Encyclopédie de religions africaines –
Avant Propos : Chers lecteurs et lectrices, avant de vous lancer dans la lecture de ce contenu nous vous conseillons de lire d’abord notre article d’introduction, vous le trouverez en cliquant sur le lien en surbrillance suivant : Encyclopédie de religions africaines – Introduction : Notions et Concepts. Ce dernier vous permettra de mieux appréhender le sens que nous voulons donner à l’ensemble de cette rubrique.
L’idée de l’Au-delà apparaît pour la première fois dans la littérature ancienne de Kemet. Dans la tradition maatienne de l’Égypte ancienne, l’après-vie occupait une place centrale ; les habitants de Kemet l’appelaient wHm anx (wehem ankh), signifiant vie répétée. Elle était perçue comme un objectif spirituel et éthique, ainsi qu’une récompense pour une vie juste sur Terre, en somme, le don divin de l’immortalité. De plus, une théologie du venir au jour s’est développée, englobant plusieurs concepts fondamentaux et se retrouvant dans diverses sources, y compris des textes funéraires et des écrits autobiographiques. Les textes funéraires qui offrent un portrait vivant de l’après-vie maatienne comprennent les Textes des Pyramides, les Textes des Coffres (Le Livre de la Vindication) et le Livre de la Sortie au Jour, communément appelé en égyptologie Le Livre des Morts. D’autres sources incluent des textes plus ésotériques tels que les Livres des Enfers.
Le concept maatien de l’au-delà ou de l’immortalité, ainsi que la théologie qui le soutient et l’éclaire, peut être abordé selon cinq axes : (1) la résurrection, (2) l’ascension, (3) le jugement, (4) l’acceptation et (5) la transformation. Cet article présente chacun de ces aspects.
1. Renaissance (résurrection)
Le concept de résurrection repose sur l’idée que chacun ressuscitera et sera jugé digne ou indigne de la vie éternelle. Cette notion s’inspire du récit d’Osiris, l’esprit divin, qui a été tué injustement, ressuscité, et, en raison de sa droiture, a reçu la vie éternelle. Grâce à cet acte spirituel, chaque individu se voit offrir la possibilité et la promesse de la résurrection et de l’immortalité par la vertu.
Dans le Livre de la Vindication, le ressuscité déclare : Je meurs et je vis, car je suis Osiris. De plus, les textes affirment : Ô chercheur de vindication, la terre ouvre sa bouche pour toi ; elle ouvre ses mâchoires en ta faveur. Les Textes des Pyramides ajoutent : Lève-toi, ô vindiqué. Prends possession de ta tête. Rassemble tes os ; collecte tes membres et secoue la poussière de ta chair.
2. A
Ensuite, le concept de la vie répétée implique l’ascension. Alors que la résurrection fait référence à se relever des morts ou à se réveiller, l’ascension évoque l’idée de s’élever vers les cieux. En effet, le Livre de la Vindication déclare : Salut, celui qui est vindiqué. Viens pour t’élever dans les cieux. Il est également mentionné que les portes du ciel s’ouvrent [pour toi] grâce à ta vertu. Puisses-tu t’élever et voir Hathor [Déesse de l’Amour, Mère Divine]. Plusieurs modes d’ascension se dégagent de sa représentation dans les textes.
Le premier moyen est de s’élever en tant qu’esprit. Dans Le Livre des Morts, il est écrit : Tu t’élèves vers les cieux, tu traverses [le firmament]. D’autres façons d’ascension incluent le fait de s’élever ou de passer par une échelle ou un escalier qui est mis en place pour que les défunts montent vers les cieux. Le Livre des Morts déclare : Tu es élevé vers les cieux… tu t’élèves… sur le chemin de l’éternité vers l’immortalité. Le Livre de la Vindication mentionne : Pour toi, une échelle vers les cieux sera dressée et Nut [le ciel personnifié] te tendra la main.
