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Histoire du Coran Partie 2 : Et Muhammad dans tout ça ?

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Les dossiers du Coran –  Et Muhammad dans tout ça ?

Note : Cet article basé sur les travaux de recherches de Julien Loiseau, Professeur à Aix-Marseille Université.

Si Muhammad a bel et bien existé, sa biographie, telle que nous croyons la connaître, est en grande partie légendaire. Quant à son rôle historique dans l’élaboration du Coran, il est bien difficile à établir avec précision.

Illustration – Djibril  :  Selon la tradition musulmane, Djibril (l’archange Gabriel), qui tient ici à la main le  livre de Dieu, fit réciter à Muhammad, retiré sur le mont Hira près de La Mecque, la première sourate du Coran. Miniature tirée de l’Histoire universelle (Jami al-Tawarikh) duPersan Rashid al-Din (1247-1318).

Muhammad, le prophète de l’islam, est une personnalité historique avérée, et non un mythe. Son existence est attestée par une chronique syriaque datant de 640, soit huit ans après son décès en 632 à Médine, conformément aux dires de la tradition islamique. Des documents de l’époque, issus de milieux juifs ou chrétiens, corroborent les récits islamiques sur la vie de ce prophète et leader militaire arabe du VIIe siècle.

D’après les récits islamiques, c’est à Muhammad que Dieu a choisi de révéler ses enseignements, en arabe, sur une période d’environ vingt ans. Ces révélations ont commencé à La Mecque, où il a fait face à l’opposition de ses concitoyens qui rejetaient son message annonçant l’apocalypse. Par la suite, il migre vers Médine en 622 avec ses disciples, un événement connu sous le nom de hijra et qui marque le début du calendrier musulman. Selon la tradition, après chaque révélation, Muhammad partageait les versets révélés par Dieu avec ses disciples, qui les mémorisaient et les récitaient. Le terme quran (Coran) signifie “récitation” dans ce contexte. Il faisait également transcrire certains de ces versets sur des omoplates de chameau, des pierres lisses ou du cuir. La mort de Muhammad en l’an 11 de l’hégire, à l’âge de plus de 60 ans – bien que sa date de naissance exacte soit inconnue, il est dit qu’il a débuté sa mission prophétique environ vingt ans auparavant, à 40 ans – signale la fin de la période de Révélation.

Pour préserver les enseignements divins après la mort de ceux qui les avaient appris par cœur et pour éviter des divergences entre les différentes versions, les versets ont été rapidement compilés et assemblés en un seul livre.

La compréhension et l’interprétation du Coran dans l’islam s’appuient essentiellement sur les hadiths, qui sont des collections de récits détaillant les dires et les actions de Muhammad, de ses compagnons proches et de ses épouses. Ces récits ont été compilés pour former une biographie connue sous le nom de sira, qui signifie vie modèle. Cette biographie décrit non seulement la vie de Muhammad en tant que commerçant avant l’avènement de l’islam, mais aussi les premières étapes de la Révélation, l’adhésion des premiers fidèles et, de manière plus significative, son rôle de leader normatif et militaire au sein de la première communauté musulmane.

La sira sert également de base pour le classement des sourates du Coran en fonction de leur période de révélation, soit à La Mecque soit à Médine après l’Hégire. Elle fournit un contexte riche en détails sur les circonstances entourant la révélation de chaque verset, ce qui aide à clarifier leur signification, qui peut parfois être énigmatique ou implicite. En l’absence de la sira, le texte coranique reste difficile à comprendre pour ceux qui cherchent à en saisir pleinement le sens.

Les recherches pionnières menées par les islamologues Gustav Weil et Ignac Goldziher ont révélé que les narrations traditionnelles ne datent pas, dans le meilleur des cas, d’avant la fin du premier siècle après l’Hégire, soit presque cent ans après le décès de Muhammad. Cependant, cela n’implique pas que sa biographie soit entièrement infondée. Par exemple, on observe que le calendrier de l’Hégire était déjà utilisé dans des documents officiels et personnels, tels que des graffitis, dès 640, soit environ vingt ans après l’Hégire en 622. Cela indique que le récit de l’exil à Médine a eu un impact significatif, au point d’être considéré comme le commencement d’une nouvelle ère. Néanmoins, il semble que les traditions (hadiths) relatant les dires et les actes du Prophète ont été établies rétroactivement afin de fournir un éclairage supplémentaire sur le sens du Coran. Ainsi, bien que Muhammad soit une figure historique avérée, sa biographie tient davantage de la légende pieuse, avec une intention exégétique et apologétique.

1. La Sira ou  Vie exemplaire

Mis à part le Coran, aucun texte n’a été préservé qui puisse apporter des lumières sur les origines de la communauté islamique. Seule la constitution rédigée par le Prophète Muhammad aux alentours de 625, qui établit un pacte entre les réfugiés de la Mecque et les tribus de l’oasis de Médine, subsiste. Faute de témoignages contemporains sur la vie du Prophète, on se réfère au Coran pour tenter de mieux comprendre le Muhammad de l’histoire.

Cette orientation vers le Coran est typique des études modernes sur Muhammad, qu’elles adoptent une perspective de critique textuelle, à l’instar de l’ouvrage impressionnant Le Coran des historiens sous la direction de Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye (Cerf, 2019), ou qu’elles restent ancrées dans la tradition islamique globale, comme La Vie de Muhammad du renommé historien tunisien Hichem Djaït (Fayard, 2007-2012).

