Le coin débats – Réflexion : La promesse à Ismaël prophétise-t-elle Mohammad et l’Islam ?
La promesse faite à Ismaël est actuellement perçue comme la prophétie la plus significative, voire l’unique, prédisant l’avènement de Mohammed dans la Torah. Il s’avère donc essentiel de procéder à une analyse minutieuse et approfondie de cette promesse, plutôt que de se contenter d’un examen superficiel, comme cela a été le cas jusqu’à maintenant.
I. Ismaël et la grande nation biblique
Dans le récit biblique de la Genèse, chapitre 17, un échange poignant se déroule entre Abraham et Dieu concernant le destin d’Ismaël. Abraham, dans un élan de père aimant, implore Dieu pour la vie et la prospérité d’Ismaël : Oh, que mon fils Ismaël puisse vivre sous ton regard ! En réponse, Dieu assure Abraham que, bien que l’alliance éternelle sera établie avec Isaac, le fils à naître de Sara, Ismaël ne sera pas oublié. Dieu promet à Abraham que sa prière pour Ismaël a été entendue : Ismaël sera béni, connaîtra une croissance et une multiplication sans précédent, engendrera douze princes et sera le père d’une grande nation. Cependant, c’est avec Isaac, que Sara donnera naissance à la même période l’année suivante, que Dieu établira son alliance perpétuelle. Ce passage souligne la complexité des promesses divines et la profondeur de la relation entre Dieu et Abraham.
Il est essentiel de souligner plusieurs éléments clés : Premièrement, aucune promesse d’alliance n’est faite entre Dieu et Ismaël. Deuxièmement, la bénédiction divine accordée à Ismaël se manifeste par une prospérité notable, la naissance de douze princes issus de sa lignée, et l’émergence d’une grande nation. Troisièmement, c’est avec Isaac que Dieu établit son alliance. Ces points mettent en lumière les différentes voies que prennent les bénédictions et les alliances divines.
Interpréter le passage comme la prédiction de l’arrivée d’un prophète issu d’Ismaël ne semble pas correspondre à une analyse directe du texte. Le fait d’être une grande nation, de prospérer, de se multiplier et de posséder douze princes ne représente pas en soi la promesse d’un futur prophète. Par ailleurs, si Dieu a promis aux Israélites qu’ils formeraient une grande nation, il leur a aussi spécifiquement promis une alliance et annoncé la venue de prophètes, de manière séparée. Cela suggère que la promesse de grandeur nationale ne sous-entend pas automatiquement l’émergence d’un prophète ou la conclusion d’une alliance divine.
La réalisation de la promesse des douze chefs est attestée dès le chapitre 25 de la Genèse :
Voici les descendants d’Ismaël, fils d’Abraham, engendrés par Agar l’Égyptienne, servante de Sara, pour Abraham. Les noms des fils d’Ismaël, énumérés selon leur lignée, sont les suivants : Nebaïoth, l’aîné d’Ismaël, suivi de Kédar, Adbeël, Mibsam, Mishma, Duma, Massa, Hadar, Théma, Jetur, Naphish et Kedma. Ces hommes sont les fils d’Ismaël et portent ces noms dans leurs villages et leurs campements, en tant que douze princes de leurs nations respectives. Ismaël vécut cent trente-sept ans avant de rendre son dernier souffle, de mourir et d’être réuni à ses ancêtres. Ses descendants s’établirent depuis Havila jusqu’à Shur, aux abords de l’Égypte, en direction de l’Assyrie. Il prit sa place en présence de tous ses frères. Genèse 25:12-18
La compréhension intuitive de ce texte suggère que la promesse de prospérité, symbolisée par les douze patriarches et l’ascension d’une grande nation, trouve ici son accomplissement. La mise en parallèle de différents éléments dans une même phrase peut souvent servir à expliciter une réalité unique et singulière. Cela est illustré dans le verset de Nombres 23:23, qui proclame : Aucun sortilège ne saurait toucher Jacob, aucune magie n’affecter Israël. À cette époque, il sera dit de Jacob et d’Israël : ‘Voyez ce que Dieu a accompli !
Israël est Jacob, et Jacob est Israël, pourtant le verset nous dit de Jacob et Israël (lə ·ya·‘ă·qōḇū· lə· yiś·rā·’êl).
Admettons que la promesse de transformer Ismaël en une grande nation soit une entité séparée. Quelles sont les mesures qui définissent une grande nation ? Pour répondre à cette question, il est nécessaire d’examiner les références à une grande nation dans les écritures bibliques. Le terme utilisé pour grande en Genèse 17:20 est Gadol. Voyons donc l’usage de ce terme vis à vis de nation (Goy).
1. De Jacob à Israël : Dieu promet à Jacob de faire de lui une grande nation en Égypte
Israël entreprit son voyage, emportant avec lui ses possessions ; il arriva à Beër-Shéba, où il offrit des sacrifices au Dieu de son père Isaac. Dans les visions nocturnes, Dieu s’adressa à Israël et l’appela : Jacob ! Jacob ! À quoi il répondit : Me voici. Dieu lui dit alors : Je suis le Dieu, le Dieu de ton père. N’aie aucune crainte de te rendre en Égypte, car c’est là que je ferai de toi une grande nation. Genèse 46:1-3.
Ce récit est captivant, car il dépeint la transformation d’Israël en une grande nation en Égypte, malgré :
1) le fait d’être dans un pays étranger,
2) la servitude endurée pendant une grande partie de son séjour,
3) l’absence de la Torah, et
4) l’absence d’un Empire.
La montée d’Israël en tant que grande nation en Égypte est également attestée dans le Deutéronome, chapitre 26 : Et tu déclareras devant l’Éternel, ton Dieu : Mon père était un Araméen errant ; il est descendu en Égypte avec peu de personnes et y a séjourné ; et là, il est devenu une nation grande, puissante et nombreuse. Deutéronome 26:5
Sur ce verset, Abraham ibn Ezra écrit: La bonne interprétation est que l’Araméen se réfère à Yaaqov… Le sens de ce passage est: Je n’ai pas hérité cette terre de mon ancêtre, car il était pauvre quand il est venu en Aramea, et il était un étranger en Egypte, où il était faible en nombre. Après, il devint une grande nation; et toi, Dieu, nous a sorti de l’esclavage, et nous a donné la bonne terre. Ibn Ezra sur Deutéronome 26.5
Le Targum Jonathan: Et tu répondras, et diras devant le Seigneur ton Dieu: Notre père Jakob est descendu à Aram Naharia, et (Laban) a cherché à le détruire; mais la Parole du Seigneur l’a sauvé de ses mains. Et ensuite, il est descendu en Mizraim et y a séjourné, un peuple peu nombreux; mais là il devint une grande nation, puissante, nombreuse. Targum Jonathan sur Deutéronome 26.5
Les parallèles historiques et théologiques entre Israël et Ismaël sont significatifs et méritent une attention particulière. Ils se manifestent à travers les figures des 12 fils d’Israël et les 12 fils d’Ismaël, ainsi que dans les récits fondateurs des traditions juive et islamique avec le don de la Torah et le don présumé du Coran. De plus, la comparaison entre l’établissement du Royaume Israélite en Canaan et l’expansion de l’Empire Islamique soulève des points de réflexion intéressants.
