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    Réflexion sur la question des miracles coraniques

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    Islam : Réflexion sur la question des miracles coraniques

    Ces dernières années, l’idée selon laquelle le Coran renfermerait des miracles scientifiques a pris de l’ampleur, notamment au sein des cercles apologétiques. Cette théorie est diffusée par divers canaux de communication, tels que des émissions de télévision, des congrès, des livres et des sites internet. On y affirme que le Coran aurait anticipé de nombreuses théories scientifiques, ainsi que des inventions comme le téléphone, la radio ou le laser. Les défenseurs de ces miracles scientifiques s’adressent principalement à un public jeune, souvent sans formation scientifique, ce qui les rend moins aptes à exercer un esprit critique face aux théories sensationnalistes qui leur sont présentées. Cependant, derrière un discours bien élaboré se cache une réalité moins reluisante : falsification des textes, manipulation de scientifiques et méthodologies trompeuses.

    Dans cet article, nous examinerons l’origine de cette pseudo-science des miracles scientifiques du Coran et les pratiques discutables de leurs principaux promoteurs.

    1. Histoire et développement

    1.1. Des origines récentes

    La pseudo-science des miracles du Coran est apparue récemment, en parallèle avec les avancées des connaissances apportées par les Européens au 19e siècle. Comme l’indique Mustansir Mir, il s’agit d’un projet défensif qui coïncide avec la période de colonisation européenne, durant laquelle le monde musulman est confronté à l’arrivée de colons européens, accompagnés de scientifiques, médecins, soldats, ingénieurs, commerçants et fonctionnaires. Cette situation amène les musulmans à prendre conscience de leur retard en matière scientifique et technologique par rapport à l’Occident. En réponse à cela, une partie du monde musulman commence à affirmer que le Coran contenait déjà toutes les découvertes scientifiques de l’époque, marquant ainsi le début du commentaire scientifique (tafsir ‘ilmi) du Coran.

    Le précurseur de cette approche est le cheikh égyptien Tantawa Jawhari (décédé en 1940), qui publia en 1931 un commentaire du Coran en vingt-six volumes intitulé Jawahir al Qur’an (Les Joyaux du Coran). Après avoir suivi des études classiques à l’université d’Al-Azhar, il s’est intéressé aux sciences modernes. Bien qu’il n’ait pas de formation scientifique formelle, il s’est auto-formé en consultant des manuels scolaires et des ouvrages de vulgarisation qu’il a découverts lors de ses voyages en Europe. Son manque d’expertise ne l’a pas empêché d’affirmer avec emphase que toutes les connaissances humaines se trouvaient dans les 750 versets scientifiques du Coran. Par exemple, il a établi un lien entre la mer bouillante mentionnée dans le Coran (52:6) et la composition de l’eau, qui est constituée d’hydrogène et d’oxygène. On peut dire que ses démonstrations manquaient de rigueur. À la fin de sa vie, il alla même jusqu’à se porter candidat pour le prix Nobel !

    1.2. Une situation paradoxale

    Nous avons constaté que les affirmations concernant les miracles du Coran ont émergé avec les avancées des sciences naturelles au 19e siècle. Ce n’est pas un simple hasard : c’est précisément en raison de l’augmentation significative des connaissances scientifiques que certains penseurs musulmans ont commencé à utiliser ces sciences à des fins apologétiques et religieuses, en soutenant qu’elles étaient déjà présentes dans le Coran.

    Cependant, si le Coran contenait toutes les découvertes scientifiques à l’avance, pourquoi la majorité d’entre elles proviennent-elles des Occidentaux ? En effet, on estime que 97 % des découvertes scientifiques, de l’Antiquité jusqu’aux années 2000, sont attribuées à des Européens ou des Américains.

