Encyclopédie de religions africaines – AKHENATON
Avant Propos : Chers lecteurs et lectrices, avant de vous lancer dans la lecture de ce contenu nous vous conseillons de lire d’abord notre article d’introduction, vous le trouverez en cliquant sur le lien en surbrillance suivant : Encyclopédie de religions africaines – Introduction : Notions et Concepts. Ce dernier vous permettra de mieux appréhender le sens que nous voulons donner à l’ensemble de cette rubrique.
Akhenaton (1353–1336 av. J.-C.), dont le nom signifie celui qui loue Aten, était un roi et philosophe de la 18e dynastie qui a changé son nom d’Amenhotep, signifiant Amen est satisfait. Bien qu’il ne soit pas le premier philosophe africain, aucun autre penseur de l’Antiquité n’a eu une influence aussi marquante qu’Akhenaton dans l’établissement d’une personnalité qui a résonné à travers les âges. Aucun des philosophes précédents, tels qu’Imhotep, Merikare, Duauf ou Amenemhat, n’a laissé une réputation de créativité aussi durable qu’Akhenaton.
Cependant, cette popularité a été remise en question par de nombreux chercheurs africains et peut être mieux comprise en examinant divers faits concernant la vie et l’époque d’Akhenaton. Cet article présente les contextes religieux et politiques dans lesquels Akhenaton a émergé, aborde son règne et examine ce qu’il est advenu de son œuvre après sa mort.
1. Amen et sa ville
Au cours de la 18e dynastie dans la ville haute égyptienne de Waset, connue sous le nom de Thèbes par les Grecs, le dieu Amen régnait en maître. Aucun autre dieu n’avait exercé une telle domination sur l’ancienne terre que celle d’Amen ; son nom résonnerait à jamais à travers les âges, parfois associé à Ra sous la forme d’Amen-Ra. En effet, la 18e dynastie de Kemet, appelée Égypte par les Grecs, était l’ère de la suprématie d’Amen. Tout dieu qui oserait s’opposer à la puissance d’Amen serait inévitablement vaincu. Tout scribe, seshesh, ou plus audacieusement, le Per-aa, Grande Maison, désigné pharaon par les Hébreux, qui aurait l’audace de remettre en question la prééminence d’Amen se verrait relégué aux marges de l’histoire kémétique, attaqué par mille défenseurs du Caché.
Dans la ville d’Amen, connue sous le nom de Waset, les richesses provenant de 100 victoires militaires ont rempli les coffres du Tout-Puissant, rendant le dieu Amen incroyablement puissant et impressionnant. Ainsi, Amen était également riche, surpassant tous les autres dieux que le monde ait jamais connus. Des avenues bordées de sphinx et de grands pylônes en pierres massives ornaient la ville divine. Les trésors venus de capitales étrangères, tels que l’or des royaumes de Nubie, le bois d’Assyrie et les épices de Punt, ont élevé Amen au rang de roi suprême de tous les dieux, le dieu des dieux. Sa grandeur et son autorité étaient telles que ni le Pharaon ni le grand prêtre ne pouvaient revendiquer cette richesse. Elle n’avait pas été acquise au service de simples mortels ; la richesse d’Amen était un trésor précieux gagné au service de l’Invisible.
En Égypte, il n’y avait ni pièces d’or ni d’argent, faisant de cette civilisation l’une des rares à s’épanouir sans monnaie métallique. Cependant, les biens temporels d’Amen étaient inestimables. Les dons de terres, de bateaux, de vignobles et de bétail de la part des habitants de Kemet étaient fréquents, témoignant de la popularité du Dieu Suprême, Amen, durant la 18e dynastie.
Cependant, même Amen, aussi puissant qu’il fût dans le sanctuaire de son temple majestueux, ne pouvait pas gérer ses opérations depuis son domaine caché. Même un Dieu avait besoin de personnes, tant pour les tâches cléricales qu’administratives, afin d’entendre la parole de Dieu et d’exécuter ses ordres parmi les humains, de réaliser ses rituels, de punir les désobéissants et de recevoir ses offrandes. Il était également essentiel d’avoir des personnes pour gérer les stocks croissants de biens qui affluaient chaque jour dans les trésors d’Amen. Aussi puissant qu’il fût depuis les cieux, Amen dépendait d’une équipe de prêtres pour accomplir sa volonté.
