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Maât entre cosmologie et mythe

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Autres Religion  – Maât entre cosmologie et mythe

Toute société est amenée à construire l’univers fictionnel de sa
Référence, sur laquelle puisse se fonder une indestructibilité, non pas
matérielle ni physique, mais symbolique […] la vie et la reproduction
de la vie sont liées à la constitution, par la société, d’un discours de
légitimité qui fonde la vie et la reproduction de la vie.

Pierre Legendre

Cet article examine les bases juridiques de l’ordre politique et social en Égypte antique. Il met en lumière comment la pensée d’une société de tradition chtonienne a évolué pour permettre l’émergence d’un pouvoir étatique solide et organisé. L’État pharaonique s’appuie sur le concept de Maât, qui constitue le fondement d’une idéologie et d’un ensemble de croyances propres aux sociétés chtoniennes. En tant que principe chtonien, Maât établit l’idéal éthique et moral régissant la relation entre l’homme et la nature.

De plus, en tant que pilier constitutionnel et identitaire de l’ordre théopolitique de l’État pharaonique, Maât confère également la légitimité à un pouvoir structuré. Grâce aux symboles et aux implications de Maât dans la sphère sociale, le Double-pays a su se libérer de la tradition chtonienne. Ainsi, Maât représente à la fois le principe juridique fondamental d’un système d’origine chtonienne et le ciment d’un mythe fondateur du premier État connu dans l’Histoire.

L’Égypte ancienne a captivé de nombreuses générations de chercheurs. Étonnamment, peu d’études ont été réalisées sur les bases juridiques de l’ordre social et politique dans cette période, alors que l’État pharaonique constitue un exemple unique dans l’histoire des civilisations. Comment peut-on expliquer l’émergence d’une structure aussi complexe au sein d’une société relativement primitive à une époque si ancienne ? Des facteurs contextuels simples ne suffisent pas à expliquer la longévité d’un système politique qui a perduré pendant trois millénaires. L’égyptologue Jan Assmann souligne à juste titre qu’à la base de chaque identité socio-politique, il y a un mythe fondateur.

Ainsi, il est essentiel d’explorer le tissu idéologique et les croyances des anciens Égyptiens pour comprendre les fondements de leur construction identitaire – ce que Pierre Legendre appelle une Référence. Il est indéniable que puisque la religion égyptienne représente un phénomène spécifique dans l’histoire de l’évolution de la civilisation humaine, elle mérite d’être étudiée pour elle-même : la pensée mystique égyptienne a évolué bien au-delà du domaine religieux et a joué un rôle clé dans l’établissement d’une structure politique avancée.

Au lieu de baser notre étude de la civilisation égyptienne sur une échelle hiérarchique d’évolution ou de modernité, nous adopterons une approche centrée sur le concept de « traditions ». La civilisation de l’Égypte antique, tout comme les premières civilisations, présente, à travers sa structure de pensée et ses croyances, de nombreuses caractéristiques typiques des sociétés que Edward Goldsmith désigne comme chtoniennes.

Ces peuples chtoniens ont développé une mémoire collective qui a donné naissance à l’une des premières formes de tradition juridique, encore préservée depuis des millénaires par certains groupes autochtones. Cependant, les sociétés chtoniennes que l’on observe aujourd’hui ne sont pas organisées sous une forme étatique. Il est également important de clarifier ce que l’on entend par État : il ne s’agit pas de l’État moderne au sens westphalien, mais plutôt de ce que les anthropologues définissent comme une unité politique autonome, englobant plusieurs communautés sur son territoire et disposant d’un gouvernement centralisé capable de percevoir des impôts, de recruter des hommes pour le travail ou la guerre, et de promulguer et faire respecter des lois. Dans ce contexte, Patrick Glenn considère que l’État est une construction non-chthonienne.

Ainsi, l’Égypte des pharaons apparaît comme un cas particulier, se situant quelque part dans le continuum entre le chtonien et le non-chtonien, et dont la définition initiale peut sembler floue. Toutefois, si l’on accepte d’explorer cette zone grise, qui est inhérente à toute évolution, on peut y voir la possibilité d’un État d’origine chtonienne. En effet, il n’existe pas de frontière nette entre le chtonien et le non-chthonien.

C’est cette perspective que nous adoptons dans notre analyse. Cette étude, qui met en relation les travaux des égyptologues avec les concepts de tradition et de systèmes juridiques, vise à démontrer que l’État pharaonique, loin de constituer une rupture avec la tradition chtonienne, s’inscrit en réalité dans celle-ci et trouve sa justification et sa légitimité dans certains mécanismes de la pensée chtonienne tels qu’ils se manifestaient dans l’Égypte ancienne.

Nous examinerons donc l’ambivalence particulière de la notion de Maât – le fondement idéologique et institutionnel de l’Égypte pharaonique – afin d’explorer les origines de l’émergence de l’État et d’expliquer son maintien au sein d’un système idéologique, théologique et juridique cohérent.