    Si ces découvertes étaient déjà mentionnées dans le Coran, pourquoi les musulmans ne sont-ils pas mieux représentés parmi les grands scientifiques et inventeurs ? Comment expliquer que, malgré des siècles de méditation quotidienne sur le Coran, les musulmans n’aient pas remarqué que toutes ces découvertes étaient juste sous leurs yeux ? Si la théorie du Big Bang était réellement inscrite dans le Coran, comme certains le prétendent, pourquoi a-t-elle été formulée par un prêtre catholique plutôt que par un imam ? Pourquoi attendre passivement qu’une théorie soit énoncée par des scientifiques pour la retrouver dans le Coran ? En réalité, si l’hypothèse des miracles scientifiques du Coran était fondée, les scientifiques devraient être en mesure de déduire de nouvelles découvertes ou théories scientifiques à partir du texte coranique. Or, jusqu’à présent, le processus est toujours unidirectionnel : d’abord la découverte, puis la confirmation qu’elle était déjà présente dans le Coran.

    En résumé, sans la révolution scientifique lancée par les Européens, les miracles du Coran n’auraient probablement jamais été évoqués. Comme le souligne Mustansir Mir, il est intéressant de noter que, durant les premiers siècles où l’activité scientifique musulmane était florissante, les principaux commentaires du Coran ne faisaient généralement pas mention de la science. En revanche, aujourd’hui, alors que l’activité scientifique musulmane a diminué, de nombreux musulmans affirment avoir trouvé dans la science un soutien et un défenseur de leur foi en l’islam.

    1.3. Des scandales à répétition

    Les figures médiatiques associées aux miracles du Coran ont été impliquées dans divers scandales, allant de la corruption au terrorisme. Une enquête du Wall Street Journal en 2002 a révélé que la Commission des miracles scientifiques du Coran et de la Sunna, l’une des principales organisations chargées de promouvoir ces miracles, avait manipulé et corrompu plusieurs scientifiques occidentaux pour qu’ils expriment des opinions conformes à la perspective islamique.

    Ces scientifiques avaient été invités à une conférence à Islamabad (Pakistan), présentée de manière trompeuse par les organisateurs comme étant neutre, avec tous les frais pris en charge (billets d’avion en première classe, hébergement dans un hôtel de luxe). En réalité, ils se sont retrouvés piégés dans une situation où ils étaient incités à commenter des versets du Coran et des hadîths en les présentant comme des vérités scientifiques.

    Certains d’entre eux ont également reçu des sommes d’argent et des cadeaux de valeur, dénonçant ainsi un piège et une manipulation. De plus, le fondateur de la Commission, Abdul Majid Zindani, originaire du Yémen, était l’un des mentors d’Oussama Ben Laden. Zindani a également été impliqué dans une autre controverse : il avait invité le professeur d’embryologie américain Keith Moore, auteur d’un livre intitulé Le développement humain, à coécrire une troisième édition de son ouvrage.

    Cependant, Zindani a ajouté des sections entières conformes à la vision des miracles du Coran sans en informer Moore, laissant entendre que ce dernier soutenait ces ajouts. Keith Moore n’a jamais souhaité s’exprimer publiquement à ce sujet, mais il est à noter que dans les éditions ultérieures de son manuel, les parties ajoutées par Zindani ont été supprimées, et la seule mention du Coran sert à illustrer la stagnation des connaissances sur le développement embryonnaire au Moyen Âge.

    En 1979, un géologue allemand, Alfred Kröner, a également été victime de ce genre de pratiques. Lors d’une conférence enregistrée en Arabie Saoudite, il a été interrogé sur la compatibilité du Coran avec la science. Ses déclarations ont été manipulées et déformées à son désavantage, comme il l’expliquera par la suite :

    Au fil des années, j’ai reçu des centaines de courriels à ce sujet. En 1979, j’ai participé à une conférence géologique à Djeddah, en Arabie Saoudite, où une interview télévisée a été organisée avec cinq géologues occidentaux par le ministre des affaires religieuses de l’époque, qui avait un doctorat en géologie. La question posée portait sur la compatibilité du Coran avec les idées modernes sur l’évolution de la Terre. Comme on peut s’y attendre, les textes religieux contiennent toujours des éléments qui peuvent être en accord avec la nature, et le Coran ne fait pas exception. Les citations que l’on trouve aujourd’hui sur ces sites religieux ont été sorties de leur contexte, et je ne me souviens même plus des détails de l’interview. Quoi qu’il en soit, tout ce que vous pouvez lire sur ces sites ne reflète certainement pas ce que j’ai réellement dit. Je ne peux pas grand-chose à ce sujet ; j’ai consulté plusieurs amis du monde islamique, et ils m’ont tous conseillé de laisser tomber et de vivre avec cela.