Il est notable qu’Israël ait émergé en tant que nation influente bien avant la formation de son royaume en Canaan et même avant la réception de la Torah. Cette observation conduit à une hypothèse logique selon laquelle Ismaël, en parallèle, aurait également formé une grande nation avant la révélation du Coran et l’émergence de l’Empire Islamique. Cette perspective invite à une analyse cohérente et approfondie des racines historiques et de l’évolution des deux peuples.
2. Les grandes nations idolâtres vaincues par Josué
1 Et longtemps après que l’Éternel eut donné du repos à Israël de tous leurs ennemis à l’entour, – et Josué était vieux, avancé en âge, 2 – il arriva que Josué appela tout Israël, ses anciens, et ses chefs, et ses juges, et ses magistrats, et leur dit : Je suis vieux, je suis avancé en âge ; 3 et vous avez vu tout ce que l’Éternel, votre Dieu, a fait à toutes ces nations à cause de vous ; car l’Éternel, votre Dieu, est celui qui a combattu pour vous. 4 Voyez, je vous ai distribué par le sort, en héritage, selon vos tribus, ces nations qui restent, depuis le Jourdain, ainsi que toutes les nations que j’ai exterminées, jusqu’à la grande mer vers le soleil couchant. 5 Et l’Éternel, votre Dieu, les chassera devant vous, et les dépossèdera devant vous ; et vous prendrez possession de leur pays, comme l’Éternel, votre Dieu, vous l’a dit. 6 Et fortifiez-vous beaucoup pour garder et pour pratiquer tout ce qui est écrit dans le livre de la loi de Moïse, afin de ne vous en écarter ni à droite ni à gauche, 7 afin que vous n’entriez pas parmi ces nations qui restent parmi vous, et que vous ne fassiez pas mention du nom de leurs dieux, et que vous ne fassiez pas jurer par eux, et que vous ne les serviez pas, et que vous ne vous prosterniez pas devant eux. 8 Mais vous vous attacherez à l’Éternel, votre Dieu, comme vous l’avez fait jusqu’à ce jour. 9 Et l’Éternel a dépossédé devant vous des nations grandes et fortes ; et quant à vous, personne n’a tenu devant vous, jusqu’à ce jour. Josué 23:1-9
Ici, les nations vainques par Josué sont appelées gō·w·yim gə·ḏō·lîm. Pourtant, ces nations n’étaient pas de grands empires et n’étaient pas monothéistes.
3. La grande nation païenne medo-perse
Car voici, du pays du nord je réveillerai et je ferai monter contre Babylone un rassemblement de grandes nations qui se rangeront contre elle : de là elle sera prise… Voici, un peuple vient du nord, et une grande nation et beaucoup de rois se réveillent des extrémités de la terre. 42 Ils saisissent l’arc et le javelot ; ils sont cruels, et ils n’ont pas de compassion ; leur voix bruit comme la mer, et ils sont montés sur des chevaux, préparés comme un homme pour la guerre, contre toi, fille de Babylone. Jérémie 50
Les perses resteront idolâtres jusqu’à leur conversion à l’Islam après la conquête d’Omar, le deuxième calife mais sont néanmoins une grande nation.
4. Comparaison avec Ismaël dans les textes bibliques
Certains disent qu’Ismaël ne devient jamais une grande nation avant l’émergence de l’Islam. C’est assez curieux, car ils ne définissent jamais ce qu’est une grande nation, afin de vérifier si l’on peut considérer cette promesse comme accomplie auparavant. Or, les textes bibliques évoquent, bien qu’assez peu, le destin des enfants d’Ismaël dans plusieurs passages.
23 Lorsque Joseph fut arrivé auprès de ses frères, ils le dépouillèrent de sa tunique, de la tunique de plusieurs couleurs, qu’il avait sur lui. 24 Ils le prirent, et le jetèrent dans la citerne. Cette citerne était vide ; il n’y avait point d’eau. 25 Ils s’assirent ensuite pour manger. Ayant levé les yeux, ils virent une caravane d’Ismaélites venant de Galaad ; leurs chameaux étaient chargés d’aromates, de baume et de myrrhe, qu’ils transportaient en Égypte. 26 Alors Juda dit à ses frères: Que gagnerons-nous à tuer notre frère et à cacher son sang ? 27 Venez, vendons-le aux Ismaélites, et ne mettons pas la main sur lui, car il est notre frère, notre chair. Et ses frères l’écoutèrent. Genèse 37:23-27
Les ismaélites avaient des caravanes, étaient commerçants.
Car voici, tes ennemis s’agitent, et ceux qui te haïssent lèvent la tête. 3 Ils trament avec astuce des complots contre ton peuple, et ils consultent contre tes [fidèles] cachés. 4 Ils ont dit : Venez, et exterminons-les, de sorte qu’ils ne soient plus une nation et qu’on ne fasse plus mention du nom d’Israël. 5 Car ils ont consulté ensemble d’un cœur, ils ont fait une alliance contre toi : 6 Les tentes d’Édom, et les Ismaélites, Moab, et les Hagaréniens, 7 Guebal, et Ammon, et Amalek, la Philistie, avec les habitants de Tyr ; 8 Assur aussi s’est joint à eux ; ils servent de bras aux fils de Lot. Sélah. Psaumes 83:2-8
Les Ismaélites, connus pour leurs activités commerciales et leurs exploits guerriers, étaient considérés au même niveau qu’Edom, Moab, Ammon et la Philistie. Abordons à présent le sujet de Kedar, descendant d’Ismaël.
L’oracle divin s’adresse à l’Arabie. Vous, caravanes de Dedan, vous établirez vos campements dans les forêts arabes. Portez secours à ceux qui sont assoiffés, apportez-leur de l’eau ! Les résidents de Théma se précipitent avec leur pain à la rencontre de ceux qui fuient ; car ils fuient devant les lames tranchantes, devant l’épée nue, devant l’arc bandé, et devant l’horreur de la guerre. Car voici ce que le Seigneur m’a révélé : Dans un an, tel un mercenaire qui compte ses jours, la splendeur de Kedar se sera éteinte, et le nombre des archers vaillants, descendants de Kedar, sera réduit ; car l’Éternel, le Dieu d’Israël, l’a annoncé. Esaïe 21:13-17
Kedar, également connu sous le nom d’Ismaël, jouissait d’une gloire remarquable, destinée cependant à s’affaiblir avec le temps. Dedan se distinguait en tant que ton fournisseur de tissus luxueux pour les couvertures équestres. L’Arabie, ainsi que tous les princes de Kedar, entretenaient des échanges commerciaux avec toi, te fournissant des agneaux, des béliers et des chèvres ; ils étaient tes partenaires commerciaux privilégiés. Extrait adapté d’Ézéchiel 27.
Le mot pour princes est nasiy, utilisé pour les chefs d’Israël, pour Salomon etc.
Pour récapituler : des marchands et des combattants, dirigés par des meneurs illustres, se sont affrontés contre leurs propres frères. Ne constituent-ils pas les éléments constitutifs d’une illustre nation ismaélite ? Si l’on conteste cette affirmation, il incombe alors aux détracteurs de préciser les standards bibliques définissant une grande nation.
II. Ismaël et Muhammad selon le coran et la sunna
L’énigme qui entoure l’interprétation de la promesse faite à Ismaël réside dans l’ambiguïté du Coran sur ce point.