Imaginez le nombre de fonctionnaires qui devaient être employés pour faire fonctionner une telle vaste opération. La complexité et l’étendue du clergé d’Amen n’avaient pas d’égal parmi les grandes divinités de Kemet à cette époque. En effet, certaines divinités, comme Maât, n’avaient même pas de clergé. Chaque jour, plus de 3 000 fonctionnaires se rendaient au Temple d’Amen. À mesure que Waset gagnait en importance, grâce à l’énergie incessante des rois de la 18e dynastie, la signification du culte d’Amen augmentait également.
Ainsi, l’énergie et le dynamisme de Waset ont façonné les contextes spirituels et religieux qui prévalaient durant la majeure partie de la 18e dynastie. Cela faisait partie du cadre du roi Amenhotep IV. Il est possible qu’aucune période de l’histoire égyptienne n’ait été aussi glorieuse que celle-ci, et même les exploits de la dynastie suivante, les Ramsessides, dominée par le plus grand roi de l’histoire de Kemet, Ramsès II, seraient évalués selon les critères de la 18e dynastie.
Illustration : Vers 1350 av. J.-C., le roi Akhenaton et sa reine Nefertiti adoraient Aten ou Aton, le dieu du soleil. Initialement nommé Amenhotep IV, le roi a changé son nom en Akhenaton, ce qui signifie “Gloire d’Aten”, qu’il vénérait comme le seul vrai dieu. Source : Getty Images.
2. La famille Ahmosian
Amenhotep IV se démarquerait dans l’histoire de son époque, comme s’il savait exactement comment établir une personnalité unique au sein de l’impressionnante lignée d’Ahmose, Amenhotep I, Amenhotep III, la reine Tiye, Thoutmôsis I, Thoutmôsis II, Hatshepsout (Maat Ka Ra) et Thoutmôsis III. Dès son accession au trône, il se retrouverait entouré d’hommes et de femmes au caractère exceptionnel. Ils avaient été les protecteurs du dieu Amen, et leurs victoires étaient celles d’Amen. La famille ahmosienne de la XVIIIe dynastie était tout autant la famille d’Amen que les Windsor sont la famille du Dieu chrétien ou que les Saoudiens sont la famille d’Allah.
Ahmose le Libérateur a marqué le début d’une nouvelle ère dans la vallée du Nil en 1560 av. J.-C., lorsqu’il a chassé les Hekar Khasut, communément appelés Hyksos, de toutes les positions de pouvoir et a rétabli une dynastie égyptienne indigène sur l’ensemble du pays. Ahmose et ses successeurs ont fondé à Waset, connue sous le nom de Thèbes chez les Grecs, l’une des plus grandes villes de l’Antiquité. Au cœur de cette ville se trouvait le sanctuaire d’Amen, dans le saint des saints, érigé par Senousert Ier (1971–1925 av. J.-C.) et appelé Ipet sut, le lieu le plus choisi, qui symbolisait un renouveau spirituel et architectural en lien avec la libération du pays. Au sud se dressait le sanctuaire d’Ipet-rs’it, le lieu choisi du sud, également dédié à Amen. De l’autre côté du Nil, à l’ouest, se trouvait le vaste temple mortuaire de Mentouhotep Ier (2061–2011 av. J.-C.), à proximité de l’endroit où le temple d’Hatchepsout serait plus tard construit. Au nord se trouvaient les tombes des Antefs, ancêtres de Mentouhotep. La ville de Waset s’est ainsi imposée aux côtés de Men-nefer, appelée Memphis par les Grecs, et de la ville d’On, nommée Héliopolis par les Grecs, comme l’une des cités dominantes de l’Égypte.
Les rois wasétiens s’attelaient à renforcer l’importance de leur ville natale. De nos jours, il est évident que la grandeur de cette ancienne cité perdure, puisque plus d’un tiers des monuments majeurs de l’Antiquité se trouvent à moins de 65 km de la ville, aujourd’hui connue sous le nom de Louxor.