Qu’est-ce que Maât ? Son aspect le plus accessible, et sans doute le plus connu, est celui d’une déesse, souvent décrite comme une jeune femme gracieuse avec une chevelure abondante maintenue par un bandeau frontal orné d’une plume d’autruche. Cependant, Maât représente également un concept abstrait. Les traductions sont nombreuses : vérité, justice, équité, droit, harmonie, ordre, etc.

Ces traductions, qui s’appuient sur un langage moderne essentiellement descriptif, reposent sur une pensée catégoriale qui ne reflète pas les schémas de la civilisation égyptienne. Anna Mancini met en garde contre le risque de projeter nos idées modernes, notre raisonnement logique et notre mentalité dans un monde qui nous est si étranger. Ainsi, toute tentative de traduction semble vouée à l’échec et pourrait être réductrice.

Certaines descriptions de Maât fournissent néanmoins des éclaircissements : Maât possède une dimension immuable, éternelle et cosmique, et elle a des implications éthiques ainsi que métaphysiques ; Maât représente l’ensemble des conditions qui permettent l’émergence et le renouvellement de la vie c’est un principe d’ordre et de vie; Maât est à la fois une déesse et un principe abstrait, la personnification et le symbole de cet ordre. Comme le souligne Jan Assmann, plus l’écart entre les deux univers est grand, plus la paraphrase devient longue ; elle peut alors facilement occuper l’espace d’un livre entier, car elle doit en grande partie reproduire la conception d’un monde qui nous est étranger. Maât est donc un symbole compact, riche de multiples dimensions sémantiques. On peut faire une première observation sur le concept de Maât, comme le note Jan Assmann.

Une culture par comparaison particulièrement précoce a forgé avec la notion de
Maât un concept au plus haut niveau d’abstraction, associant les actions humaines et
l’ordre cosmique et mettant ainsi le droit, la morale, l’État, le culte et l’imaginaire religieux sur un même plan.

Jan Assmann, Ma’at : Gerechtigkeit und
Unsterblichkeit im alten Ägypten, München, C.H. Beck, 1990, p. 17

L’objectif de cette étude est de s’immerger dans une pensée qui ne fait pas de distinction entre […] cosmos et société, religion et État et d’explorer ainsi la psychologie d’une civilisation préaxiale. Faute de pouvoir examiner directement les sources antiques, nous nous appuierons sur les travaux de quelques auteurs qui ont étudié en profondeur la notion de Maât. Nous commencerons par analyser ce concept à travers la vision du monde des anciens Égyptiens afin de mettre en lumière la dimension intrinsèquement chtonienne d’un ordre cosmique et juridique stable. Par la suite, nous démontrerons que la Maât, dans son aspect terrestre, doit être incarnée par un État structuré qui en assure la pérennité et qui a pour fondement même Maât.

Ainsi, nous verrons que Maât est à la fois le principe juridique fondamental d’un système typiquement chtonien et le ciment d’un mythe fondateur du premier État connu dans l’Histoire. La pensée égyptienne semble avoir réussi à établir un système idéologique et juridique qui se justifie de lui-même, marquant la transition entre la tradition chtonienne et l’émergence d’un pouvoir politique fort et organisé.

I. Maât : la clef de voûte d’un Weltbild enraciné dans la tradition chtonienne

Pour saisir la signification de Maât, il est essentiel, sinon d’adopter la perspective des sociétés chtoniennes, du moins d’en identifier les schémas de pensée. Edward Goldsmith souligne que l’homme chtonien a toujours reconnu un ensemble hiérarchique de lois régissant à la fois son propre comportement, celui de sa société, du monde naturel et de l’univers tout entier. Ainsi, nous verrons que Maât représente à la fois la norme, le mécanisme et la manifestation d’un ordre cosmologique dont l’immuabilité assure le bon fonctionnement du monde. Pour débuter notre étude de ce concept, il est pertinent de l’explorer à travers le discours et la symbolique que les anciens Égyptiens lui ont attribués, notamment dans le cadre de la célèbre pesée de l’âme. Par la suite, nous élargirons notre analyse à la place de Maât dans la conception mentale du cosmos et de l’ordre juridique dans l’Égypte ancienne.

I.1. Une première approche : la psychostasie, ou Maât, norme et physique du cosmos

Sans aucun doute, l’une des scènes les plus emblématiques de l’iconographie égyptienne est celle de la psychostasie – le Jugement des morts, où les actions du défunt sont évaluées devant un tribunal divin. Dans certaines illustrations, le défunt est accompagné et accueilli par la déesse Maât, représentée sous les traits de deux jeunes femmes. Son cœur est ensuite placé sur le plateau d’une balance, en opposition à la maât, symbolisée par une plume d’autruche. La balance elle-même est associée à Maât. Pour bien comprendre cette scène, « il est essentiel de saisir ce que représente le symbole, en général, dans la civilisation égyptienne ». Il convient de souligner dès le départ que la religion de l’Égypte ancienne ne se caractérisait pas par un credo, un dogme ou une croyance. Il ne s’agit donc pas ici d’une représentation artistique d’un jugement dernier, comme on peut le voir sur les tympans des cathédrales, mais plutôt d’une traduction symbolique d’un fonctionnement automatique des lois de la nature. Dans ce contexte, Maât est abordée sous deux angles qu’il est important de différencier.