Dans les Textes des Pyramides, il est également mentionné : Je place l’escalier. J’érige la échelle et ceux d’Amenta [paradis, ciel, lieu de l’au-delà] saisissent ma main… [et me soulèvent vers les cieux]. De plus, le texte indique que les esprits divins dans le ciel, Saisissez la main de celui qui a été justifié et portez-le au ciel afin qu’il ne meure pas parmi les hommes et les femmes. Enfin, une autre manière pour une personne ressuscitée d’ascension est de s’élever en volant vers les cieux. Ainsi, les Textes des Pyramides déclarent : Voici, le volateur s’envole, ô hommes et femmes [de la terre]. Je [m’élève] et m’envole loin de vous.
3. Jugement
Le troisième concept fondamental dans la théologie de l’après-vie ou de l’immortalité est l’idée de jugement. C’est l’une des contributions les plus significatives de Kemet et de l’Afrique ancienne au développement de la pensée morale et spirituelle de l’humanité, car elle a introduit et favorisé les notions de responsabilité personnelle, de libre arbitre, de déterminisme, ainsi que de récompense et de punition dans l’au-delà pour tous. De plus, elle a influencé les perspectives de l’après-vie pour les riches, les puissants et les personnes ordinaires, offrant ainsi une forme de contrainte morale pour ceux qui pourraient autrement être moins enclins à agir de manière éthique.
Au cœur de l’idée de jugement se trouve le désir d’immortalité en menant une vie juste, ou Maatienne. Le concept de Maat est riche en significations, englobant des notions telles que la vérité, la justice, la droiture et l’ordre ; il représente essentiellement la justesse dans les domaines divin, naturel et social. Cela implique donc d’entretenir des relations justes avec Dieu ou le Divin, la nature et les autres êtres humains. Cette exigence globale se retrouve dans les Déclarations d’Innocence du pharaon Unas dans ses Textes de la Pyramide, où il affirme qu’il souhaite être jugé selon ses actions et qu’il a pratiqué Maat (le bien, le juste) tout en s’abstenant de l’isfet (le mal, l’injuste). Il conclut en déclarant qu’aucune divinité, homme, femme, bête ou oiseau ne l’accuse, ce qui témoigne de son souci d’être justifié devant le Divin, la nature et l’humanité.
Le Chapitre 125 du Livre des Morts offre une description claire et détaillée du processus de jugement et de justification. Le moment du jugement est désigné comme le Jour de l’Évaluation des Caractères et le Jour du Grand Reddement de Comptes. Cela met en avant l’importance du caractère comme fondement d’une vie conforme à Maat. Le processus commence par l’entrée dans la Salle de Maat, où l’on déclare apporter Maat et avoir rejeté le mal. Ensuite, on se déclare innocent de 36 à 42 offenses envers le Divin, la nature et les humains devant 42 juges. Ces offenses incluent des déclarations telles que ne pas avoir maltraité autrui, menti, tué, ordonné des meurtres, blessé, blasphémé, volé, ignoré l’injustice, eu des relations illicites, nui aux plus vulnérables, abusé de la nature, diffamé ou trompé, convoité ou semé la discorde. Ces déclarations sont appelées les Déclarations d’Innocence, mais ont été à tort qualifiées de Confessions Négatives en raison de leur formulation, qui commence par Je n’ai pas…. Il ne s’agit pas de confessions de fautes, mais plutôt de déclarations d’innocence. Par exemple, Je n’ai pas commis d’isfet envers les gens est la première Déclaration d’Innocence requise. En résumé, on confesse des fautes, mais on déclare son innocence.
Après avoir déclaré son innocence, le cœur d’une personne est pesé dans la Balance Divine de Ra, le Dieu qui évalue la droiture. Le cœur est comparé à la plume de Maât ; si les bonnes actions l’emportent sur les mauvaises, la personne obtient la vie éternelle. Dans le cas contraire, elle est dévorée par un être nommé Ammout, qui signifie littéralement consommatrice des morts. Dans le Husia, dans le Livre de Merikara, il est dit : Une personne perdure après la mort et ses actions sont placées à ses côtés comme une part. Quant à celui qui se présente devant les juges sans avoir commis de mal, il existera là comme une puissance divine, avançant librement comme les seigneurs de l’éternité. Ce texte rappelle à ses lecteurs que un jour est un don à l’éternité, et [même] une heure est une contribution à l’avenir.