Cependant, la grandeur de la 18e dynastie n’a pas été atteinte sans efforts. La formation de cette dynastie est en grande partie le fruit du travail de Tuthmoses I (1525–1514 av. J.-C.), Tuthmoses III (1504–1451 av. J.-C.), Hatshepsut (1502–1483 av. J.-C.) et Amenhotep II. Le premier a imaginé un empire, le second a mené les conquêtes nécessaires à sa création, la troisième a établi une diplomatie impériale, tandis que le quatrième a failli le perdre. Néanmoins, Amenhotep II (1453–1426 av. J.-C.) fut probablement le premier roi de l’histoire africaine à hériter d’un empire déjà en place. Il affichait une attitude impérialiste flamboyante envers ses voisins, n’hésitant pas à ridiculiser ceux qu’il avait vaincus au combat.
3. Amenhotep II
En se comparant à son père Tuthmoses III, sans doute l’un des plus grands chefs conquérants de l’Antiquité, Amenhotep II affirma avoir “entré son jardin du nord” et avoir tiré quatre cibles en cuivre asiatique avec son arc tout en conduisant son char. Le texte indique qu’il apparaissait sur son char tel Montu dans toute sa puissance. Il saisit son arc, prit une poignée de flèches et se dirigea vers le nord, tirant sur chacune des cibles comme le vaillant Montu dans son attirail. Il toucha toutes les cibles. Il est prétendu que c’était un acte jamais vu auparavant. En réalité, son père Tuthmoses III aurait accompli des exploits si remarquables et si nombreux qu’ils sont trop nombreux pour être énumérés. Selon un texte, Tuthmoses III aurait abattu sept lions en un instant et capturé 12 taureaux sauvages en une heure. Le fait que son fils se compare à lui témoigne du niveau de confiance qu’Amenhotep II avait en son propre règne.
Bien que Men-nefer soit resté un lieu de résidence pour les rois, dès la troisième année de son règne, Amenhotep II avait déjà commencé à envisager l’établissement permanent de Waset comme le centre de son pouvoir. Waset était en effet la source des meilleurs soldats de l’armée égyptienne et offrait un emplacement pratique pour recruter des archers nubians, les célèbres combattants de Ta-Seti. De plus, Waset se trouvait plus à l’intérieur des terres égyptiennes que Men-nefer, ce qui facilitait sa protection contre les menaces extérieures.
4. Amenhotep III
À l’époque d’Amenhotep III, l’héritage de ses ancêtres conquérants s’était répandu à travers le monde connu. Il a établi une cour réputée pour son élégance et son luxe. Amenhotep III était véritablement le Disque Solaire Éblouissant, le Roi-Soleil, comme il aimait se désigner. Il était le roi des rois, le souverain des souverains, Heru par excellence, et celui qui a posé les fondations de la terre. Jamais auparavant le monde n’avait connu une telle puissance absolue, une autorité aussi audacieuse, une richesse aussi éclatante, et une élégance aussi raffinée que celle qu’Amenhotep III a rassemblée à Waset au service du Dieu Amen. Ce n’est qu’environ 1 500 ans plus tard, à l’époque des césars romains, qu’une telle accumulation de pouvoir au nom de la conquête serait à nouveau observée.
Amenhotep III épousa une jeune femme ordinaire nommée Tiye, fille de Tuya et Yuya. Son père, Yuya, était général lieutenant de la cavalerie dans l’armée égyptienne. Malgré ses origines modestes, Tiye devint l’épouse du Grand Roi, la principale parmi toutes les épouses du roi, et l’une des figures les plus influentes de l’histoire de l’Égypte. Elle fut non seulement la femme d’un roi, mais aussi la mère d’un roi, la tante d’une reine et la grand-mère d’un roi. Au cours de sa vie, ses titres se multiplièrent. Elle était l’héritière, très admirée, maîtresse de toutes les terres qui s’attache au roi, dame de la réjouissance, maîtresse de la Haute et de la Basse Kemet, et dame des deux terres.