I.1.i. Maât, principe normatif

Le premier aspect de Maât, le plus manifeste dans cette scène, est son aspect normatif. Avant que l’âme du défunt ne soit confrontée à la maât, qui représente la loi de l’au-delà, celui-ci prononce une déclaration d’innocence, qui nous éclaire indirectement sur les prescriptions de la maât. Cette déclaration énumère une série de fautes que le défunt affirme ne pas avoir commises. Bien que cette déclaration d’innocence prenne la forme d’un ensemble de préceptes relativement concrets, le critère utilisé pour évaluer la justesse des actions du défunt est unique et constant.

Ainsi, Maât se présente comme une référence – un canon – éthique, c’est-à-dire un principe normatif, universel et absolu. Il est donc important de ne pas dissocier l’existence de ce principe général des manifestations spécifiques qu’il peut revêtir dans le domaine social (nous aurons l’occasion d’explorer plus tard les implications sociales et juridiques – le Sitz im Leben – de la maât). Bien qu’il soit pertinent de noter que les deux représentations de Maât entourant le défunt dans la scène de la psychostasie peuvent symboliser, respectivement, la justice particulière […] témoin des actes du défunt et la justice générale, céleste, universelle, cela ne doit pas conduire à une séparation arbitraire entre ces deux sphères – ce qui irait à l’encontre des conceptions chtoniennes – mais plutôt à souligner l’idée d’un échange et d’une circulation entre les domaines terrestre et cosmique.

1.I.ii. Maât et la circulation de l’énergie vitale

Jan Assmann souligne que le Jugement des morts est […] un concept liminal : il symbolise et institutionnalise, en quelque sorte, le passage entre les deux mondes. Cependant, il ne s’agit pas d’un voyage sans retour : l’esprit du défunt, le ba, circule constamment entre la terre et le ciel, entre l’au-delà et le monde des vivants. Le ba est également lié à des phénomènes naturels, représentant l’essence terrestre des dieux, qui, dans les sociétés chtoniennes, personnifiaient la force vitale qui traverse le monde vivant.

Ainsi, il y a une identification de l’âme du défunt à la fois avec le domaine cosmique et avec l’essence du monde. Dans cette dynamique d’échange et de circulation, Maât joue un rôle essentiel. Symboliquement, elle agit comme le mystagogue qui guide et initie le défunt ; elle est aussi la balance qui pèse son cœur. Cependant, ce qui importe n’est pas tant de définir Maât de manière abstraite, mais plutôt de comprendre son fonctionnement concret.

Maulena Karenga souligne que Maât n’est pas seulement l’essence partagée de Dieu, des humains et de la nature, mais aussi un agent liant. Dans cette optique, Anna Mancini démontre de manière convaincante que la psychostasie, loin d’être un tribunal inquisiteur, révèle le degré d’osmose entre le défunt et la maât, constituant ainsi l’application naturelle d’un mécanisme cosmique. Par conséquent, Maât est impliquée dans la circulation de l’énergie cosmique et dans le maintien de l’équilibre entre le microcosme et le macrocosme. Après cette première exploration de Maât, il est donc essentiel de mettre en lumière son rôle dans l’univers mental des anciens Égyptiens en tant que principe régulateur de l’ordre cosmique.

I.2. Position cosmologique et juridique de Maât : la loi de l’univers

Dans les sociétés chtoniennes, les divinités incarnaient les lois considérées comme régissant le cosmos, que l’homme devait respecter pour garantir la préservation de sa structure essentielle. Maât, en tant que principe cosmologique, en est un excellent exemple. À ce sujet, Jan Assmann note :

Dans le cosmos, Maât nous apparaît comme une déesse. Elle n’agit pas ici, comme
dans le monde des hommes, en tant que principe – une ligne directrice de la pensée,
de la parole et de l’action –, mais bien en tant que personne divine au plein sens du
mot, avec ses attributs, ses mythes, ses fonctions.

Traduit de J. Assmann, préc., note 24, p. 160.

La position et la fonction de Maât dans l’organisation et la régulation du cosmos sont nettement mises en évidence dans le mythe solaire. Nous commencerons donc notre analyse par cet aspect, ce qui nous permettra par la suite de mieux comprendre la nature chtonienne de Maât et ses répercussions dans la vision du monde de l’Égypte ancienne en tant que véritable principe juridique.

I.2.i Maât, le principe de vie garant du cycle solaire face au chaos

La religion des anciens Égyptiens s’est développée en étroite relation avec leur environnement naturel. En effet, les dieux ne sont pas des objets de “croyance” dans les religions traditionnelles […]. Ils sont des objets de “vision”. Le soleil, représenté par le dieu Rê, constitue l’élément central de l’univers, essentiel à la vie. Ainsi, le parcours solaire représente la vie du cosmos ou, plus précisément, la forme cyclique à travers laquelle la vie s’exprime.

