essor est favorisé par les bénéfices générés par le négoce des épices et aromates locaux, tels que l’encens et la myrrhe. Les commerces de longue distance empruntent alors les routes terrestres reliant l’Arabie du Sud aux contrées formant l’arc allant de l’Égypte au Levant et à la Mésopotamie. Le berceau de cette civilisation sud-arabique est le renommé royaume de Saba, évoqué dans les textes bibliques. (Voir notre article l’Histoire de Abraha).

Au ive siècle, au Yémen, les familles princières de la montagne adhèrent à une forme particulière de judaïsme.

Au commencement, la tribu Himyar était simplement un groupe mineur résidant dans les monts du sud du Yémen, subsistant essentiellement grâce à l’agriculture, bénéficiant des pluies généreuses de la saison des moussons. Leur ascension commence lorsqu’ils conquièrent le trône de Saba au commencement de l’ère chrétienne, avec le soutien des Romains et des Nabatéens, qui avaient atteint Marib (le cœur de la civilisation sud-arabique et siège du royaume de Saba) en 25 av. J.-C.

Zafar, située à une altitude de 2 750 mètres et actuellement un petit village situé à 130 km au sud de Sanaa, était la capitale de Himyar. Le palais royal, connu sous le nom de Raydan, a donné son nom à la dynastie Dhu-Raydan. Les Himyarites écrivaient en sabaïque, une langue qui diffère légèrement de leur langue parlée et de l’arabe. Ils utilisaient un alphabet consonantique commun à toutes les communautés du sud de l’Arabie, appelé sudarabique. Cette région se distinguait par une écriture unifiée malgré une grande diversité linguistique. Il existait même une certaine unité culturelle, comme en témoignent les similitudes dans l’iconographie, l’architecture, la sculpture sur pierre et bronze, et d’autres éléments de leur culture matérielle.

Au cours de la dernière partie du 2ème siècle après J.-C., les Aksumites originaires d’Éthiopie ont lancé une invasion de l’Arabie occidentale, formant une alliance avec des princes sabéens pour établir un royaume sabéen autonome. Cette période a marqué le début de conflits intenses qui se sont poursuivis pendant plus d’un siècle (de 150 à 270 environ), aboutissant finalement à la domination des Himyarites. Leur triomphe leur a conféré un prestige considérable, leur permettant d’incorporer définitivement le royaume de Saba autour de l’année 275 et de s’emparer du Hadramawt, le dernier royaume indépendant du sud de l’Arabie, aux alentours de l’an 300. Pour la première fois, l’ensemble du territoire du Yémen moderne, et même au-delà, était réuni sous une seule autorité.

L’apparition de cette nouvelle force dominante dans le sud de l’Arabie a suscité l’inquiétude tant chez les Perses sassanides que chez les Romains. En réaction, un raid préventif a été mené par Imru al-Qays, fils d’Amr, un roi arabe de la vallée de l’Euphrate et vassal des Sassanides, surnommé roi de tous les Arabes, qui a ciblé Najran, la ville de Shammar. Pendant le 4ème siècle, les Himyarites ont mené des raids à travers l’Arabie désertique et ont graduellement étendu leur influence, affaiblissant la position des rois arabes de la vallée de l’Euphrate, également vassaux des Sassanides. Entre 420 et 440, ils se sont sentis suffisamment puissants pour procéder à l’annexion formelle de l’Arabie centrale et occidentale.

Illustration – L’Arabie des monothéismes :  La région qui voit naître Muhammad vers 570 est une zone stratégique entre l’Asie du Sud et le monde méditerranéen, que Byzance et la Perse sassanide se disputent. Depuis plus de deux siècles, elle abrite d’importantes communautés monothéistes, juives et chrétiennes. Au sud-ouest, le puissant royaume de Himyar, qui a été juif, puis chrétien, sous la tutelle d’Aksum, exerce son contrôle sur une partie de la péninsule, jusqu’à sa dislocation dans les années 570 et l’établissement d’un protectorat perse.

 

IV. Himyar, royaume juif

Il est pertinent de détailler la manière dont le royaume de Himyar, gouverné par Abraha, a adopté le christianisme. L’adoption de cette foi ne résulte pas d’une conversion massive des polythéistes arabes, mais découle plutôt d’un affrontement violent. Ce conflit a opposé les Juifs, qui exerçaient leur influence sur Himyar depuis environ un siècle et demi, et le royaume chrétien d’Aksum situé en Éthiopie. Pour saisir la séquence des faits et l’importance stratégique du royaume de Himyar, qui fut la principale force en Arabie de 350 à 570 après J.-C., il est utile de revenir sur l’histoire.