La belle Tiye était reine à l’apogée du pouvoir égyptien, dont l’influence s’étendait du Soudan central au nord-ouest de l’Irak. Son mari, Amenhotep III, n’était pas étranger aux dames de ces régions, ayant épousé des princesses babyloniennes, nubiennes, mitanniennes et syriennes. Bien qu’il ait pu être occupé à avoir des enfants ou à les compter, seuls les six enfants de Tiye, l’épouse du grand roi, étaient destinés à la succession. Parmi eux, quatre étaient des filles et deux des garçons.
La fille aînée, Sat-Amen, semblait être la préférée de son père, et on pouvait presque l’entendre dire, à cette époque si patriarcale : « J’aurais souhaité qu’elle soit un garçon. » Elle possédait l’énergie, l’intelligence, l’esprit, le sens pratique, la compréhension, la force personnelle et la perspicacité qu’il espérait pour ses fils. Rapidement, Amenhotep III l’éleva au rang de grande épouse royale, à l’instar de sa mère, lui conférant autorité et influence au sein du cercle intime de la royauté. Le fils aîné, Tuthmoses, était destiné à devenir roi, mais peu après avoir été nommé prêtre de Ptah à Men-nefer, il décéda, ouvrant ainsi la voie à Amenhotep IV pour accéder au trône de Kemet.
5. Amenhotep IV en plein essor
Ainsi, au cinquième mois (janvier 1377) de ce qui était la 38e année du règne d’Amenhotep III, son deuxième fils, Amenhotep IV, monta sur le grand trône d’Horus en tant que Per-aa d’Égypte, devenant le détenteur du trône du roi des rois vivant, seigneur des seigneurs, souverain des souverains, puissant en force, accordé de vie, de santé et de stabilité pour l’éternité. Son nom de couronnement serait Neferkheperura, signifiant que les transformations de Ra sont belles. Il ajouterait l’épithète wa-n-ra (l’unique de Ra) à son nom de couronnement. Il prendrait également le nom nesut bity en tant que roi de la Haute et de la Basse Kemet.
Amenhotep IV, à l’instar de son père, fut couronné à Karnak, le principal sanctuaire du dieu Amen, ce qui indique qu’il n’était pas en révolte ouverte contre le clergé d’Amen au moment de sa couronnement. Cependant, peu après, Amenhotep IV entama un processus progressif de remplacement des représentations d’Amen par celles de la divinité Aten dans la construction de temples et de chapelles. Les blocs appelés talatat, ornés d’un style artistique dynamique, commencèrent à définir la technique précoce des artisans d’Amenhotep IV. Un graffiti à Assouan, rédigé par Bek, le sculpteur en chef d’Amenhotep IV, affirmait que le roi leur avait enseigné cette nouvelle technique réaliste. Les 12 000 blocs de talatat extraits par le Centre franco-égyptien des temples de Karnak du neuvième pylône démoli par Horemhab nous offrent le meilleur exemple du style artistique d’Amenhotep IV durant les quelques années qu’il passa à Karnak.
6. La métamorphose du roi
Dès la deuxième année de son règne, le roi commençait à remettre en question les normes artistiques, religieuses et philosophiques de la société. Il se tournait vers son premier jubilé, où il pourrait démontrer ses compétences et prouver qu’il était toujours apte à gouverner. Au cours de cette seconde année, l’idée d’un festival sd. se précisait dans son esprit, et Amenhotep IV, agissant rapidement, souhaitait que cet événement coïncide avec le troisième anniversaire de son accession au trône. Les réparations et décorations qu’il avait réalisées durant cette période précoce seraient finalement effacées ou son nom serait supprimé.
C’était peut-être le début de la véritable hérésie d’Amenhotep IV. Le jubilé ne fut jamais célébré lors de la troisième année ; il était normalement célébré à la 30e année du règne d’un roi. En rompre cette tradition signifiait que le roi pouvait enfreindre n’importe quelle autre coutume. Bien sûr, le roi savait ce que les autres ignoraient à l’époque : il préparait son déménagement vers une nouvelle capitale. Il rassembla ses sculpteurs et ordonna à Bek, le fils et successeur du principal sculpteur de son père, Men, de commencer les préparatifs pour le festival sd.