Examinons l’argument traditionnel. Abraham a eu un fils, Ismaël, qui serait l’ancêtre des Arabes (bien que le Coran ne mentionne pas explicitement cela). Ismaël était lui-même un prophète, et il n’y aurait eu aucun autre prophète entre lui et Mohammed. Ainsi, Abraham, par l’intermédiaire d’Ismaël, serait l’ascendant des Quraysh et, par extension, de Muhammad.
Cependant, le Coran semble réfuter toute filiation directe entre le Prophète Muhammad et le Prophète Ismaël. Il est réitéré à plusieurs reprises que les ancêtres de Muhammad n’ont pas reçu de guidance ni d’avertissement divin :
Et tu n’étais pas sur le flanc du Mont Tor lorsque Nous avons appelé. Mais tu es apparu comme une miséricorde de ton Seigneur, pour avertir un peuple qui n’avait reçu aucun avertisseur avant toi, afin qu’ils se rappellent.” (S28:46-47) “Vont-ils dire qu’il (Muhammad) a fabriqué cela ? Au contraire, c’est la vérité de ton Seigneur, pour que tu avertisses un peuple qui n’a eu aucun avertisseur avant toi, afin qu’ils trouvent la voie de la rectitude. (Sourate 32:3)
Et quand Nos versets édifiants leur sont récités, ils disent : Ce n’est là qu’un homme qui veut vous repousser de ce que vos ancêtres adoraient. Et ils disent : Ceci (Le Coran) n’est qu’un mensonge inventé. Et ceux qui ne croient pas disent de la Vérité quand elle leur vient : Ce n’est là qu’une magie évidente! [Pourtant] Nous ne leur avons pas donné de livres à étudier. Et Nous ne leur avons envoyé avant toi aucun avertisseur. (Sourate 34 :43-44)
5. C’est une révélation de la part du Tout Puissant, du Très Miséricordieux, 6. pour que tu avertisses un peuple dont les ancêtres n’ont pas été avertis : ils sont donc insouciants. (Sourate 36 :5-6)
Le Coran affirme ici que les ancêtres des Qureysh n’ont pas été avertis. Comment cela est possible si Abraham et Ismaël sont leurs ancêtres? La contradiction entre l’affiliation de Qureysh à Abraham et Ismaël avec ce verset a poussé les exégètes à tenter de trouver une solution:
Que tu puisses avertir un peuple… dont les pères n’ont pas été avertis dans la période d’intervalle al-fatra et donc ils, ce peuple, sont aveugles quand à la foi et à la bonne guidée. Tafsir al Jalalayn
Que tu avertisses par l’entremise du Coran (un peuple) i.e. les Quraysh (dont les ancêtres n’ont pas été avertis) par aucun messager; il est également dit que cela signifie: que tu puisses avertir un peuple de la même façon que leurs ancêtres l’ont été… Tafsir Ibn Abbas
Ibn Kathir est lui honnête dans son explication du verset: Ils s’agit des arabes qui n’ont reçu avant toi aucun Prophète. Tafsir Ibn Kathir
Ce point est d’autant plus important que selon les sources Islamiques, les Arabes existaient déjà avant la venue d’Ismaël parmi eux, et qu’ils ont donc bien reçu un Prophète avant Mohammed. Ceci est d’ailleurs sous-entendu par ce qui est rapporté dans la Sunna au sujet d’images d’Abraham et Ismaël retrouvées dans la Kaaba:
Rapporté par Ibn Abbas: Quand le Messager d’Allah est venu à la Mecque, il a refusé d’entrer dans la Kaaba avec les idoles à l’intérieur. Il ordonna (que les idoles soient mises dehors). Donc elles l’ont été. Les gens ont sorti les images d’Abraham et Ismaël tenant des Azlams dans leurs mains. Le Messager d’Allah a dit, Qu’Allah maudisse ces gens. Par Allah, Abraham et Ismaël n’ont jamais pratiqué le jeu de hasard avec des Azlams… Sahih al-Bukhari 1601
Le même récit se trouve dans Sahih al-Bukhari 3352 et Sahih al-Bukhari 4288. Une variante existe avec une image d’Abraham et de Marie au lieu d’Abraham et Ismaël:
Rapporté par Ibn Abbas: Le Prophète est entré dans la Kaaba et a trouvé à l’intérieur des images du Prophète Abraham et de Marie. Sur ce il dit, “Quel est le problème avec eux? Ils ont déjà entendu que les anges n’entrent pas dans une maison dans laquelle il y a des images; pourtant c’est une image d’Abraham… Sahih al-Bukhari 3351
Selon les ahadith authentiques, les ancêtres des Qureysh ont rencontré Ismaël:
Rapporté par Ibn `Abbas: Le Prophète a dit, Qu’Allah soit miséricordieux avec la mère d’Ismaël! Si elle avait laissé l’eau de Zamzam comme elle était… Jurhum (une tribu Arabe) est venu et lui a demandé, ‘Pouvons-nous nous installer avec vous ? Elle dit, Oui, mais vous n’avez aucun droit de propriété sur l’eau.… Sahih al-Bukhari 2368
1867. Ibn Abbas rapporte : Abraham emmena la mère d’Ismael et son fils, à qui elle donnait encore le sein, et il les laissa près de l’emplacement du Temple [la Ka’ba], sous un grand arbre s’élevant au-dessus de Zamzam, dans la partie la plus élevée de la mosquée (actuelle). A cette époque, il n’y avait personne à La Mecque et on n’y trouvait pas d’eau. Abraham les abandonna dans cet endroit en leur laissant une sacoche pleine de dattes et une outre remplie d’eau ; puis il partit, s’éloignant peu à peu. La mère d’Ismael le suivit en lui disant : Abraham, vas-tu ? Nous abandonnes-tu dans cette vallée où il n’y a ni être humain ni quoi que ce soit ?
Elle ne cessait de lui répéter ces mots, mais Abraham ne se retournait pas. Elle finit par lui dire : Est-ce Dieu qui t’a ordonné d’agir ainsi ? – Oui, répondit-il. – Alors, Il ne nous abandonnera pas, s’écria-t-elle. Abraham continua sa marche jusqu’à arriver sur une colline à l’abri des regards de Hajar et son fils. Alors, tournant son visage du côté du Temple, il leva les mains et prononça cette invocation : ~ Seigneur, j’ai installé une partie de ma descendance dans une vallée sans culture, auprès de Ton Temple sacré afin, Seigneur, qu’ils puissent accomplir la salat ! Seigneur, dispose en leur faveur les cœurs d’un certain nombre d’hommes ! Veille à leur procurer des fruits pour leur subsistance. Peut-être en seront-ils reconnaissants. (Coran 14.37)
La mère d’Ismaël se mit ensuite à allaiter son fils. Elle but l’eau (qui lui avait été laissée) jusqu’à ce que le contenu de l’outre fut épuisé. Puis la soif l’étreignit, ainsi que son fils.
Elle le voyait se tordre de douleur. Ne pouvant pas supporter un tel spectacle, elle partit [chercher de l’aide], et arriva à Safa qui était la colline la plus proche. Elle y grimpa et, dominant la vallée, elle scruta l’horizon. Peut-être verrait-elle quelqu’un ? Mais elle ne vit personne. Alors, elle descendit des hauteurs de Safa puis, arrivée dans la vallée, elle retroussa les pans de sa tunique et courut comme une personne désespérée. Elle traversa la vallée, gagna Marwa, et grimpa jusqu’à son sommet. A nouveau, elle scruta l’horizon. Peut-être apercevrait-elle quelqu’un ? Mais elle ne vit personne. Sept fois de suite, elle fit le même parcours. (Ibn ‘Abbas ajoute que le Prophète a dit : C’est en mémoire de cela que les fidèles font le parcours entre ces deux collines.) Arrivée au sommet de Marwa, Hajar entendit une voix. Tais-toi !, se dit-elle à elle-même. Elle tendit l’oreille et entendit de nouveau une voix. Alors, elle dit : Je t’ai bien entendu. Si tu as un moyen de me venir en aide, (fais-le) !