Cependant, le Coran mentionne très peu Muhammad. Son nom n’est cité que quatre fois dans l’ensemble de ses 6 236 versets, et une cinquième sous la forme Ahmad dans un passage où Jésus prédit sa venue (Coran, LXI, 6), tandis que le nom d’Abraham (Ibrahim) est répété 69 fois. Dans de nombreux versets, c’est Dieu qui s’adresse directement à son prophète ou à ceux qui remettent en question la véracité de sa prophétie, sans jamais le nommer. Le Coran conteste à deux occasions que la Révélation soit le fruit d’un travail d’écriture antérieur de la part de Muhammad (Coran, XXVIII, 48) ou qu’elle soit dictée par d’autres (Coran, XXV, 5). Hormis ces éléments liés à la prophétie, le Coran ne fournit presque aucune information sur la vie personnelle de Muhammad, à l’exception notable de ses épouses.

Les intrigues de son harem (Coran, LXVI, 3-5), l’injonction faite aux femmes et aux filles de son prophète de porter le voile (Coran, XXXIII, 59), enfin l’affaire du mariage de Muhammad avec la femme de son fils adoptif (Coran, XXXIII, 37, cf. p. 55) ont donné lieu à la révélation de versets ad hoc. Il est fort possible, cependant, que ces versets aient été substantiellement modifiés dans le contexte ouvert par sa mort en 632.

La recherche moderne a en effet remis en question le récit traditionnel de la collecte du Coran et de la fixation précoce de la Vulgate dès le règne d’Uthman (644-656), suggérant que le texte n’a été fixé que sous le règne du calife omeyyade Abd al-Malik (685-705). En un demi siècle, de nombreuses modifications ont pu être apportées au texte coranique, et notamment la question très sensible de la succession du Prophète (cf. p. 40). Il est donc très probable que la Vulgate du Coran ne reflète pas exactement la prédication de Muhammad.

L’une des tâches des éditeurs anonymes du Coran a été en outre de distinguer strictement le Coran du hadith, la parole de Dieu rapportée par Muhammad de la parole de Muhammad lui-même. Ainsi, le verset de la lapidation, dont Umar (634-644) affirmait qu’il avait été révélé par Dieu à Muhammad, est rapporté par la tradition, mais n’a pas été intégré au Coran : le Coran condamne les adultères non à la lapidation, mais à la flagellation (Coran, XXIV, 2). La délicate distinction initiale entre parole de Dieu et parole de Muhammad est illustrée par une formule présente presque à l’identique dans la tradition et dans le Coran (XXXIX, 23) : Le livre de Dieu est le plus beau des hadiths.

La biographie du Prophète, créée bien après les faits, vise à faciliter la compréhension du Coran. Cependant, le Coran offre peu de détails sur la vie de Muhammad, rendant sa figure historique presque insaisissable. Néanmoins, le Coran révèle des indices sur les convictions de Muhammad et de ses contemporains, pourvu que l’on examine le texte avec une critique minutieuse. En écartant les interprétations ultérieures, il se pourrait que Muhammad ait été principalement un messager annonçant la fin des temps, prônant un monothéisme rigoureux dans une communauté arabe ayant depuis longtemps délaissé le polythéisme ancestral.

2. Quelques définitions et Mots clés

Coran :  Du syriaque qiryana, livre de prières. Le mot arabe quran est employé dans le sens de récitation, lecture. Livre saint de l’islam, considéré par les musulmans comme la parole de Dieu révélée en langue arabe à Muhammad entre 610 et 632, il est mis par écrit et fixé à la fin du VIIe siècle. Texte sacré, il ne peut en théorie être traduit dans une autre langue, même si des traductions existent depuis le Xe siècle.

Apocalypse : Du latin apocalypsis, révélation. Genre littéraire, prisé des Juifs du IIe-Ier siècle avant notre ère et des chrétiens de l’Antiquité tardive, traitant de la destinée du monde et du peuple de Dieu.

Eschatologie :  Du grec eschaton logos, discours de la fin. Ensemble des doctrines et croyances religieuses sur le sort ultime des hommes et la destinée du monde à la fin des temps. Le message originel de Muhammad, conservé dans les dernières sourates (les plus courtes) du Coran, relevait de l’eschatologie.

Messianisme :  Croyance en la venue d’un sauveur (le Messie), chargé d’affranchir les hommes du péché et d’établir le royaume de Dieu sur Terre. Pour les chiites, la désignation d’Ali comme successeur par le Prophète et son rôle messianique auraient été effacés du Coran par les Omeyyades, ses adversaires.

Hadith :  Enseignements ou propos du Prophète, transmis par milliers et mis par écrit dans une série de recueils au IXe siècle. Le hadith sert à l’interprétation du Coran mais est aussi une source majeure du droit.

Sira : Vie exemplaire, titre donné à la biographie de Muhammad. Elle rassemble, dans l’ordre chronologique, les nombreuses traditions transmises à son sujet à partir du début du
VIIIe siècle. La plus ancienne sira connue est celle d’Ibn Hisham (mort en 833), en partie fondée sur la sira d’Ibn Ishaq (mort en 767).

Sourate :  Principale subdivision du Coran, équivalant à un chapitre. L’édition officielle en compte 114, classées par ordre de taille décroissante.

Hégire :  De l’arabe hijra, exil de Muhammad et de ses compagnons de La Mecque vers Médine, où ils seraient arrivés le 24 septembre 622. Pour marquer l’importance de l’événement, le calendrier musulman, mis en place une quinzaine d’années plus tard, commence au premier jour de l’année lunaire correspondante, soit le 16 juillet 622.

 

 

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