Quatre grandes structures devaient être érigées : Gm-(t)-p3-itn Gemti pa Aton (Le disque solaire est trouvé), hwt-bnbn huut benben (la Maison de la pierre benben), Rwd-mnw-n-itn-r-nhh ruud menu n Aton r neheh (Solides sont les monuments du disque solaire pour l’éternité), et Tni-mnw-n-itn-r-nhh teni menu n Aton r neheh (Exaltés sont les monuments du disque solaire pour l’éternité). Bien que ces bâtiments aient été mentionnés à plusieurs reprises, leurs fonctions n’ont pas été révélées, et ils ne sont nulle part décrits en détail, à ma connaissance. Néanmoins, des références au disque solaire apparaissent dans les premières instructions.
7. Un dieu nouveau et une ville nouvelle
Waset devenait de plus en plus inconfortable pour le roi au cours de sa quatrième année. Cette année-là, il visita un site qu’il affirmait avoir été révélé par l’Aten lui-même et qu’il nomma Akhentaten, l’horizon du disque solaire. Amenhotep IV délimita la ville avec 14 stèles frontières, dont 11 à l’est et 3 à l’ouest. Ce devait être une nouvelle Waset, peut-être même avec certains éléments de l’ancienne On, une nouvelle Héliopolis, car il avait construit une nécropole royale privée et un cimetière pour le taureau Mnevis.
Imagine la réaction qu’a dû provoquer l’annonce d’Amenhotep IV, qui, en hommage à ses célèbres ancêtres, a décidé d’abandonner le culte d’Amen pour promouvoir le sacerdoce d’Aten comme religion nationale. Quelle terreur a dû envahir le cœur des prêtres d’Amen ? Quelle confusion régnait dans l’immense bureaucratie de Waset, qui n’avait cessé de croître depuis l’époque d’Ahmose ? Que signifiait cette déclaration officielle pour les gardiens du lieu sacré, le saint des saints ? Le roi était-il conscient de ses actes ? Avait-il perdu la raison ? Était-il vraiment un Égyptien ? Comment les bureaucrates royaux de Men-nefer et Waset allaient-ils réagir à ce bouleversement soudain de leur statut ?
Une telle transformation massive nécessitait un nouveau titre pour le roi. Il annonça son nouveau nom sur l’inscription des stèles de frontière à l’est d’Akhentaten. Il modifia son nom de Heru, passant de Taureau puissant, grand de plumes, qui était trop lié aux rois précédents de Waset, à Taureau puissant, bien-aimé de l’Aten. Son nom des Deux Dames, Grand de royauté sur Ipet-sut, devint Grand de royauté à Akhetaten, et son nom de Golden Heru fut changé de Celui qui élève ses diadèmes dans le sud d’On à Celui qui élève le nom de l’Aten. Il conserva son nom de couronnement, mais remplaça Amenhotep par Akhenaten, signifiant celui qui loue l’Aten, complétant ainsi une révision totale de son existence théologique en remplaçant systématiquement Amen par Aten.
Lorsque Akhenaton a transféré son autorité royale dans la nouvelle ville d’Akhetaton, il n’a pas emporté avec lui l’ancienne autorité religieuse. Il a amené sa cour royale, parmi laquelle figuraient en tête de liste sa mère, la reine Tiye, et son épouse, Nefertiti. Le palais du benben à Waset était consacré à des scènes illustrant la domination de Nefertiti sur les ennemis de l’Égypte, pourtant, elle n’est jamais mentionnée dans les correspondances diplomatiques du roi. Son influence semble diminuer de manière significative dans les archives publiques d’Akhetaton. Ses filles et sa mère sont souvent citées, et il est possible qu’elle ait été séparée de son mari, car l’une de ses filles, Meritaten, semble avoir occupé une place cérémonielle aux côtés du roi et a ensuite épousé Smenkhara, qui a succédé à Akhenaton en tant que roi à Akhetaton.