La civilisation sudarabique a vu le jour dans les terres intérieures du Yémen, dans les vallées qui s’ouvrent sur l’immense désert de l’Arabie centrale, autour de l’an 1000 avant notre ère. Son essor a été favorisé par les bénéfices générés par le négoce des produits aromatiques locaux, tels que l’encens et la myrrhe. Les commerces de longue distance empruntaient alors les routes terrestres reliant l’Arabie du Sud aux contrées formant l’arc allant de l’Égypte au Levant et à la Mésopotamie. Le berceau de cette civilisation sudarabique est le célèbre royaume de Saba, évoqué dans les textes bibliques.

Au ive siècle, au Yémen, les familles
princières de la montagne adhèrent à
une forme particulière de judaïsme.

Initialement, la tribu Himyar était une communauté modeste établie dans les montagnes du sud du Yémen, subsistant essentiellement grâce à l’agriculture, bénéficiant des pluies généreuses de la saison des moussons. Leur ascension commence lorsqu’ils conquièrent le trône de Saba au commencement de l’ère chrétienne, avec le soutien des Romains et des Nabatéens, qui avaient atteint Marib, le cœur de la civilisation sudarabique et siège du royaume de Saba, en 25 av. J.-C.

Zafar, située à une altitude de 2 750 mètres et actuellement un petit village situé à 130 km au sud de Sanaa, était la capitale de Himyar. Le palais royal, connu sous le nom de Raydan, a donné son nom à la dynastie régnante, Dhu-Raydan. Les Himyarites écrivaient en sabaïque, une variante de leur langue parlée et différente de l’arabe. Ils utilisaient un alphabet consonantique, le sudarabique, commun à toutes les cultures de l’Arabie du Sud. Cette uniformité scripturale était remarquable au vu de la grande diversité linguistique de la région. Cette cohérence s’étendait à une unité culturelle, comme en témoignent les similitudes dans l’iconographie, l’architecture, la sculpture sur pierre et bronze, et d’autres éléments de leur culture matérielle.

Au cours de la deuxième partie du 2ème siècle après Jésus-Christ, les Aksumites originaires d’Éthiopie ont lancé une invasion de l’Arabie de l’Ouest, formant une alliance avec les princes sabéens pour établir un royaume sabéen autonome. Cette période a marqué le début de conflits intenses qui se sont poursuivis pendant plus de cent ans, de 150 à 270 environ. À l’issue de ces conflits, les Himyarites ont finalement dominé, gagnant un prestige considérable grâce à leur triomphe. Ce succès leur a permis d’intégrer le royaume de Saba autour de 275 et de prendre le contrôle du Hadramawt, le dernier royaume indépendant du sud de l’Arabie, vers l’an 300. Pour la première fois, l’ensemble du territoire du Yémen moderne, et même au-delà, était réuni sous une seule et même autorité.

L’apparition de cette nouvelle force dominante dans le sud de l’Arabie a suscité l’inquiétude tant chez les Perses sassanides que chez les Romains. En réaction, Imru al-Qays, un roi arabe tributaire des Sassanides de la vallée de l’Euphrate, connu sous le nom de “roi de tous les Arabes”, a mené un raid préventif atteignant Najran, la cité de Shammar. Pendant le 4ème siècle, les Himyarites ont mené des incursions à travers l’Arabie désertique, étendant peu à peu leur influence aux dépens des rois arabes de la vallée de l’Euphrate, également sous la suzeraineté des Sassanides. Entre 420 et 440, ils se sont sentis suffisamment puissants pour procéder à l’annexion formelle de l’Arabie centrale et occidentale.

L’expansion rapide du territoire du royaume de Himyar, d’abord dans le sud-ouest de l’Arabie puis à travers toute la péninsule, a conduit à une diversification linguistique, culturelle et religieuse parmi les habitants. Cette diversité a engendré des tensions, particulièrement évidentes dans le domaine religieux.

Auparavant, chaque tribu honorait ses propres dieux à travers des cérémonies communes, alignant ainsi les pratiques religieuses avec les structures politiques. Cependant, avec la formation de l’empire himyarite, qui a unifié plusieurs royaumes et une multitude de tribus, cette harmonie entre la religion et la politique s’est effritée ; la fidélité au monarque est devenue le pilier de l’ordre politique. En conséquence, l’intérêt pour les rites traditionnels dans les temples polythéistes a rapidement décliné : au troisième et quatrième siècles, le nombre d’offrandes enregistrées par des inscriptions dans les temples a drastiquement diminué. De même, dans les inscriptions laïques qui célébraient des constructions ou des aménagements et qui se concluaient habituellement par des prières aux divinités célestes et terrestres, les références aux dieux polythéistes sont progressivement devenues moins fréquentes, parfois même remplacées par des prières à un Dieu unique.