Dans le récit mythologique du cycle solaire, Maât joue un rôle crucial : lors de la traversée souterraine de la barque solaire, elle est représentée à l’avant, guidant le soleil à travers les ténèbres et contribuant à la lutte quotidienne contre les forces primordiales qui l’attaquent. L’adversaire incarne tout ce qui s’oppose au mouvement et à la lumière du soleil, représentant ainsi l’arrêt et l’obscurité. Maât, à la fois fille et mère de Rê, symbole féminin et vecteur de vie, s’oppose ici aux forces du chaos, symbolisées par le serpent Apopis. Le triomphe de la lumière sur les ténèbres est le grand symbole de Maât sur le plan cosmique. Maât se manifeste ici comme une force, une énergie cosmique, la révélation du don renouvelé de la vie.

La victoire de la lumière sur l’obscurité, de la vie sur la mort, et de l’harmonie sur le chaos, représente un processus cyclique qui se reproduit sans cesse, où cette répétition constitue la réalité, envisagée comme une cosmogonie éternelle. Chaque lever de soleil symbolise donc un renouveau et un acte continu de création, réaffirmant un ordre cosmique fondamental. Bien que les récits de la création varient selon les époques et les cultures, un point commun dans la cosmogonie égyptienne est la préexistence de la Maât-Vérité, tout comme les forces du chaos (isfet en ancien égyptien), qui sont des éléments indissociables de l’ordre cosmique. Celui-ci est intemporel, semblable aux puissances négatives du chaos, qui, malgré une lutte constante et leur destruction, demeurent immortelles. Ainsi, l’essence même du monde repose sur une dialectique nécessaire intégrée dans la structure même de l’être, c’est-à-dire un processus d’ordre et de désordre, de conflit et de résolution. Nous sommes ici au cœur de la pensée chtonienne, qui affirme que le monde doit être recyclé. C’est cette dualité, cette dialectique continue entre l’ordre et le chaos qui rythme la vie et le fonctionnement de l’univers.

I.2.i L’intégration des hommes dans un équilibre immuable mais
précaire

Les anciens Égyptiens ont élaboré, à partir de leur perception du monde, un système mythologique qui illustre les tensions fondamentales de la nature. Dans leur vision psychologique, l’univers est régi par les principes de Maât. Cette dernière représente la force cosmique de l’harmonie, de l’ordre, de la stabilité et de la sécurité, […] la qualité organisatrice des phénomènes créés. Elle constitue le noyau fondamental – le caractère sacré du monde – qui demeure inchangé : les lois de Maât sont inaltérables, statiques et immuables. Elles contribuent à l’épanouissement de la vie, qui est une force presque palpable. Alexandre Piankoff souligne à juste titre qu’ il est difficile de parler de religion au sens moderne, mais plutôt d’une cosmologie, d’une véritable physique, à laquelle personne ne pouvait échapper.

Il n’est pas si évident que l’Égyptien pouvait percevoir l’univers de manière optimiste et pleine d’espoir, car cet univers était statique, toujours sûr, sans nécessité de changement ou d’évolution, comme le soutient Vincent Arieh Tobin. Au contraire, ce n’est pas la Maât, mais Isfet qui, selon l’anthropologie négative des Égyptiens, symbolise l’état primitif, le donné et le naturel. Le cours naturel des choses est la ruine, la décomposition, la désintégration et la dépravation. De nombreux éléments de l’ancienne Égypte le confirment. D’abord, la géographie : l’axe fertile du delta et de la vallée du Nil est constamment menacé par le désert qui l’entoure à l’est et à l’ouest. Ensuite, l’histoire même de l’Égypte est marquée par des périodes de troubles qui ont soumis le pays à des envahisseurs étrangers. En général, bien que les Égyptiens aient établi des relations commerciales étendues avec leurs voisins, le Double-pays était souvent en proie à des conflits, que ce soit dans le sud nubien, dans la région du Sinaï ou contre des tribus du désert libyque. Dans ce contexte, l’harmonie apportée par Maât est loin d’être totalement inébranlable, car elle pouvait être perturbée à tout moment. Jan Assmann souligne ainsi :

Dans un univers où tout se tient, où toutes les dimensions de la réalité, cosmiques, politiques, sociales, individuelles, se reflètent les unes les autres, la crise peut se produire partout – sous forme de maladie, famine, rébellion, guerre, tempête, ténèbres, etc. – et tout l’univers en sera affecté.

Ainsi, l’harmonie et l’ordre cosmique ne se manifestent que grâce à un effort constant et collectif nécessitant la coopération des dieux et des humains. On retrouve ici l’idée de circulation et de réciprocité mentionnée précédemment : Maât, en tant que principe cosmique inaltérable, doit être honorée et réalisée par les hommes pour assurer le bon fonctionnement de l’univers. En retour, l’individu qui incarne la maât se retrouve en harmonie avec le cosmos. Dans ce cadre, Siegfried Morenz propose une définition très approfondie de Maât :

Maât est l’état juste des choses mis en place par l’acte de la création dans la nature et la société, et par extension respectivement la rectitude, la justesse, et le droit, l’ordre, l’équité et la vérité. Il importe de préserver ou d’établir cet état de fait en tout lieu et en toute proportion, afin que Maât, posée à l’origine en tant qu’ordre juste, devienne la finalité et le devoir de toute activité humaine. Mais lorsque la maât est donnée à l’individu agissant dans ce sens, elle se présente à lui sous la forme du droit et de la justice en tant que promesse et récompense.