Il est important de se souvenir de ce que le roi avait laissé derrière lui dans la magnifique ville de Waset. Bien qu’Amenhotep IV n’ait pas particulièrement d’affinité avec les grands prêtres Her ou Suti, il était en de nombreux aspects plus un enfant d’Ipet-sut qu’un autre temple ou lieu. La mort de son père, Amenhotep III, coïncida avec l’apogée du grand temple d’Amon à Karnak. Un cortège descendant le fleuve depuis le Temple de Mut et empruntant le canal menant au grand temple pouvait apercevoir une entrée monumentale avec le pylône d’Amenhotep d’un côté et, plus au sud, des constructions érigées par Hatshepsout.
Amenhotep III a également fait construire d’autres édifices, notamment des chapelles dédiées à Montu et Mut, témoignant de son attachement à Amen et de son engagement envers le complexe temple. Chaque roi souhaitait honorer Amen, Mut ou Khonsu en ce lieu, qui était considéré comme le plus sacré. Même Amenhotep IV, lors de son accession au trône, a découvert un obélisque unique dans un atelier, laissé à l’abandon pendant 25 ans depuis la mort de Thutmose III, qu’il a fait décorer et dédier à Ra-Harakhty. De plus, il a poursuivi les travaux sur les deux pylônes que son père, Amenhotep III, avait érigés mais non achevés.
8. Son impact et son héritage
Ce qu’Akhenaton a réalisé n’était peut-être pas un changement révolutionnaire, ni une nouvelle révélation religieuse. Les musiciens et les poètes ont pu être influencés par les réflexions d’Akhenaton durant la période d’Akhetaton ; il est certain que l’Égypte avait une tradition de réponses philosophiques et artistiques aux évolutions politiques nationales. La société n’était pas aussi statique que certains premiers chercheurs l’avaient soutenu.
En effet, des mouvements puissants ont toujours influencé la vie sociale, architecturale et artistique d’une société. Prenons l’exemple du Grand Hymne à Aten d’Akhenaton. Certains le comparent au Psaume 104 de la Bible, en raison de similitudes dans la structure et le style. Cependant, l’importance des hymnes d’Akhenaton doit être comprise dans le contexte dramatique de sa transformation. En effet, alors que Ra, le Dieu Tout-Puissant, était associé au soleil, Akhenaton propose une nouvelle solarisation fondée sur un terrain commun d’expérimentation religieuse amorcée durant le Moyen Empire.
Il est exagéré de dire qu’Akhenaton a créé le monothéisme. Amenhotep IV a choisi de vénérer les aspects visibles du soleil, tandis que Ra, symbolisé par la puissance plus invisible du soleil, avait été considéré comme le Tout-Puissant depuis bien plus longtemps.
Les paroles du philosophe :
Que signifient donc ces mots tirés de la tombe d’Ay, où Akhenaton s’exprime sur Aten :
Quelles grandes sont tes œuvres,
Bien que cachées aux yeux,
Seul Dieu, à part qui il n’y a personne d’autre !
Ou lorsqu’il déclare :
Toi seul, brillant dans ta forme vivante,
Aten,
Élevé, radieux, à la fois lointain et proche.
Tu as créé des millions de formes à partir de toi-même,
uniquement.
Ou encore lorsque nous lisons :
Tu es dans mon cœur,
Il n’y a personne d’autre qui te connaisse,
Seulement ton fils, Neferkheperaru, unique de Ra,
Que tu as instruit de tes voies et de ta puissance.
Peu de chercheurs affirmeraient aujourd’hui qu’Akhenaton était le père du monothéisme. En réalité, il n’existe pas de telle personne, qu’elle soit masculine ou féminine. L’originalité d’Akhenaton réside dans sa capacité à transformer les rayons du soleil en une réalité tangible. Il a offert au monde un créateur doté de mains physiques, capables d’atteindre l’humanité. En effet, il a fait inscrire le nom d’Aten dans un shenu, un cartouche, à l’instar des rois terrestres. Cette image était facile à comprendre, et il n’avait pas besoin d’un clergé formé pour enseigner aux gens la réalité quotidienne du disque solaire et de ses rayons. Cela pouvait être perçu par les yeux de chacun. Ainsi, Aten offrait aux humains une appréciation immédiate du divin, contrairement à Amen, qui restait caché.