Peu avant l’an 384, sous le règne du roi Malkikarib Yuhamin, qui gouvernait conjointement avec ses fils, la dynastie himyarite a officiellement adopté une nouvelle religion. Cette transition s’est manifestée de deux façons : les dirigeants ont construit un nouveau type de lieu de culte, nommé mikrab, et dans leurs inscriptions, ils ont commencé à invoquer un Dieu unique plutôt que les puissances célestes.

Les principes fondamentaux de la foi nouvellement établie sont exprimés de manière imprécise et largement acceptables dans les textes officiels royaux. Cependant, les textes privés révèlent que cette foi est une forme de judaïsme honorant le Temple et ses prêtres, tout en rejetant la croyance en la résurrection. La majorité des familles nobles des régions montagneuses se sont converties à cette croyance. D’après les écrits traditionnels arabo-musulmans, l’ensemble du Yémen antique pratiquait le judaïsme. Bien que cela suggère une adoption profonde du judaïsme parmi les habitants, cela ne signifie pas pour autant l’éradication complète du polythéisme.

Le christianisme yéménite ne survit
guère à la conquête islamique, sauf dans
l’oasis de Najran et dans l’île de Suqutra.

Au sein du judaïsme pratiqué par les Himyarites, la divinité est évoquée à travers une multitude d’expressions descriptives, telles que le Maître des cieux et de la terre, et est également connue sous le nom spécifique de Rahmanan (l’Indulgent), terme qui a émergé en 420 et qui gagne en popularité. Le centre de prière, qui fait vraisemblablement office de lieu commun pour l’apprentissage et l’enseignement, n’est pas désigné par le terme de synagogue (d’origine grecque), mais plutôt par mikrab, signifiant le lieu où l’on bénit en langue sabéenne. Le vocabulaire religieux s’inspire largement du judéo-araméen, avec des mots tels que salat (la prière), zakat (la faveur), shalom (une salutation rituelle signifiant paix), amin (une formule rituelle qui est à l’origine du mot amen), hazzan (le surveillant) et Rahmanan (le nom de la divinité). L’émergence d’une entité nationale dénommée Yisrail (Israël), qui ouvre ses portes aux nouveaux adeptes du judaïsme, peut être vue comme une initiative précoce visant à dépasser les divisions tribales.

V. La révolte du roi Joseph

Au début du VIe siècle, les habitants d’Aksoum en Éthiopie, appuyés par de petites communautés chrétiennes aux abords de Himyar, et plus précisément à Najran, réussissent à destituer la dynastie juive au pouvoir. Cette dernière est supplantée par des monarques chrétiens, sélectionnés par le souverain d’Aksoum. Le troisième monarque, nommé Joseph (Yusuf Asar Yathar), se soulève immédiatement après son avènement en été 522. Il élimine les forces d’Aksoum stationnées à Zafar, lance une offensive pour terroriser les habitants côtiers, partiellement d’ascendance africaine, et réinstaure le judaïsme. En prévision de son couronnement, il s’autoproclame « roi de toutes les tribus ».

Joseph exige des Himyarites qu’ils contribuent des soldats pour ses campagnes militaires. Les troupes fournies par les chrétiens de Najran, sous le commandement d’Al-Harith, fils de Kab, se révoltent en prenant connaissance des véritables intentions du roi. L’insurrection de Najran pose un risque conséquent pour le pouvoir de Joseph : l’oasis, carrefour incontournable entre le Yémen et les territoires septentrionaux, constitue également le principal centre commercial d’Arabie.

En juin 523, l’armée dépêchée par Joseph pour rétablir son autorité sur Najran rencontre une résistance acharnée. Le roi est contraint de se déplacer en personne pour discuter de la capitulation des insurgés, qu’il concède en leur assurant sa clémence. Néanmoins, il renie sa promesse et ordonne l’exécution des insurgés qui déclinent la conversion au judaïsme, ainsi que de leurs familles (épouses, et parfois enfants et serviteurs).

L’élimination brutale d’Al-Harith, descendant de Kab, ainsi que de ses associés, est souvent décrite comme une attaque contre les chrétiens. Toutefois, cette interprétation n’est pas tout à fait précise. En réalité, Joseph mène une campagne militaire contre les royaumes d’Aksum et de Byzance, ainsi que leurs alliés chrétiens en Arabie. Cependant, il est probable que le camp de Joseph compte plus de chrétiens (partisans de l’Église de Perse ou de confession nestorienne) que celui de ses ennemis. Le carnage de Najran doit d’abord être vu comme la suppression violente d’un soulèvement motivé par des enjeux économiques et politiques. Ce n’est que plus tard que la dimension religieuse devient prédominante dans le conflit, lorsque le souverain d’Aksum instrumentalise la foi pour rallier ses forces, transformant ainsi sa contre-offensive en une croisade anti-juive.