Un ange apparut alors à l’endroit où se trouve le puits de Zamzam. Il frappa le sol de son talon – où, suivant une variante, de son aile -, et bientôt l’eau finit par jaillir. Hajar se mit à faire un bassin, semblant dire de sa main : [Coule] ainsi ! ; puis elle se mit à puiser de l’eau dans son outre. L’eau (de la source) jaillissait chaque fois qu’elle y puisait. (Ibn ‘Abbas ajoute ici que le Prophète a dit : Que Dieu fasse miséricorde à la mère d’Ismael car, si elle avait laissé l’eau de Zamzam couler ou, suivant une variante, si elle n’avait pas puisé d’eau -, Zamzam serait devenu une source d’eau courante.) [Le récit reprend :] Hajar but et allaita son enfant. L’ange leur dit alors : N’ayez aucune crainte, car ici s’élèvera une maison consacrée à Dieu et cette Maison sera bâtie par cet enfant et son père. Et Dieu n’abandonne pas les Siens. [L’endroit où devait s’élever] le Temple formait, au-dessus du sol, une sorte de monticule, si bien que quand les eaux envahirent la vallée, elles passèrent à droite et à gauche.
Hajar vécut ainsi jusqu’au jour où une caravane de la tribu de Jurhum – ou, suivant une variante, des gens d’une famille de Jurhum -, arriva par la route de Kada’ et fit halte dans la partie basse de La Mecque. Ils virent un oiseau planer au loin et se dirent : « Cet oiseau tournoie certainement autour d’une source d’eau. Pourtant, depuis le temps que nous fréquentons cette vallée, il n’y a jamais eu d’eau. Envoyez donc un éclaireur – deux, suivant une variante. » Les éclaireurs, ayant découvert l’eau, revinrent et annoncèrent qu’il y avait bien de l’eau. Tous se rendirent alors à cet endroit et ils trouvèrent la mère d’Ismael près du point d’eau ; les Jurhum lui demandèrent : « Nous permets-tu de nous installer près de toi ? » – « Oui, répondit-elle, mais vous n’aurez aucun droit de propriété sur l’eau. » – « C’est entendu, repliquèrent-ils. » (Ibn ‘Abbas ajoute ici que le Prophète a dit : « Cette demande des Jurhum fit plaisir à Hajar, qui aimait la compagnie. »)
Les Jurhum installèrent donc leur camp auprès d’elle et envoyèrent dire à leurs familles de venir s’installer avec eux. Bientôt, un certain nombre de familles s’établit en cet endroit. L’enfant [Ismael] grandit, apprit la langue arabe des Jurhum et, en grandissant, il gagna leur estime et leur admiration. Aussi, quand il atteignit (l’âge de la puberté), ils le marièrent à une de leurs femmes. [Entre temps,] la mère d’Ismael mourut. Quelque temps après le mariage d’Ismael, Abraham arriva (à La Mecque) ; il venait s’enquérir de ceux qu’il avait laissés. Ne trouvant pas Ismaël [chez lui], Abraham demanda de ses nouvelles à son épouse. Elle lui dit : Mon mari est sorti pour aller se procurer notre subsistance.
Il demanda alors : « Comment vivez-vous et quelle est votre situation ? » – « Nous vivons dans la détresse, l’angoisse et la difficulté, répondit-elle. » Elle exposa ses plaintes à Abraham qui lui dit : « Quand ton mari rentrera, tu le salueras pour moi et tu lui diras de changer le seuil de sa porte. » A son retour, Ismaël, qui semblait avoir pressenti quelque chose, dit à sa femme : « Quelqu’un est-il venu ? » – « Oui, répondit-elle, un vieillard (dont elle fit la description) est venu. Il m’a demandé de tes nouvelles et je lui en ai donné. Puis il m’a demandé comment nous vivions et je lui ai répondu que nous vivions dans la misère et la difficulté. » Ismaël demanda alors : « T’a-t-il fait quelque recommandation ? » – « Oui, répliqua-t-elle, il m’a chargé de te saluer et de te dire : “Change le seuil de ta porte !” » Ismaël lui dit : « Cet homme est mon père, et il m’ordonne de me séparer de toi. Retourne auprès des tiens! » Il répudia donc sa femme et épousa une autre femme de la tribu des Jurhum.
Abraham s’absenta le temps que Dieu voulut, puis il revint et ne trouva pas Ismael [chez lui]. Il entra chez son épouse et lui demanda des nouvelles de son mari. Elle lui dit : « Il est parti chercher notre subsistance. » Abraham demanda alors : « Comment vivez-vous ? » s’informant ainsi de leur existence et de leur situation. Elle lui répondit : « Nous sommes heureux et dans l’aisance. » Et elle rendit grâce à Dieu. Puis Abraham la questionna : « Que mangez-vous ? » – « De la viande. » – « Et que buvez-vous ? » – « De l’eau. » Alors, Abraham s’écria : « Dieu bénisse la viande et l’eau pour vous ! » [Le Prophète ajouta :] A cette époque, ils n’avaient point de céréales à La Mecque, sans quoi Abraham aurait demandé à Dieu de les bénir aussi. Nulle part ailleurs qu’à La Mecque on aurait pu se contenter de viande et d’eau.
On trouve dans une autre version (de Bukhari) : Abraham arriva à La Mecque et demanda : « Où est Ismaël ? » Son épouse répondit : « Il est parti à la chasse. Ne veux-tu pas faire une halte afin de manger et de boire ? » – « Que mangez-vous et que buvez-vous ? », demanda-t-il. – « Nous nous nourrissons de viande et nous nous abreuvons d’eau. » – « Mon Dieu, s’écria Abraham, bénis pour eux leur nourriture et leur boisson ! »
Le Prophète ajouta ceci : « Telle est la bénédiction due à l’invocation d’Abraham. » [Le récit reprend :] Abraham reprit : « Quand ton mari sera de retour, salue-le et ordonne-lui de maintenir le seuil de sa porte. » De retour, Ismaël dit : « Quelqu’un est-il venu ? » – « Oui, répondit sa femme, un vieil homme de belle apparence est venu – et elle en fit l’éloge. Il m’a demandé de tes nouvelles ; je lui en ai donné. Puis, comme il posa des questions sur notre façon de vivre, je lui ai dit que nous étions heureux. » – « T’a-t-il fait quelque recommandation ? » – « Oui, il m’a chargé de te saluer et il t’ordonne de conserver le seuil de ta porte. » Ismaël dit alors : « Cet homme est mon père, et toi, tu es le seuil [dont il parlait] et il m’a ordonné de te garder auprès de moi. » Abraham s’absenta le temps que Dieu voulut, puis il revint. Il trouva Ismaël occupé à tailler des flèches à l’ombre d’un grand arbre, près de Zamzam. En apercevant son père, Ismaël se leva pour le recevoir et tous deux se retrouvèrent comme seuls un père et son fils peuvent le faire.