9. Les Dernières Années de Son Règne
Au cours des trois dernières années de son règne, Akhenaton semble avoir exercé une corégence avec Neferneferuaten Smenkhare, qui aurait pu régner seul pendant deux années supplémentaires. Cependant, les derniers jours à Akhetaten sont flous dans la littérature en raison d’éléments contradictoires. Par exemple, une scène dans la tombe de Merire représente Akhenaton, Smenkhare et Meritaten ensemble, mais il y a presque rien sur la vie ou le règne de Smenkhare. La ville d’Akhetaten a été abandonnée lorsque Toutankhamon a pris le trône à la suite de Smenkhare. Le corps de Smenkhare, décédé à l’âge de 20 ans, a été retrouvé dans une tombe dans la Vallée des Rois, mais des éléments laissent penser qu’il s’agissait d’une réinhumation précipitée. Il est possible que, durant le règne de Toutankhamon, de nombreux membres de la royauté d’Akhetaten aient été réinhumés dans la même tombe.
À la fin de la vie d’Akhenaton, il était clair qu’il y avait deux héritiers masculins, Smenkhare et Toutankhamon, qui pouvaient être ses fils ou ses neveux. Chacun d’eux était un héritier légitime du trône, ayant épousé l’une des filles du roi. Lorsque Toutankhamon accéda au trône à l’âge de 9 ans, il épousa Ankhesenpaaten et résida d’abord à Akhetaten. Peu après son accession au pouvoir, Toutankhamon déplaça les résidences royales à Men-nefer et Waset. Il est probable que ce retour à l’orthodoxie et au culte d’Amen ait eu lieu sous l’influence du Divin Père Ay, qui guida les pas du jeune roi. Ay émit un célèbre édit rétablissant les prêtres traditionnels et encourageant la nation à se relever des erreurs d’Amenhotep IV. Toutankhamon restaura le culte d’Amen à son état d’avant Akhenaton et se désigna comme « l’Image Vivante d’Amen ».
Le roi qui mit fin à l’ère d’Akhetaten, en détruisant autant que possible l’image d’Akhenaton, était le général de Toutankhamon, Horemhab, qui devint roi à la mort d’Ay. Il était connu sous le nom de Djoserkheperura Setepenra Horemheb Meryamun, « Bien-aimé d’Amen », soulignant ainsi le caractère définitif du retour à Waset. Il n’existe pas de grands temples à Karnak qui témoignent de la présence d’Amenhotep IV dans l’art ou la religion. Les vastes complexes d’Amen, de Mut ou de Khonsu révèlent peu d’éléments sur Akhenaton, bien que certaines représentations de batailles et des images sur des talatats recyclés aient été utilisées dans les constructions d’autres rois. Une partie de la destruction de la mémoire d’Amenhotep IV à Karnak a été réalisée par l’utilisation de talatats de son époque pour ériger le Neuvième Pylône à Karnak, construit par Horemhab. Ce dernier mettrait ainsi un terme à l’ère d’Akhetaten.
Ainsi, les cinq premières années du règne d’Amenhotep IV ont été pratiquement effacées de la mémoire de Waset par ses successeurs. Il n’existe aucun mémorial, aucune sculpture de temple, stèle ou chapelle encore visibles à Karnak. En l’absence de ces éléments matériels majeurs, la vie et les activités du Per-aa à Waset ne peuvent être retracées, et il tombe dans un oubli virtuel à Waset. C’était précisément l’intention de ses successeurs.
Un récit cohérent et logique a été élaboré à partir des années passées à Akhetaten, connu sous le nom d’Amarna. Les archives disponibles permettent aux chercheurs d’apprécier les nombreuses activités du roi, et c’est ce qu’ils exploitent. Bien qu’il ne fût pas un roi guerrier, il n’était pas non plus un pacifiste, comme certains l’ont prétendu : une petite représentation le montre massacrant ses ennemis conquis, dans la tradition des reliefs sur la façade du Troisième Pylône à Karnak, mais aussi sur les blocs de talatats où l’on voit même Nefertiti brandir la Mace Blanche au-dessus des têtes des ennemis vaincus. Même avec ces rares exemples d’art à Karnak, il est évident que Karnak n’était pas son lieu et que Waset n’était pas sa ville.