    En résumé, il est clair que les partisans des « miracles » du Coran sont prêts à tout pour atteindre leurs objectifs, y compris à corrompre et manipuler des scientifiques occidentaux. Leur intention ne semble pas être d’explorer la science de manière sérieuse, mais plutôt de démontrer à tout prix l’origine divine du Coran, même si cela implique de recourir au mensonge.

    1.4. Un discours contesté en interne

    L’exégèse (pseudo)scientifique du Coran ne fait pas l’unanimité parmi les musulmans et a suscité de nombreuses critiques de la part de divers savants. L’écrivain égyptien Amir al-Khuli (décédé en 1966) est l’un des premiers à avoir remis en question ce type d’interprétation, en avançant trois arguments contre elle :

    1.  Les mots évoluent et acquièrent des significations spécifiques selon les époques ; il est donc inapproprié d’imposer des interprétations anachroniques aux termes du Coran.
    2. Le Coran est conçu pour être compris par ses auditeurs. Si l’on applique des significations modernes aux mots, que dire des contemporains du prophète ? Si ces derniers avaient assimilé les interprétations proposées par les apologistes d’aujourd’hui, pourquoi le développement scientifique des Arabes a-t-il eu lieu bien après la révélation du Coran ? Et si ces contemporains ne l’ont pas compris de cette manière, comment peut-on affirmer que c’était l’intention divine ?

    3. La fonction d’un livre religieux n’est pas de fournir des connaissances sur l’univers, car celles-ci évoluent, mais plutôt d’influencer les émotions, et cela s’applique à tous, y compris aux personnes moins instruites.

    Plus récemment, de nombreuses voix scientifiques au sein du monde musulman se sont élevées contre l’utilisation de la science à des fins religieuses. La physicienne d’origine tunisienne Faouzia Charfi a ainsi critiqué les faussaires de la science dans son ouvrage La science voilée, où elle remet en question l’attitude de certains musulmans vis-à-vis de la science moderne. De même, l’astrophysicien algérien Nidhal Guessoum s’attaque également aux partisans des miracles du Coran. Ce mouvement de contestation trouve écho sur des plateformes populaires telles qu’oumma.com (un site musulman confessionnel), où un article met en lumière les mirages scientifiques présents dans le Coran.

    2. Les faiblesses d’une méthodologie biaisée

    2.1. Le concordisme

    Les partisans des miracles du Coran adoptent une approche appelée concordisme, qui consiste à extraire un verset du Coran pour le faire correspondre à une théorie ou une observation scientifique. Cette méthode présente plusieurs critiques : tout d’abord, elle néglige le fait que les versets coraniques doivent être compris dans leur contexte littéraire et historique, dont ils ne peuvent être dissociés. L’objectif des concordistes est de décontextualiser les passages prétendument miraculeux afin de leur donner une nouvelle interprétation qui s’aligne avec la science moderne. En procédant ainsi, ils enfreignent les règles islamiques d’exégèse, qui stipulent qu’il faut se référer à l’avis des oulémas, considérés comme les seules autorités légitimes en matière d’interprétation du Coran, du moins au sein de la tradition sunnite. Cette attitude est d’ailleurs critiquée dans un hadîth célèbre où le Prophète affirme que celui qui parle du Coran selon sa propre opinion, qu’il prenne sa place en enfer.

    Un exemple bien connu de concordisme est celui du prétendu miracle des abeilles. Ces insectes butineurs sont effectivement mentionnés dans la sourate 16, intitulée Les abeilles. Selon certains sites apologétiques, la relation entre le titre et le numéro de la sourate serait miraculeuse, car les abeilles mâles auraient 16 chromosomes, tandis que les femelles en posséderaient 16 paires (soit 32 au total). Évidemment, il était impossible de connaître ces détails à l’époque du prophète ! Cependant, la situation est plus complexe. Il existe environ 20 000 espèces d’abeilles dans le monde, dont 200 ont été séquencées génétiquement par les scientifiques jusqu’à présent. On constate une grande variabilité dans le nombre de chromosomes selon les espèces, qui peut aller de 3 à 28. Bien que certaines espèces aient effectivement 16 chromosomes (ou 16 paires pour les femelles), ce chiffre n’est ni unique ni le plus courant. Peu importe, tant que cela sert les intérêts des concordistes, tout le reste est mis de côté.