« Isma’il, dit Abraham, Dieu m’a ordonné quelque chose. » – « Fais ce que le Seigneur t’a ordonné, répondit Ismaël. » – « M’aideras-tu ? » – « Je t’aiderai ! » – « Dieu, reprit Abraham, m’a ordonné de bâtir un temple ici. », tout en indiquant un monticule qui dominait les alentours. Alors, tous deux se mirent à élever les fondations de ce Temple.
Tandis qu’Ismaël transportait les pierres, Abraham édifiait la bâtisse jusqu’à parvenir à une certaine hauteur. Alors, Ismaël apporta cette pierre [la station d’Abraham] sur laquelle son père monta pour continuer a élever la construction avec les pierres qu’Ismaël lui apportait. Tous deux disaient : « Seigneur, accepte notre œuvre car Tu es Celui qui entend tout et qui sait tout ! » Riyad as-Salihin Chap. 16 | 370. Hadiths relatifs à l’Antéchrist et aux signes de la fin des temps, Hadith 1867 https://sunnah.com/riyadussaliheen/19/60 Sahih al-Bukhari 3364 Sahih al-Bukhari 3365
Ismaël se serait donc marié à une femme Arabe des Jurhum et vécu avec eux. Abraham les aurait également rencontré. La femme Arabe d’Ismaël rendait gloire à Dieu. Cela implique que les ancêtres des Qureysh issus d’Ismaël et de son épouse ont bien reçu un Messager, Ismaël lui même, qui a averti les Jurhum et dont sont issus la tribu du Prophète Mohammed. Ils ont même reçu la visite d’Abraham.
Dans les ahadith, il est clair qu’il y avait une connaissance d’un lien généalogique entre Mohammed à Ismaël:
Rapporté d’Ibn `Abbas: Le Prophète avait l’habitude de chercher refuge auprès d’Allah pour Al-Hasan et Al-Husain et de dire: “Votre ancêtre (i.e. Abraham) avait l’habitude de chercher refuge auprès d’Allah pour Ismael et Isaac en récitant ce qui suit…'” Sahih al-Bukhari 3371 Sunan Abi Dawud 4737
Rapporté de Salama: Le Messager d’Allah est passé près de gens de la tribu d’Aslam pratiquant le tir à l’arc. Il dit, “O Enfants d’Ismaël! Tirez, car votre ancêtre était un archer…” Sahih al-Bukhari 3507 Sahih al-Bukhari 3373
Rapporté d’Abu Huraira: …`Aisha avait une servante d’entre eux, et le Prophète lui a dit de bien la traiter car elle descendait d’Ismaël…” Sahih al-Bukhari 4366 Sahih al-Bukhari 2543
Rapporté d’Abu Huraira: Abraham n’a pas menti si ce n’est en trois occasions. Deux fois pour la cause d’Allah quand il dit, “Je suis malade,” et il dit, “(Je ne l’ai pas fait mais) la grande idole l’a fait.”… (Abu Hureira s’est ensuite adressé à son auditoire disant, “Elle (Hagar) était votre mère, O Bani Ma-is-Sama.” Sahih al-Bukhari 3358 Sahih al-Bukhari 5084 Sahih Muslim 2371
Wathila b. al-Asqa’ a rapporté: J’ai entendu le Messager d’Allah dire: Allah a donné la prééminence à Kinana parmi les descendants d’Isma’il, et il a donné la prééminence à Quraish parmi Kinana, et il a donné la prééminence aux Banu Hashim parmi les Quraish, et il m’a donné la prééminence parmi les Banu Hashim. Sahih Muslim 2276
Dans un récit de Tabaqat al Kabir, nous pouvons cependant lire que le Prophète a eut besoin d’une révélation pour connaitre sa généalogie:
Rapporté par Kulaib: J’ai entendu de Rabiba qui, je crois était Zainab… Je lui ai dit, ‘Dis moi à quelle tribu appartenait le Prophète; était-il de la tribu de Mudar?” Elle répondit, “Il appartenait à la tribu de Mudar et était de la descendance d’An-Nadr bin Kinana.” Sahih al-Bukhari 3492
Ma’n Ibn `Isa al-Ashja`i al-Qazzaz nous a informé; il dit: Mu’àwiyah Ibn Salih nous a informé sous l’autorité de Yahya Ibn Jabir qui avait rencontré quelques compagnons du Prophète; il dit: Les gens de Banu Fuhayrah sont venus voir le Prophète et lui ont dit: Tu es de nous. Il répondit: En réalité, Gabriel m’a informé que j’appartenais à Mudar. Tabaqat Ibn Saad, Volume 1, Parties 1.2.11
Ce dernier récit sur la nécessité d’une révélation à ce sujet peut sans doute s’expliquer par ce que les spécialistes des généalogies ont mis en lumière, un flou généalogique autour de la figure d’Adnan, et le mensonge des généalogistes.
Ibn Kathir explique les problèmes dans la généalogie au delà d’Adnan:
“Et c’est pourquoi Malik, qu’Allah le bénisse, n’a pas chercher à tracer une généalogie au delà d’Adnan…
Et concernant Malik, qu’Allah le bénisse, a exprimé sa désapprobation quand il lui a été demandé au sujet d’un homme traçant sa généalogie jusqu’à Adam et a dit: “D’où lui vient la connaissance de cela?” Quand il lui fut demandé sur le fait de la tracer jusqu’à Ismaël, il a exprimé similairement sa désapprobation, demandant, “Qui aurait pu fournir une telle information?” Malik désapprouvait également de tracer la généalogie des Prophètes, en disant par exemple, “Abraham fils d’un tel et d’un tel”. Al-Mu‘ayti l’a affirmé dans son livre.
Al-Suhayli a aussi commenté en disant que l’opinion de Malik était analogue à ce qui a été rapporté d’‘Urwa b. al-Zubayr dont il est rapporté qu’il a dit, “Nous n’avons trouvé personne qui connaisse la lignée entre ‘Adnan et Ismaël.”
Il est rapporté qu’Ibn Abbas a dit, “Entre Adnan et Ismaël il y avait 30 ancêtres qui sont inconnus.”
Ibn ‘Abbas est réputé avoir dit lorsqu’il traçait les lignées jusqu’à Adnan: “Les généalogistes ont menti. Deux fois ou trois.” Et ce (scepticisme) est encore plus caractéristique d’Ibn Mas’ud, dont (l’attitude) était celle d’Ibn Abbas.
‘Umar b. al-Khattab a dit, “Nous n’avons la généalogie que jusqu’à Adnan.”
Abu ‘Umar b. ‘Abd al-Barr a dit dans son livre Al-Anba’ fi Ma‘rifat Qaba’il al-Ruwah (Les faits concernant la connaissance des tribus et des transmetteurs) qu’Ibn Lahi‘a a rapporté d’Abu al-Aswad qu’il a entendu ‘Urwa b. al-Zubayr dire, “Nous n’avons jamais trouvé personne qui connaisse la généalogie au delà d’Adnan, ni au delà de Qahtan, en dehors de l’usage de conjecture.”
Abu al-Aswad a dit qu’il avait entendu Abu Bakr Sulayman b. Abu Khaytham, l’un des plus savants concernant la poésie et la généalogie de Quraysh, dire, “Nous n’avons jamais connu personne avec une information au delà de MA‘AD B. ‘ADNAN, que ce soit lié à la poésie ou toute autre connaissance.”