S. Morenz, préc., note 33, p. 120.

Maât représente donc un principe juridique fondamental, établissant une norme visant à favoriser la cohésion sociale et reposant sur l’adhésion de ceux qui en sont concernés. L’équilibre entre les forces essentielles de l’ordre et du chaos dépend en grande partie des comportements humains et sociaux. Cependant, au-delà de la simple illustration d’un principe cosmologique universel qui guide un comportement ou un mode de vie, Jan Assmann souligne que le drame cosmique […] déploie […] un symbolisme clairement politique. C’est un point crucial. Pour qu’il y ait de l’ordre, ajoute-t-il, un effort constant vers le culturel est nécessaire […]. C’est l’État qui prend en charge cet effort culturel. Il s’oppose à la tendance naturelle vers le chaos et repousse Isfet. Ainsi, l’État pharaonique est une composante essentielle et légitime du cosmos, car il contribue à maintenir Maât parmi les hommes et dans l’univers.

II. Maât, principe constitutionnel : la justification du pouvoir politique, garant de l’ordre cosmique et social

Le monde est constamment menacé par des forces négatives, et la cohésion de la société égyptienne ainsi que son harmonie avec l’univers reposent sur un ordre social solide et bien structuré. En effet, l’homme ne peut pas vivre sans l’État, car il dépend d’une institution supérieure qui réalise et garantit la Maât. Ainsi, l’État se bat sans relâche contre l’entropie qui affecte tout organisme et système.

Nous verrons comment le Pharaon, qui est la base et le garant de la Maât, préserve l’équilibre naturel du monde grâce à un pouvoir organisé et à des pratiques magiques. En fin de compte, nous démontrerons que la Maât est au cœur d’un mythe fondateur qui soutient l’État et la société dans son ensemble, et qu’elle représente le principe constitutionnel d’un ordre social et théologique qui, bien qu’ayant des origines chtoniennes, présente des caractéristiques plus complexes. Par sa valeur symbolique, la notion de Maât dépasse le cadre chtonien pour engendrer un mode d’organisation sociale inédit pour ce type de société.

II.2. L’État pharaonique, institutionnalisation de la maât

La fonction essentielle de l’État pharaonique et ses liens avec la Maât peuvent être exprimés de manière concise : – l’État existe pour assurer la réalisation de la Maât ; – la Maât doit être instaurée pour que le monde soit vivable. Ainsi, le pharaon, en exerçant ses pouvoirs au nom des dieux, joue un rôle crucial dans le maintien des forces naturelles.

II.2.i. Réaliser la maât : la finalité et la source du pouvoir royal

Le pharaon représente à la fois l’institutionnalisation et l’incarnation de la Maât, étant l’instrument vivant par lequel la bonté et la beauté éternelles de la Maât se manifestent dans le monde ainsi que dans les affaires humaines et politiques. Il agit au nom des dieux en préservant l’ordre social sur terre, contribuant ainsi à l’équilibre cosmique. Le roi est directement lié à un principe divin : il est l’Horus victorieux et également le fils de Rê.

Cependant, comme le souligne Jan Assmann, les pouvoirs du souverain sont limités à la dimension terrestre : le démiurge n’a certainement pas besoin d’un intermédiaire pour établir l’ordre cosmique. Il s’agit donc d’un ordre humain, terrestre et social qui ne peut être instauré que par le roi. Ainsi, les actions du souverain s’inscrivent dans une lutte constante contre les forces négatives, visant à maintenir et, si nécessaire, restaurer la Maât parmi les hommes. Les fonctions essentielles du roi se résument à deux aspects : repousser le chaos (isfet) et instaurer la Maât. Bernadette Menu décrit cette dynamique comme étant au cœur de l’exercice du pouvoir pharaonique : repousser l’isfet, c’est-à-dire les éléments destructeurs (le chaos, les ennemis, le désordre, l’injustice, la misère), et instaurer la Maât, qui représente tout ce qui favorise la vie (l’ordre, la justice, l’équité, la fertilité, la prospérité, le bien-être). Ainsi, le pharaon porte une double mission, à la fois nourricière et guerrière.

Pour remplir ses responsabilités, il est essentiel qu’il possède simultanément les pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif, car il est considéré comme le seul moyen efficace par lequel Maât est maintenue sur terre et dans l’État. Le pharaon ne peut donc pas être qualifié simplement de monarque de droit divin ; il est plutôt le porteur d’un pouvoir dérivé exercé au nom des dieux, avec un objectif précis qui en détermine les limites. Le roi est assisté dans sa mission par un groupe de fonctionnaires au sein d’une administration bien développée. La maât, qui est une notion morale, à la fois forte et flexible (donc adaptable), se concrétise par les décrets royaux, les décisions et les jugements des fonctionnaires, devenant ainsi le fondement de la législation.