4. acceptation (approbation)
La quatrième étape du processus de vindication pour la vie éternelle consiste à être déclaré mAa xrw—maa kheru, ce qui signifie vrai de voix, innocent, justifié et victorieux. Lorsqu’une personne est vindiquée, Djehuti, la divinité de la justice, de la loi et du jugement, enregistre et annonce le verdict en déclarant : Écoutez cette parole de vérité. J’ai jugé le cœur d’Osiris. Son âme témoigne en sa faveur. Sa conduite est juste selon les Grandes Échelles. Et aucune faute n’a été trouvée en lui. Dans Le Livre des Morts, les Grands Neuf Divinités répondent : Ce que tu as dit est vrai. L’Osiris est maa kheru [justifié] et puissant… Ammut ne sera pas autorisée à exercer son pouvoir sur lui.
Après avoir été jugé maa kheru, une personne devient un Osiris et, à l’instar d’Osiris, obtient l’immortalité et est accueillie dans l’au-delà. Après la pesée et le jugement, l’Osiris est conduit devant Osiris par Horus, le fils d’Isis et d’Osiris. Horus s’adresse à Osiris en disant : Je me présente devant toi, ô Wennofer [Bon Être], en t’apportant Osiris. Son cœur est juste [Maatien], issu de l’Équilibre… Djehuti l’a consigné par écrit… Et Maat la Grande en a été témoin. (Maat représente ici la divinité qui incarne la vérité, la justice, etc.) Ensuite, l’Osiris prend à nouveau la parole pour affirmer son caractère Maatien et déclare : Accorde-moi d’être comme ceux qui te suivent… Il ou elle s’agenouille alors devant Osiris, présente ses offrandes et est accueilli dans l’au-delà et l’autre monde (Amenta). Le Livre des Morts contient cette prière pour l’acceptation : Que les Seigneurs de la terre sacrée m’accueillent et me donnent des louanges triples en paix. Qu’ils me fassent une place à côté des Anciens du Conseil. Il est également dit : Qu’il me soit dit ‘bienvenue, entre en paix’ par ceux qui me verront.
En plus de l’immortalité dans les cieux, les anciens Égyptiens aspiraient à une vie éternelle sur Terre, ainsi qu’à être gravés dans les cœurs et les esprits des gens. Un auteur a mentionné dans son autobiographie,
Que Ra insuffle en les cœurs des gens un amour pour moi, afin que tous m’apprécient. Qu’il fasse perdurer mon nom comme les étoiles du ciel et que mon monument demeure tel ceux de ses fidèles. Que mon Ka [essence divine] soit honoré dans Son temple jour et nuit. Que je puisse renouveler ma jeunesse comme la lune et que mon nom ne soit pas oublié dans les années à venir.
5. Transformation
En fin de compte, le chemin vers l’au-delà ou l’immortalité implique une transformation en un esprit vivant et éternel. Une prière tirée du Livre des Morts demande : Puis-je prendre la forme que je désire, où que mon esprit souhaite se trouver. Ici, la personne vindiquée se transforme en diverses formes spirituelles puissantes et glorieuses, appelées Axw—akhu. En effet, dans le Livre de la Vindication, il est dit de la personne vindiquée : Je suis transformé en celui dont les esprits sont puissants. Je suis uni à Ra, Seigneur de Ses Deux Terres [Kemet], et je suis celle [celui] qui est placée derrière Lui.Dans un texte autobiographique, il est mentionné que la personne vindiquée a été trouvée maa kheru, par conséquent, puisse-t-on l’accueillir et le transfigurer en récompense de sa vertu. La conclusion de ce processus peut être résumée par ce passage des Textes des Pyramides : Ra m’a reçu auprès de lui, au ciel… comme cette étoile qui illumine le ciel… Jamais les cieux ne seront vides de moi ni la terre dépourvue de ma présence.
Sources complémentaires : Foster, J. L. (2001). Littérature égyptienne ancienne : une anthologie. Austin : University of Texas Press. Karenga, M. (1984). Extraits du Husia : sagesse sacrée de l’Égypte ancienne. Los Angeles : University of Sankore Press. Karenga, M. (2006). Maat, l’idéal moral dans l’Égypte ancienne : une étude sur l’éthique africaine classique. Los Angeles : University of Sankore Press.