Abu ‘Umar a dit qu’il y avait un groupe des prédécesseurs, dont ‘Abd Allah b. Mas‘ud, ‘Amr b. Maymun al-Azdi, et Muhammad b. Ka‘b al-Quradhi qui, lorsqu’ils récitaient le verset du Coran “ceux qui vécurent après eux, et que seul Allah connaît” (surat Ibrahim, XIV, v. 9) commentaient, “Les généalogistes ont menti.”
Abu ‘Umar, qu’Allah ait pitié de lui, a dit, “… Mais concernant les lignées de descendance des Arabes, les savants versés dans l’histoire et la généalogie étaient au courant et ont appris par coeur sur le peuple et les tribus majeures, divergeant dans quelques détails.” Ibn Kathir, Al Sira Al Nabawiyya, volume 1, pages 50-52
Ibn Saad rapporte:
“Il (Ibn Sa’d) a dit: Hishám nous a informé; il a dit: Mon père m’a informé sur l’autorité d’Abu Sàlih, lui même sur l’autorité d’Ibn `Abbas; il a dit: Vraiment, le Prophète, à chaque fois qu’il rapportait sa généalogie, n’allait pas au delà de Ma`add Ibn ‘Adnan Ibn Udad, il restait ensuite silencieux et disait: Les rapporteurs de généalogie sont des menteurs, puisqu’Allah a dit: “et de nombreuses générations intermédiaires” (Al-Qur’an; 25:38) Ibn `Abbas dit: Le Prophète nous aurait informé de la généalogie si il l’avait voulu.
Il (Ibn Sa`d) a dit: `Ubayd Allah Ibn Musa al-`Absi nous a informé; il a dit; Isra’il nous a informé sur l’autorité d’Abu Ishàq, lui sur l’autorité d’ ‘Amr Ibn Maymun, lui sur l’autorité d’ `Abd Allah: Vraiment, il a récité “(Les tribus) des ˒Aad, des Ṯamūd et de ceux qui vécurent après eux, et que seul Allah connaît.” (Al-Qur’an; 14:9) Les généalogistes sont des menteurs…” Ibn Saad, KITAB AL-TABAQAT AL-KABIR 11. ACCOUNT OF THE GENEALOGY OF THE PROPHET OF ALLAH (MAY ALLAH BLESS HIM) AND THE NAMES OF HIS FOREFATHERS TO ADAM
Les généalogistes étant des menteurs, la fiabilité des généalogies rapportées dans la Sunna sont sujets à caution, comme l’écrit Christian Robin:
“Les généalogies arabes, telles que les traditionnistes les exposent, avec deux branches principales correspondant aux Arabes du Nord (‘Adnân) et du Sud (Qahtân), prennent leur forme définitive pendant le premier siècle de l’hégire. Elles sont souvent considérées comme fictives.” Christian Robin, Himyar et Israël
Dans le Coran, l’auditoire Arabe du Prophète est désigné comme Qureyshite (“À cause du pacte des Coraïch” S106:1). Cependant, ils ne sont jamais appelés enfants d’Ismaël ou d’Abraham. Ceci est étrange, vu le nombre de fois où le Coran désigne les israélites comme enfants d’Israël, pourquoi donc ne pas appeler les arabes “Enfants d’Ismaël” ? Pour Joseph, le Coran est clair: Et j’ai suivi la religion de mes ancêtres, Abraham, Isaac et Jacob. Sourate 12;38
Aucune ambiguïté possible ici. Pourquoi n’y a-t-il pas un tel verset au sujet du lien entre le Prophète et Ismaël? Si la plus importante prophétie au sujet du Prophète dans la Torah est la promesse à Ismaël, il est plus qu’étrange que cela ne soit pas clairement dit dans le Coran, et qu’aucun débat sur ce point là ne soit rapporté dans la Sunna avec les Juifs et les Chrétiens incrédules.
On pourrait néanmoins citer l’invocation d’Abraham et Ismaël qui aurait trouvé son accomplissement en Muhammad et sa Oumma, dans la Sourate 2:
Ô Enfants d’Israël, rappelez-vous Mon bienfait dont Je vous ai comblés et que Je vous ai favorisés par-dessus le reste du monde (de leur époque). Et redoutez le jour où nulle âme ne bénéficiera à une autre, où l’on n’acceptera d’elle aucune compensation, et où aucune intercession ne lui sera utile. Et ils ne seront point secourus. [Et rappelle-toi] quand ton Seigneur eut éprouvé Abraham par certains commandements, et qu’il les eut accomplis, le Seigneur lui dit: «Je vais faire de toi un exemple à suivre pour les gens». – «Et parmi ma descendance?» demanda-t-il. – «Mon engagement, dit Allah, ne s’applique pas aux injustes». [Et rappelle-toi], quand nous fîmes de la Maison un lieu de visite et un asile pour les gens – Adoptez donc pour lieu de prière, ce lieu où Abraham se tint debout – Et Nous confiâmes à Abraham et à Ismaël ceci: «Purifiez Ma Maison pour ceux qui tournent autour, y font retraite pieuse, s’y inclinent et s’y prosternent. Et quand Abraham supplia: «Ô mon Seigneur, fais de cette cité un lieu de sécurité, et fais attribution des fruits à ceux qui parmi ses habitants auront cru en Allah et au Jour dernier», le Seigneur dit: «Et quiconque n’y aura pas cru, alors Je lui concèderai une courte jouissance [ici-bas], puis Je le contraindrai au châtiment du Feu [dans l’au-delà]. Et quelle mauvaise destination!» Et quand Abraham et Ismaël élevaient les assises de la Maison: «Ô notre Seigneur, accepte ceci de notre part! Car c’est Toi l’Audient, l’Omniscient. Notre Seigneur! Fais de nous Tes Soumis, et de notre descendance une communauté soumise à Toi. Et montre nous nos rites et accepte de nous le repentir. Car c’est Toi certes l’Accueillant au repentir, le Miséricordieux. Notre Seigneur! Envoie l’un des leurs comme messager parmi eux, pour leur réciter Tes signes, leur enseigner le Livre et la Sagesse, et les purifier. Car c’est Toi certes le Puissant, le Sage! Qui donc aura en aversion la religion d’Abraham, sinon celui qui sème son âme dans la sottise? Car très certainement Nous l’avons choisi en ce monde; et, dans l’au-delà, il est certes du nombre des gens de bien. Quand son Seigneur lui avait dit: «Soumets-toi», il dit: «Je me soumets au Seigneur de l’Univers». Et c’est ce qu’Abraham recommanda à ses fils, de même que Jacob: «Ô mes fils, certes Allah vous a choisi la religion: ne mourrez point, donc, autrement qu’en Soumis!» (à Allah). Etiez-vous témoins quand la mort se présenta à Jacob et qu’il dit à ses fils: «Qu’adorerez-vous après moi?» – Ils répondirent: «Nous adorerons ta divinité et la divinité de tes pères, Abraham, Ismaël et Isaac, Divinité Unique et à laquelle nous sommes Soumis». Voilà une génération bel et bien révolue. A elle ce qu’elle a acquis, et à vous ce que vous avez acquis. On ne vous demandera pas compte de ce qu’ils faisaient. Ils ont dit: «Soyez Juifs ou Chrétiens, vous serez donc sur la bonne voie». – Dis: «Non, mais nous suivons la religion d’Abraham le modèle même de la droiture et qui ne fut point parmi les Associateurs».