    Prenons un dernier exemple de manipulation concordiste, cette fois en lien avec la question des couches atmosphériques. Le Coran affirme à plusieurs reprises qu’Allâh a créé sept cieux (2:29 ; 17:44 ; 65:12). Cette notion n’est pas exclusivement coranique, car elle trouve ses origines dans la mythologie mésopotamienne et a été popularisée dans l’Antiquité par le Talmud et certains écrits apocryphes. Cela n’a pas empêché certains prédicateurs musulmans d’y voir un miracle scientifique – un miracle qui devrait alors être attribué aux Mésopotamiens ! Selon ces prédicateurs, relayés par de nombreux sites internet, les sept cieux feraient référence aux sept couches de l’atmosphère, ce qui démontrerait que le Coran anticipait les connaissances astronomiques. Cependant, comme l’explique la physicienne Faouzia Charfi, aucune classification ne recense sept couches atmosphériques.

    Pour parvenir à un total de sept couches, deux classifications distinctes sont utilisées : celle des météorologistes, qui se base sur la variation de la température en fonction de l’altitude, et celle des radiophysiciens, qui se concentre sur la concentration d’électrons libres. Cette combinaison de deux types de classifications entraîne le comptage de certaines tranches atmosphériques à deux reprises. Cela ne semble pas poser de problème aux auteurs. L’important, encore une fois, n’est pas la cohérence de l’argumentation, mais le résultat final. Malgré toute logique, les critères sont modifiés en fonction du résultat souhaité (sept couches) que l’on cherche à obtenir.

    Un autre problème du concordisme est qu’il peut être appliqué à n’importe quel texte ancien. Prenons l’exemple suivant : dans Le Crépuscule des Idoles, le philosophe allemand Friedrich Nietzsche affirmait que seules les pensées qui vous viennent en marchant ont de la valeur. Plusieurs études scientifiques ont en effet démontré qu’une activité physique modérée, comme la marche, stimule fortement les zones cérébrales liées aux tâches exécutives, comme le montrent les IRM réalisées sur des sujets après 20 minutes de marche comparées à 20 minutes de repos.

    Illustration :  imagerie médicale de l’activité cérébrale de deux individus après 20 minutes de repos et de marche – Dr. Chuck Hillman, Université de l’lllinois

     

     

    Comment Nietzsche, qui n’avait pas accès aux techniques d’imagerie médicale modernes ni aux connaissances en neurosciences actuelles, pouvait-il savoir que la marche entraînait une augmentation de l’activité neuronale ? En réalité, selon la méthodologie concordiste, rien n’empêcherait un adepte d’une nouvelle religion inspirée par Nietzsche de soutenir que le philosophe allemand avait reçu une révélation divine.

    Il serait également pertinent de dresser un bilan des connaissances scientifiques de l’époque, qui étaient souvent plus avancées qu’on ne le pense généralement. Par exemple, les médecins grecs de l’Antiquité avaient déjà compris que l’épilepsie était liée au cerveau. Dans le verset 24:45, il est mentionné que Dieu a créé tous les êtres vivants à partir de l’eau.

    Ce passage est fréquemment cité dans le discours apologétique, car il serait une preuve que le Coran reconnaît que les êtres vivants sont principalement composés d’eau. Cependant, ce n’est pas la seule interprétation possible de ce verset : comme le souligne Denise Masson dans sa traduction du Coran, l’expression pourrait plutôt faire référence à la semence qu’à l’eau elle-même.