10. AKHETATEN
Akhetaten est le nom de la ville fondée par le roi Akhenaton lorsqu’il a quitté la capitale Waset en raison d’un conflit théologique et politique avec les dirigeants du Grand Temple d’Amon. Akhenaton, qui s’appelait initialement Amenhotep IV en l’honneur de son père Amenhotep III, a commencé à promouvoir une religion qui plaçait le dieu Aten au sommet du panthéon égyptien. Cette décision a provoqué de profondes divisions au sein de la direction spirituelle du principal centre de culte d’Amon, Waset. Étant donné que toute l’histoire de la 18e dynastie jusqu’à l’époque d’Amenhotep IV reposait sur la grande puissance et l’énergie que le peuple tirait de sa dévotion à Amon, l’action de ce jeune roi a été perçue comme impardonnable, remettant en question l’autorité de sa lignée et son soutien parmi les masses qui croyaient en la triade composée d’Amon, de Mut et de Khonsou.
Face à la résistance qu’Amenhotep IV a rencontrée à Waset, il a rapidement dû quitter la ville où ses ancêtres avaient régné pendant des siècles. Des foules se sont révoltées et ont incendié le temple qu’il avait construit en l’honneur de son nouveau dieu, Aten, tandis que les prêtres Her et Suti, présents dans le temple, le considéraient comme un hérétique. Pour affirmer sa dévotion envers cette nouvelle divinité, il a changé son nom en Akhenaton, a nommé des prêtres pour officié lors des rituels dédiés à Aten, et a décidé de déplacer la famille royale, ainsi que la capitale, de Waset vers une ville du nord de la Haute-Égypte afin d’échapper aux contraintes quotidiennes imposées par les fonctionnaires de la ville capitale. Akhetaten a existé de 366 à 354 av. J.-C.
Ainsi, six ans après le début de son règne, Akhenaton a transféré la capitale à Akhetaten, qui signifie “L’Horizon d’Aten”. Dans un certain sens, cette ville de 12 miles carrés, située sur le Nil à environ 160 kilomètres au nord de Waset, était conçue pour symboliser la nouveauté, car aucune autre divinité n’y avait été vénérée auparavant. C’était un lieu où Akhenaton pouvait exprimer librement son amour et son admiration pour l’Aten, sans être entravé par l’histoire et la politique. Près de 400 tablettes ont été découvertes au 19e siècle, témoignant de la richesse artistique et culturelle de la ville. En effet, les poèmes que nous connaissons aujourd’hui sous le nom d’hymnes à l’Aten, qui reflètent la culture de la cour d’Akhenaton, ont été trouvés durant cette période.
Akhetaten a prospéré en tant que capitale, attirant des artistes désireux de plaire au roi. Ces créateurs ont produit des œuvres d’art inspirées par la nouvelle religion d’Aten et ont été bien appréciés et récompensés par Akhenaten. Cependant, bien qu’il vivait derrière les imposants pylônes de la ville, de nombreuses affaires du royaume restaient négligées, permettant à Waset de réaffirmer son statut de véritable cœur du pays. Avec la mort d’Akhenaten et l’avènement de Tutankhamen, son fils, l’empire a retrouvé son centre, et la maison royale a été chaleureusement accueillie aux portes d’Amen.
Lectures complémentaires : Asante, M. K., et Abarry, A. (Eds.). (1996). Héritage intellectuel africain. Philadelphie : Temple University Press.
Grimal, N. (1994). Histoire de l’Égypte ancienne. Oxford, Royaume-Uni : Blackwell.
Redford, D. B. (1984). Akhenaton : Le roi hérétique. Le Caire : American University in Cairo Press.
Asante, M. K. (2007). L’Histoire de l’Afrique. Londres : Routledge.
Grimal, N. (1992). Une Histoire de l’Égypte Ancienne (Traduit par I. Shaw). Cambridge, Royaume-Uni : Blackwell.
Shaw, I. (2004). L’Histoire d’Égypte selon Oxford. Oxford, Royaume-Uni : Oxford University Press.