Ce passage est toutefois très vague. En effet, le Coran ne dit pas explicitement en qui s’est accompli l’invocation d’Abraham et Ismaël de voir d’eux surgir une communauté soumise à Allah avec l’envoi d’un des leurs comme Messager. Les premiers mentionnés ensuite sont Jacob et ses fils. Il semble même que la dispute entre Musulmans et Juifs/Chrétiens soit liée à cela: les Juifs et Chrétiens revendiquaient la vérité par une filiation généalogique avec Abraham, et les musulmans leurs répondent par le lien de la Foi et de la pratique. Le passage ressemble à une polémique contre le lien charnel revendiqué par les Juifs/Chrétiens avec Abraham en opposition au lien de la Foi.
Quoiqu’il en soit, ce passage de la Sourate 2 ne permet pas d’affirmer catégoriquement une filiation entre le Prophète et Ismaël du point de vue Coranique. Et le Coran affirme clairement à contrario la filiation entre les Enfants d’Israël et Ismaël dans ce même passage:
Étiez-vous témoins quand la mort se présenta à Jacob et qu’il dit à ses fils: «Qu’adorerez-vous après moi?» – Ils répondirent: «Nous adorerons ta divinité et la divinité de tes pères, Abraham, Ismaël et Isaac. Sourate 2:133
De plus, si l’invocation d’Abraham et Ismaël désigne le Prophète et les Qureyshi, alors cela contredirait Sourate 36:5-6 qui affirme que les ancêtres des Qureysh n’ont jamais reçu personne pour les avertir, étant donné que leurs ancêtres ont reçu Abraham et Ismaël.
On pourra nous répondre qu’Abraham est appelé Père dans la sourate 22:
Et luttez pour Allah avec tout l’effort qu’Il mérite. C’est Lui qui vous a élus; et Il ne vous a imposé aucune gêne dans la religion, celle de votre père Abraham, lequel vous a déjà nommés «Musulmans» avant (ce Livre) et dans ce (Livre), afin que le Messager soit témoin contre vous, et que vous soyez vous-mêmes témoins contre les gens. Sourate 22:78
Cependant, ce verset évoque la Oumma des croyants toute entière, dont Abraham est le père spirituel, par la Foi. Ce qui le démontre est le verset précédent nous délimitant qui est concerné:
Ô vous qui croyez! Inclinez-vous, prosternez-vous, adorez votre Seigneur, et faites le bien. Peut-être réussirez vous! Sourate 22:77
Est désigné ici l’ensemble des croyants, qui n’étaient pas tous arabes (Bilal, Salman le Perse, etc)
Cf. Sahih al-Bukhari 4897, Jami` at-Tirmidhi 4312
Rapporté par Yazid bin ‘Umairah: “Quand la mort était sur Mu’adh bin Jabal, il lui a été dit… Et recherche la connaissance de quatre hommes: ‘Uwaimir Abu Ad-Darda, avec Salman Al-Farisi, avec ‘Abdullah bin Mas’ud, et avec ‘Abdullah bin Salam qui était un Juif et qui ensuite a accepté l’Islam. Car j’ai entendu le Messager d’Allah dire, “En effet, il est le dixième des dix au Paradis.” Jami` at-Tirmidhi 4174
Cela rejoint la déclaration de Jésus aux pharisiens : Ils lui répondirent : Notre père, c’est Abraham. Jésus leur dit : Si vous étiez enfants d’Abraham, vous feriez les œuvres d’Abraham. Jean 8 :39
Celle de Jean le Baptiste : Et ne prétendez pas dire en vous-mêmes : Nous avons Abraham pour père! Car je vous déclare que de ces pierres-ci Dieu peut susciter des enfants à Abraham. Matthieu 3 :9
Paul l’avait aussi expliqué : Reconnaissez donc que ce sont ceux qui ont la foi qui sont fils d’Abraham. Galates 3 :9
Sur ce point le Coran semble donc être dans la continuité : Ô gens du Livre, pourquoi disputez-vous au sujet d’Abraham, alors que la Thora et l’Évangile ne sont descendus qu’après lui ? Ne raisonnez-vous donc pas ? (23) 66. Vous avez bel et bien disputé à propos d’une chose dont vous avez connaissance. Mais pourquoi disputez-vous des choses dont vous n’avez pas connaissance ? Or Allah sait, tandis que vous ne savez pas. 67. Abraham n’était ni Juif ni Chrétien. Il était entièrement soumis à Allah (Musulman). Et il n’était point du nombre des Associateurs (24). 68. Certes les hommes les plus dignes de se réclamer d’Abraham, sont ceux qui l’ont suivi, ainsi que ce Prophète-ci, et ceux qui ont la foi. Et Allah est l’allié des croyants. Sourate 3 :65-68
Les croyants sont ceux qui suivent les pas d’Abraham, ceux qui ont sa Foi et sa pratique, pas ceux revendiquant une lignée généalogique. Le Coran semble continuer l’argumentation de Jésus, Jean le Baptiste et de Paul. Aucune parenté charnelle n’est revendiquée entre Abraham et le Prophète et les croyants.
De plus, l’appellation d’Abraham comme père des croyants est consistante avec l’appellation des femmes du Prophète comme Mères des Croyants : Le Prophète a plus de droit sur les croyants qu’ils n’en ont sur eux-mêmes ; et ses épouses sont leurs mères. Sourate 33 : 6
III. Les arabes et Ismaël dans les sources extra-bibliques et extra-islamiques
Il est intéressant de consulter ce que des sources extra-islamiques peuvent nous dire sur l’origine de cette croyance en un lien entre les Arabes et Ismaël, et comment les Arabes l’ont acquise. Un document l’évoquant est le Pseudo-Sebeos:
“[Les Juifs] reconnaissant qu’ils ne pouvaient pas résister dans la lutte, firent des propositions de paix à [l’empereur], ouvrirent les portes de la ville et vinrent se présenter devant lui. Il leur ordonna de se retirer et de rester chacun chez soi; et ils se mirent en route. Ils prirent le chemin du désert et arrivèrent en Arabie, chez les enfants d’Ismaël; ils les appelèrent à leur secours et leur firent savoir qu’ils étaient parents, d’après la Bible. Bien que ceux-ci crussent volontiers à cette parenté rapprochée, [les Juifs] ne purent cependant pas convaincre toute la masse du peuple, parce que leurs cultes étaient différents.” HISTOIRE D’HÉRACLIUS PAR L’ÉVÊQUE SÉBÉOS
Si l’on en croit le pseudo-Sébéos, les Juifs ont apprit aux arabes qu’ils étaient parents selon la Bible, ce que certains ont volontiers accepté, et d’autres non. Face à ce texte, de nombreuses personnes remettent en cause sa fiabilité car écrit par un Chrétien après le triomphe Islamique. Cependant, une partie de ce qu’il écrit est confirmée dans une source antérieure. Ce qui est généralement accepté, est que le lien entre Ismaël et les Arabes était une notion Juive remontant à la période hellénistique puis Chrétienne, qui semble avoir été ensuite transmise aux Arabes eux-mêmes. Nous allons donc citer un certain nombre de références sur ce sujet:
“11 Et il donna des présents à Ishmaël et à ses fils et aux fils de Keturah et les éloigna de son fils Isaac et il donna toute chose à Isaac son fils. 12 Et Ishmaël et ses fils et les fils de Keturah et leurs fils partirent ensemble et habitèrent de Paran jusqu’à l’entrée de Babylone sur toute la terre qui est vers l’EST face au désert. Et eux se mélangèrent l’un et l’autre et leur nom fut appelé arabes et ismaélites.” Livre des Jubilés 20:11-12