Selon Bernadette Menu, les anciens Égyptiens reconnaissaient différentes sources de droit. Cependant, il semble plus approprié de parler ici de sources d’obligations, le droit étant toujours incarné par la maât, qui en constitue la seule origine. Patrick Glenn souligne qu’il n’existait pas de sources de droit dans la tradition chthonienne, et qu’il n’était pas possible de créer des sources de droit, car cela aurait été perçu comme illégitime. Ainsi, aucun code ne définit des règles précises et incontournables d’un droit formel : la maât est en accord avec le droit coutumier qu’elle alimente par la jurisprudence.

Vincent Arieh Tobin fait remarquer à juste titre qu’introduire un droit formel aurait constitué une tentative de remplacer un principe vivant et vital du droit par un système de lois figé et codifié. Il est intéressant de noter que la vision réductrice du droit, adoptée par certains égyptologues comme étant simplement un ensemble de règles normatives servant un État, reflète parfaitement l’objectif du pouvoir pharaonique et la relation entre les dimensions politique et cosmique de la Maât. Le droit et la justice sur terre s’inscrivent ainsi dans la dynamique générale de l’univers, en tant qu’action en harmonie avec les forces régulatrices qui maintiennent cet ordre universel. La circularité et la réciprocité sont donc des principes fondamentaux du mécanisme de la Maât, où les pratiques rituelles et magiques jouent un rôle crucial.

II.2.ii. Circularité et réciprocité : le rite, pratique participative de l’ordre
cosmique

L’ordre social étant essentiel à l’harmonie cosmique, il doit être directement intégré à celui-ci. Il ne s’agit pas simplement d’établir une relation symbolique, mais de renforcer physiquement l’interconnexion entre la Terre et le cosmos à travers des pratiques magicoreligieuses. La magie se manifeste de diverses manières, allant du rituel d’offrande de la maât, par lequel le Pharaon soutient le flux cosmique en restituant au Soleil la Maât qu’il a reçue dans son cœur et qu’il a généreusement transmise, à la cérémonie du séma taouy, où le souverain symbolise l’unité des Deux Terres, sans oublier le caractère magique du nom même de Pharaon, qui fait souvent référence à Maât.

La magie, qui a pour effet de préserver l’ordre cosmique et sa continuité, représente donc une véritable pratique participative au sein de cet ordre. Dans une vision du monde de type chtonien, la circularité et la réciprocité de l’énergie vitale sont des conditions essentielles à l’harmonie de l’univers. Selon Jan Assmann, la magie est une science précise, destinée à engendrer des effets mesurables dans le monde. Ainsi, l’ensemble du culte est un dialogue avec la nature, qui unit le monde par la puissance du langage. Les rites jouent donc un rôle crucial en créant une dynamique d’échange, qui déclenche et soutient les cycles de la nature et de la bienveillance. Anna Mancini souligne que c’est cette circulation énergétique continue qui préserve l’ordre tant au niveau cosmique que politique, et le pharaon, à travers les rites et les offrandes de Maât, complète ce cycle d’énergie.

Il est évident que le discours cultuel est un discours performatif, visant à la fois à contribuer à l’effort collectif contre le chaos et à instaurer la maât dans ses aspects terrestre, social et politique. Étant donné que les pratiques magiques sont liées à l’exercice et à la légitimation du pouvoir, elles revêtent une véritable signification juridique. Yvan Koenig soutient que le recours à la magie fait partie des outils de la violence légale. Ainsi, le pouvoir est exercé, légitimé et maintenu par une dynamique autojustificatrice axée sur le concept de Maât. Ce constat soulève des questions importantes en anthropologie et en sociologie politiques. Il est clair que le modèle chtonien ne permet pas de saisir pleinement les implications du concept de Maât. Il est donc nécessaire d’explorer cette notion sous un autre angle.

II.3. Maât, le mythe constitutionnel

La société égyptienne, comme toute autre société, s’est construite autour d’une identité. Le pouvoir de l’État pharaonique repose fondamentalement sur la nécessité de préserver la maât dans le monde pour assurer son bon fonctionnement. Ainsi, la maât se trouve au centre du discours identitaire. Vincent Arieh Tobin souligne que cette déification de la source du pouvoir royal et de l’autorité […] a permis à la religion égyptienne de mythologiser la position du souverain. Cependant, il ne s’agit pas seulement d’une utilisation de la tradition chtonienne au profit du pouvoir politique, mais plutôt de l’établissement d’un véritable ordre juridique d’origine chtonienne, basé sur la maât, qui en constitue le principe fondamental.