Le souverain d’Aksum, également connu sous le nom de négus Elesbaas (ou Kaleb Ella Asbeha), mobilise une flotte de 60 navires de commerce et commande la construction de 10 vaisseaux supplémentaires. Son objectif est de traverser la mer Rouge avec ses soldats pour écraser la révolte menée par Joseph. Après une cérémonie grandiose en direction de la grande cathédrale d’Aksum, et juste après la célébration de la Pentecôte en 525, il lance son offensive. Les troupes d’Aksum débarquent en Arabie, où elles infligent une lourde défaite aux armées himyarites sous le commandement du roi Joseph, qui est fait prisonnier puis exécuté. La chute et l’élimination de Joseph se produisent entre les années 525 et 530. Durant cette guerre, le négus ordonne l’extermination méthodique des communautés juives, atteignant ainsi Zafar, Marib (où le palais royal est détruit par le feu) et Najran. Toutefois, le négus ne remet pas en question la souveraineté du royaume himyarite. Au contraire, il le transforme en un protectorat sous l’égide d’Aksum, dirigé par un monarque himyarite converti au christianisme, sous la surveillance stricte d’une force d’occupation. ( Voir notre la section Abraha contre le Negus de notre extrait sur l’Histoire d’Abraha).

V.I. La sublime église de Sanaa.

Illustration : Ce chapiteau du vie siècle, aujourd’hui dans la grande mosquée de Sanaa, flanquaitBsans doute l’entrée d’Al-Qalis.

 

 

 

 

Aux alentours des années 559-560, Abraha, souverain du royaume de Himyar entre 532 et 565, entreprend la construction d’une église majestueuse à Sanaa. Cette église, plus tard nommée Al-Qalis par les écrits musulmans, un terme dérivé du mot grec ekklesia qui a donné église en français, symbolisait la grandeur. L’édification de cet édifice remarquable au cœur du Yémen avait pour but de consolider la position de Sanaa en tant que capitale et de promouvoir l’harmonie religieuse au sein du vaste domaine himyarite. Témoin de sa magnificence, l’église est décrite avec éloge bien des années après sa ruine, aux alentours de 760, dans les écrits de l’érudit musulman Al-Azraqi, décédé en 837, dans ses Traditions de La Mecque. Il la décrit comme un édifice de forme carrée, pourvu d’un grand hall, d’une cour spacieuse et d’une coupole ornée d’or, d’argent et de mosaïques formant une croix, et contenant un pupitre en ébène et ivoire. Il se pourrait que cette église ait été le site d’inhumation d’un saint martyr, devenant ainsi un centre de pèlerinage notable. Selon la tradition musulmane, durant la période omeyyade, le sépulcre d’un prophète arabe d’avant l’islam aurait été détruit pour agrandir la mosquée érigée à proximité de l’ancienne église.

 

V.II. Notes

1. À savoir : Abraha comme Abraham ?

Le souverain d’Himyar, Abraha, qui régna de 532 à 565, avait des racines aksumites. Son nom se traduit par [Dieu] a illuminé dans le dialecte éthiopien. En dépit d’une croyance populaire, son nom ne possède pas de lien avec Abraham, le patriarche biblique vénéré dans le judaïsme, le christianisme et l’islam.

2. Dates clés

Entre les années 150 et 270, le royaume d’Aksum, situé en Éthiopie, a lancé une offensive militaire contre l’Arabie occidentale. Cependant, le royaume de Himyar a réussi à repousser cette invasion et a consolidé son pouvoir sur le Yémen.

Au cours des IVe et Ve siècles, Himyar a élargi son emprise sur l’ensemble de l’Arabie occidentale et centrale. À la fin du IVe siècle, le royaume a adopté le judaïsme comme religion officielle.

Aux alentours de l’an 500, Aksum a réussi à détrôner la dynastie juive au pouvoir à Himyar, instaurant à sa place une lignée de monarques chrétiens.

Entre 522 et 530, une révolte menée par le roi Joseph a éclaté dans le but de restaurer le judaïsme. Cette insurrection a conduit à une reconquête violente et à une nouvelle occupation militaire par Aksum.

De 532 à 565, Abraha, un roi chrétien, a affranchi Himyar de la domination éthiopienne et a entrepris de reconquérir l’Arabie occidentale.

Vers l’année 570, le Yémen a été envahi par les Perses, marquant ainsi la chute du royaume de Himyar.

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