    De plus, cette affirmation pourrait simplement découler de l’observation que l’eau est essentielle à la vie, une évidence pour tous. Même en acceptant l’interprétation du discours apologétique, l’idée que l’eau soit le principe fondamental de toute chose, y compris des êtres vivants, était déjà connue à l’époque préislamique. Thalès, par exemple, qui a vécu près d’un millénaire avant le Coran, considérait l’eau comme le principe de toutes choses. Une idée similaire se retrouve chez le théologien syriaque Éphrem de Nisibe (m. 373), qui écrit dans son Commentaire sur la Genèse que par la lumière et l’eau, la terre a fait naître toute chose.

    Ainsi, même en supposant que le Coran fasse référence à la composition des êtres vivants en eau, cette notion n’est pas nouvelle. Un autre exemple concerne la prétendue mention de l’atome dans le Coran. On peut lire dans le passage suivant : Celui qui aura fait le poids d’un atome de bien, le verra ; celui qui aura fait le poids d’un atome de mal, le verra (99:7-8). Cependant, encore une fois, ce miracle n’en est pas un. Tout d’abord, le terme dharra, souvent mal traduit par atome, désigne en réalité une petite fourmi ou une particule de poussière ou de poudre. Même si l’on suppose que ce terme fait référence à l’atome, cela ne constituerait en aucun cas un miracle, car le concept d’atome était déjà bien connu des Grecs, notamment grâce à Démocrite, dès le 5e siècle avant notre ère, et a été poursuivi par des penseurs comme Épicure et Lucrèce.

    2.2. Les traductions tronquées

    Étant donné que le public ciblé par les partisans du concordisme coranique est souvent occidental, leurs démonstrations s’appuient sur des traductions du Coran en langues européennes, qui déforment voire falsifient le texte arabe original. Par exemple, dans le verset 79:30, on peut lire : Et quant à la terre, en plus de cela, Il l’a étendue (trad. Muhammad Hamidullah).

    Cependant, le prédicateur Zakir Naik utilise une manipulation linguistique audacieuse pour éviter le sens embarrassant du verset, qui suggère que la terre est plate. Il affirme que le mot arabe pour étendre ici est dahaha, qui signifie œuf d’autruche. La forme d’un œuf d’autruche ressemble à la forme géo-sphérique de la terre. Ainsi, le Coran décrit correctement la forme de la terre […].

    Ces propos, qui vont à l’encontre des règles de la langue arabe, pourraient prêter à rire s’ils ne provenaient pas d’un prédicateur suivi par des millions de personnes. En effet, le verbe daha ne peut pas signifier œuf (d’autruche), qui est un nom (le ha final est un suffixe se rapportant à la terre). De plus, la racine trilittère d-h-w (د ح و), d’où provient le verbe, renvoie, selon tous les dictionnaires arabes, à l’idée d’étendue.

    Un autre exemple se trouve dans le verset 51:47 : Le ciel, Nous l’avons construit solidement. En vérité, Nous sommes plein de largesse ! (trad. Régis Blachère). Certains apologistes interprètent ce verset comme une référence à l’expansion de l’univers (nous y reviendrons plus tard). Pour soutenir cette affirmation, ils traduisent la phrase wa-innâ lamousi’ouna par Nous l’étendons [le ciel] dans l’immensité.

    Cependant, cette traduction est inexacte. En arabe, le mot wasa’a signifie avoir (telle) capacité, comprendre, contenir, inclure. Une traduction plus fidèle du verset serait : le ciel, Nous l’avons construit par Notre puissance et Nous en avons la capacité. C’est d’ailleurs l’interprétation traditionnelle musulmane. Le savant al-Qurtubi a mentionné dans son tafsir que : Ibn ‘Abbâs a dit : Nous en sommes capables. Et il a été dit : Celui qui a la capacité, par sa création et celle d’autres choses, rien de ce que Nous voulons ne nous est difficile.