II.3.i. Un mythe politique de constitution chtonienne

Le pouvoir pharaonique, comme tout autre type de pouvoir, repose sur l’ensemble des compétences et des méthodes qui permettent d’obtenir l’adhésion d’une catégorie sociale, d’un individu ou d’un groupe d’individus, qu’il soit restreint ou étendu, et d’établir un système de références largement accepté et respecté. En tant que principe fondamental du régime pharaonique, la maât s’inscrit donc dans un discours de légitimité. Cela correspond à ce que Jan Bergman a qualifié de mythe d’État fondamental. Ce mythe est essentiel à double titre : il établit une identité sociale et renforce le pouvoir en période de menace. Bernadette Menu propose des explications sur les raisons qui ont pu favoriser l’émergence du mythe de la maât :

Par sa géographie et surtout par l’impact des structures politiques locales au cours des millénaires néolithiques qui précédèrent l’histoire pharaonique sur une durée au moins aussi longue, l’Égypte, soumise à d’importantes forces décentralisatrices, ne pouvait se développer de manière unie que grâce à une puissante autorité, à la fois absolue et fondée sur des mythes fédérateurs et des croyances communes.

Elle continue en suggérant que le mécanisme de la maât, pour être compréhensible par la population, [devait] être enveloppé d’un imaginaire soutenu par une idéologie. Le mythe de Maât, considéré comme une idéologie stabilisatrice, n’a pas été entièrement inventé, mais a plutôt été habilement développé à partir d’une tradition mystico-juridique et a été progressivement intégré dans le discours politique. Ainsi, ce mythe cherche à établir un lien direct entre l’ordre cosmique et l’ordre social au sein des croyances.

Cependant, Georges Balandier souligne que l’homologie entre le sacré et le politique n’est possible que si ces deux concepts sont régis par une troisième notion qui les surplombe. En tant que principe juridique, Maât remplit ce rôle de référence ancienne et intangible pour la légalité du pouvoir. Cela correspond, mutatis mutandis, à une méta-norme, ou une règle de reconnaissance selon Hart. Ainsi, la légitimité du pouvoir repose sur un véritable fondement légal et rationnel.

D’une part, l’adhésion des sujets et le respect des décisions royales sont garantis par le fait que faire Maât était lié au service du roi qui aimait et souhaitait la Maât.

D’autre part, la conformité à Maât constitue donc l’obligation indiscutable de tout souverain – ce qui représente une obligation éthique.

Par conséquent, le Pharaon se rend compte à la population à travers un discours de propagande, montrant son engagement à réaliser la maât. Il est intéressant de noter que certains souverains étrangers ayant régné sur l’Égypte, comme Darius, ont cherché à associer leur règne à la Maât pour gagner l’adhésion du peuple. En revanche, les périodes intermédiaires de l’histoire égyptienne sont souvent perçues comme des temps de trouble et de chaos. La restauration ultérieure du pouvoir pharaonique est donc naturellement perçue comme le retour de l’harmonie cosmique et de la maât.

Dès lors, pour le roi, il s’agissait à la fois de justifier la monarchie absolue et d’en atténuer les conséquences. Ainsi, Maât définit à la fois le fondement et les limites du pouvoir. Elle constitue la source des prérogatives du souverain et le cadre éthique qui guide ses actions. Par conséquent, Maât se présente comme un principe de valeur constitutionnelle. Cette constitution soutient non seulement la légitimité de l’État pharaonique et la légalité de ses actions, mais également l’ensemble de la structure sociale.

II.3.ii. L’ordre théopolitique d’une société postchtonienne

Pierre Legendre établit un principe essentiel : Chaque société doit créer un univers fictif de sa Référence, qui puisse servir de base à une indestructibilité, non pas sur le plan matériel ou physique, mais symbolique […] la vie et sa continuité dépendent de la création, par la société, d’un discours de légitimité qui soutient la vie et sa reproduction.

Ainsi, le socle idéologique et identitaire d’une civilisation s’inscrit directement dans un cycle vital dont la préservation est essentielle pour maintenir l’équilibre social et politique. L’Égypte antique a élaboré, à travers le concept de Maât, la pierre angulaire de son identité, légitimant ainsi l’existence et le rôle d’un État qui protège son système de croyances. Les diverses dimensions de Maât englobent pleinement l’individu et la société dans le cosmos, réalisant ainsi l’harmonie fondamentale de l’univers. Jan Assmann souligne à ce sujet que le concept de Maât relie les domaines de l’être et du devoir (sein et sollen), de la nature et de la société, de l’ordre cosmique et de l’ordre humain (éthique), exprimant ainsi cette unité universelle sur laquelle repose le mythe cosmologique. Par conséquent, un constat s’impose :

Nous avons désormais une meilleure compréhension de ce que signifie cette compacité conceptuelle. Il ne s’agit pas seulement d’une incapacité à distinguer le cosmique du social. C’est plutôt un effort délibéré pour établir une corrélation claire entre les deux. Grâce à cet effort, la vie cosmique et la vie sociale se reflètent, s’entrelacent et s’organisent mutuellement.

Ainsi, la société dans son ensemble se regroupe autour d’un principe fondamental :

1 – La maât représente l’existence même de l’univers et la vie de l’Égypte ainsi que de ses habitants.
2 – Le roi en est le seul garant, offrant la maât aux divinités pour qu’elles la préservent parmi les hommes.
3 – Chacun doit honorer la maât dans ses interactions avec les autres afin de pouvoir bénéficier à son tour des bienfaits qu’elle procure.

Dans ce cadre, les rituels magiques constituent la fondation de la stabilité nationale.

La religion égyptienne se présente comme un ensemble de cultes et de rituels formant une expérience mythique et mystique qui réaffirme en permanence et influence positivement la puissance et l’indestructibilité de la vie de l’individu, de l’État, ainsi que du monde naturel et du cosmos.  Id., p. 5.

Le fait que ce système soit largement fondé sur un mythe n’en modifie pas la nature essentielle. Jan Assmann souligne qu’ il ne s’agit pas d’une simple question de croyance – les Égyptiens croyaient-ils vraiment à leurs mythes ? –, mais plutôt d’une conviction profondément ancrée. […] C’est à travers des expériences que cette conviction se manifeste. Il s’agit d’un sens éprouvé plutôt que conceptualisé.

C’est ainsi que les anciens Égyptiens ont suivi cette voie pendant plus de trois mille ans. Edward Goldsmith affirme que pour les peuples chtoniens, la voie à suivre par tous les êtres humains était la même que celle que devait emprunter la société dans son ensemble, le monde naturel, le cosmos et donc les dieux eux-mêmes.

En tant que principe chtonien, Maât définit à l’origine l’idéal éthique et moral de la relation entre l’homme et la nature. Cependant, Maât introduit, par sa valeur symbolique, une dimension qui n’est pas propre aux sociétés chtoniennes : en tant que fondement constitutionnel de l’ordre théologique et politique de l’État pharaonique, Maât établit la légitimité d’un pouvoir organisé. Bien que la voie chtonienne en Égypte antique ait évolué pour s’articuler autour d’un État, cela démontre que la tradition chtonienne peut, dans certains cas, ouvrir la voie à une structuration sociale et politique complexe.

À l’instar de la tradition asiatique, qui a évolué sous l’influence du confucianisme vers un modèle distinct de la tradition chtonienne, le modèle égyptien a également illustré les mécanismes présents dans le processus évolutif des premières sociétés humaines. Mythe et croyances s’entrelacent dans un tissu identitaire et, au fil du temps, développent leur dimension juridique pour former le socle d’une nouvelle tradition, que l’on pourrait qualifier de post-chtonienne. En ancrant son identité dans le concept de Maât, la civilisation égyptienne antique a établi une constitution profondément enracinée dans la tradition chtonienne. Parallèlement, grâce à l’utilisation du symbole et à son instrumentalisation, le Double-pays s’est affranchi de cette tradition.

Comme le souligne Jan Assmann, il semble que les Égyptiens aient réussi à définir par Maât ce que seule la théorie moderne a pu identifier comme le principe commun et fondamental des premières civilisations. Ce principe fondamental demeure d’un intérêt actuel. Certains auteurs contemporains, en quête de voies alternatives pour le développement social, environnemental et éthique dans le contexte africain, redécouvrent ainsi la notion de Maât pour en faire le cœur de leur réflexion.

Ainsi, la voie de Maât pourrait-elle servir de modèle pour une recherche identitaire capable de transcender la question du pluralisme juridique dans les Nations nègres et de proposer une alternative à l’État démocratique de type occidental ? Il reste à parier sur la reprise d’une initiative historique par la mobilisation culturelle.

III. Sources textuelles

– Robert. L. Carneiro – A Theory of the Origin of the State, (1970) 169 Science 733.
-Bernadette Menu – Naissance du pouvoir pharaonique », (1996) 6-7 Méditerranées 17.
– Jacques Pirenne – Histoire des institutions et du droit privé de l’ancienne Égypte, vol. 1-3, Bruxelles, Fondation Égyptologique Reine Élizabeth, 1932-1935.
– Jan Assmann – Maât, l’Égypte pharaonique et l’idée de justice sociale, Paris, Julliard, 1989, p. 115.
– Pierre Legendre – Sur la question dogmatique en Occident, Paris, Fayard, 1999, p. 130.
– Vincent Arieh Tobin –  Theological Principles of Egyptian Religion, Frankfurt am Main, Peter Lang, 1989, p. 214.
– Bernadette Menu- Égypte pharaonique : Nouvelles recherches sur l’histoire juridique, économique et sociale de l’ancienne Égypte, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 95.
– Bernadette Menu – La notion de Maât dans l’idéologie pharaonique et dans le droit égyptien, dans Barbara Anagnostou-Canas (dir.), Dire le droit : normes, juges, jurisconsultes, Paris, Panthéon-Assas, 2006, p. 34.
– Cheikh Anta Diop – Nations nègres et cultures : De l’Antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique noire d’aujourd’hui, Paris, Présence africaine, 2000.
–  Etienne Le Roy, Quels projets de société pour les Africains du xxie siècle ?, dans Camille Kuyu Mwissa (dir.), Repenser les droits africains pour le xxième siècle, Yaoundé, Menaibuc, 2001, p. 15, à la page 16.

 

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