    2.3. Le problème de la « science »

    Il est important de souligner qu’aucune connaissance scientifique ne peut être considérée comme une vérité absolue et immuable. La science évolue avec le temps : une théorie peut être jugée valide à un moment donné, puis être remise en question à un moment ultérieur en raison de nouveaux éléments. De plus, il n’existe pas de méthode permettant de prouver que les théories scientifiques sont vraies, ou même probablement vraies. Toutes ces théories sont des constructions humaines, susceptibles d’erreurs et de lacunes. Ainsi, réduire le texte coranique, souvent perçu comme divin, immuable et infaillible, à des théories humaines qui s’inscrivent dans un contexte temporel et spatial donné, implique un certain degré d’incertitude et la possibilité de réfutation. Nidhal Guessoum a déjà mis en lumière les faiblesses méthodologiques des partisans des miracles scientifiques, en notant qu’ils reposent sur des « principes erronés », à savoir : (1) l’idée que l’interprétation des versets coraniques est univoque et définitive, ce qui permet une comparaison avec des observations ou théories scientifiques ; (2) l’idée que la science est simple et claire, contenant des faits définitifs facilement distinguables des simples théories.

    Comme nous l’avons mentionné, les concordistes établissent un lien entre un texte supposé contenir des vérités intemporelles et des théories qui, elles, évoluent. Mais que se passerait-il si certaines de ces théories venaient à être contestées à l’avenir ? En réalité, cela s’est déjà produit dans le passé. Les savants musulmans de la période médiévale se réjouissaient de constater que la description coranique du développement embryonnaire était en accord avec les théories du médecin grec Galien (m. 216), qui étaient alors prédominantes dans les cercles scientifiques. Cependant, ces théories ne correspondent plus aux connaissances actuelles, ce qui remet en question la véracité du texte coranique. Revenons au verset 51:47, que nous avons déjà cité, et qui est interprété par certains apologistes comme une référence à l’expansion de l’univers. Il est important de noter que l’idée selon laquelle l’univers est en constante expansion n’est qu’une des nombreuses hypothèses envisageables.

    L’astrophysicien Jean-Marc Bonnet-Bidaud a abordé ce sujet dans une interview accordée au Monde, en déclarant : Nous observons un décalage vers le rouge de la lumière provenant d’objets lointains, ce qui nous amène à conclure que l’Univers se dilate. Cependant, cette interprétation n’est qu’une des nombreuses hypothèses possibles, et il n’est pas nécessaire d’avoir un Univers en expansion pour expliquer ce décalage vers le rouge de la lumière. Quoi qu’il en soit, pour les concordistes, une théorie scientifique est considérée comme valide dès lors qu’elle peut être mise en relation avec le Coran !

    Sources Annexes :

    Mustansir Mir discute de l’exégèse scientifique du Coran, questionnant sa viabilité dans le Journal of Islam & Science.
    Dominique et Marie-Thérèse Urvoy explorent le concept de miracle coranique dans leur enquête, soulignant des interprétations variées.
    Faouzia Charfi aborde la relation entre science et religion dans son ouvrage “La science voilée”, mettant en lumière des tensions et des malentendus.
    Charles Murray examine l’accomplissement humain dans les arts et les sciences, offrant un contexte historique.
    Daniel Golden souligne le rôle des chercheurs occidentaux dans la promotion de la “science” du Coran dans le Wall Street Journal.
    Keith L. Moore traite du développement humain dans son livre sur l’embryologie clinique.
    Majid Daneshgar discute de la miraculosité scientifique du Coran dans le journal Zygon.
    Nidhal Guessoum propose une réconciliation entre la tradition musulmane et la science moderne dans son livre.
    Hocine Kerzazi critique les “mirages scientifiques” du Coran sur Oumma.com.
    Marine Cunha et al. publient des recherches sur la génétique des abeilles dans Apidologie.
    Peter Jensen et Adela Y. Collins analysent la cosmologie babylonienne et son influence sur les traditions religieuses.
    Denise Masson fournit des traductions et des commentaires sur le Coran, enrichissant la compréhension des textes.
    Zakir Naik aborde la compatibilité entre le Coran et la science moderne dans ses écrits.
    Mohammed bin Ahmed al-Qurtubi commente le Coran, apportant une perspective traditionnelle sur les versets.
    Alan F. Chalmers propose une introduction à l’épistémologie des sciences, essentielle pour comprendre les débats contemporains.
    Basim Mussalam examine la société islamique et le contrôle des naissances avant le XIXe siècle.
    Jean-Marc Bonnet-Bidaud discute de la fragilité du modèle du Big Bang dans une interview, remettant en question certaines interprétations coraniques.

     

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