“De là vient la coutume pour les Hébreux de pratiquer la circoncision après huit jours ; les Arabes attendent la treizième année, car Ismaël leur ancêtre, qui naquit d’Abram par la concubine, fut circoncis à cet âge : je vais présenter à son sujet les détails les plus précis… Quand son enfant eut atteint l’âge d’homme, elle lui fit prendre une femme de cette race égyptienne dont elle était elle-même originaire : Ismaël eut de cette femme en tout douze fils : Nabaïôth(ès), Kédar(os), Abdéel(os)[221], Massam(as)[222], Idoum(as)[223], Masmas(os)[224], Massès[225], Chodad(os)[226], Théman(os), Jétour(os), Naphais(os), Kedmas(os)[227]. Ceux-ci occupent tout le pays qui s’étend depuis l’Euphrate jusqu’à la mer Erythrée et qu’ils appelèrent Nabatène. Ce sont eux dont les tribus de la nation arabe ont reçu les noms en l’honneur de leurs vertus et en considération d’Abram.” Flavius Josèphe, Antiquités Juives, 1.214
“3[18]. [32] Joudas[19], qui était également fils de Jacob, vit alors passer des Arabes de la race des Ismaélites, qui portaient, des parfums et des marchandises syriennes de la Galadène aux Égyptiens ; après le départ de Roubel, il conseille à ses frères de faire remonter Joseph pour le vendre aux Arabes…” Flavius Josèphe, Antiquités Juives, 2.18
Sozomène (375-vers 450) née dans la bande de Gaza actuelle, écrit au sujet des Sarrazins dans son Histoire de l’Eglise:
“C’est la tribu qui a pris ses origines et a son nom d’Ismaël, le fils d’Abraham; et les anciens les appelaient Ismaélites, de leur progéniteur. Comme leur mère Hagar était une servante, ils ont ensuite cacher l’opprobre de leur origine, et pris le nom de Sarrazins, comme s’ils descendaient de Sarah, la femme d’Abraham. Ainsi étant leur origine, ils pratiquent la circoncision comme les Juifs, s’abstiennent de manger du porc, et pratiquent beaucoup d’autres rites et coutumes Judaïques. Si, en effet, ils dévient dans quoi que ce soit en termes de pratiques par rapport à cette nation (Juive), cela est du à l’effet du temps, et de leur mélange avec les nations voisines, Moise, qui vivait des siècles après Abraham, n’ayant légiféré que pour ceux qu’il a mené hors d’Egypte. Les habitants des nations voisines, étant fortement attachées aux superstitions, ont probablement corrompu très tôt les lois imposées sur elles par leur ancêtre Ismaël. Les anciens Hébreux avaient leur vie communautaire régie uniquement par la Loi, utilisant donc des coutumes non écrites avant la législation mosaïque. Ces peuples ont certainement servi les mêmes dieux que les nations voisines, les honorant et les nommant de façon similaires… Comme il est habituel, sous l’effet du temps, leurs anciennes coutumes sont tombées dans l’oublie, et d’autres pratiques ont graduellement pris le dessus parmi eux. Quelques uns de leur tribu, entrant ensuite en contact avec les Juifs, ont apprit d’eux les faits sur leur véritable origine, retournant vers les leurs, et penchant vers les lois et coutumes Juives. Depuis de temps, beaucoup parmi eux vivent selon les préceptes Judaïques.” Histoire de l’Église, Livre 6, Chapitre 38
En plus de l’affiliation des arabes à Ismaël, Sozomène explique que les arabes ignoraient leur véritable origine, et qu’ils l’ont apprise par les Juifs lorsqu’ils sont entrés en contact avec eux. Ce qui est plus ou moins le même point de vu que celui du Pseudo Sébéos. À la page 170 de son ouvrage Byzantium and the Arabs in the Fifth century, Irfan Shahîd explique que Sozomène est considéré comme “très fiable” lorsqu’il s’agit de l’histoire contemporaine, et que sa connaissance des Arabes provient “d’observations personnelles”, ce que Sozomène dit lui même, “Je l’ai appris des arabes eux mêmes”. La fiabilité de ce que rapporte Sozomène est renforcée par l’archéologie :
“Une stèle funéraire en Nabatéen du IVe siècle montre que l’aristocratie de Hégra incline au Judaisme (Ch. J. Robin, “Le Judaisme de Himyar”, Arabia 1 (2003), p. 97-172, p. 152) Les juifs d’Arabie dans la littérature Rabbinique, pages 461-462
Gabriel Said Reynolds, dans son ouvrage The Emergence of Islam: Classical Traditions in Contemporary Perspective, écrit:
“Si la présentation par Sébéos des conquêtes Islamiques apparaît légendaire, cela peut tout de même nous apprendre quelque chose sur l’émergence de l’Islam.
A ce sujet, nous devons noter que l’association entre les Arabes et Ismaël n’est pas ancienne. Comme mentionné dans l’introduction de la première partie de ce présent ouvrage, l’idée même des Arabes comme un seule peuple, et unifié, semble s’être développée graduellement au fil du temps. Les sources Juives, Chrétiennes et Zoroastriennes se réfèrent généralement à des tribus arabes particulières, mais pas à un unique peuple Arabe. Mais à un certain moment, Juifs et Chrétiens du Moyen-Orient ont commencé à associer tous les nomades arabophones avec Ismaël, le fils du désert. Ils ont compris Genèse 35:27 où des nomades Ismaélites prennent Joseph en Égypte, comme une référence à ces nomades.
Finalement, l’idée a émergée que toutes les tribus arabophones étaient les descendants de ces Ismaélites. La date d’émergence de cette idée est difficile à dater, mais il est tentant de la lier avec Imru al Qays, dont l’inscription funéraire (datée de l’an 328) le décrit comme “Roi de tous les Arabes”….
Il semble raisonnable de penser qu’au cours des quatrième et cinquième siècles, les arabophones ont commencé à adopter l’identification d’Ismaélites que leurs attribuaient les Chrétiens.” The Emergence of Islam: Classical Traditions in Contemporary Perspective Par Gabriel Said Reynolds, The Arabs as Heirs of Abraham
Le lien entre les arabes et Ismaël est fermement établi dans les littératures rabbiniques et chrétiennes des premiers temps de notre ère. Cf à ce sujet Byzantium and the Arabs in the Fifth Century d’Irfan Shahîd page 155, Ishmael on the Border: Rabbinic Portrayals of the First Arab de Carol Bakhos.
Cependant, il est important de savoir quels Arabes et quelle Arabie? L’universitaire et spécialiste José Costa rapporte:
“H.Z. Hirshberg, Yisra’el ba-Arab, Tel Aviv, 1946, p. 29-49, tout particulièrement les p. 40-42. J. Resto (The Arabs in Antiquity. Their history from the Assyrians to the Umayyads, Londres-New York, 2003, p. 526-535) constate que dans les sources Rabbiniques les plus anciennes, on considère comme arabe la région qui s’étend au sud ou au sud-ouest de la Palestine (Les Nabatéens sont plutôt situés à l’est)…”Les juifs d’Arabie dans la littérature Rabbinique, page 461
Nous apprenons donc qu’originellement, les régions considérées comme Arabes étaient situées aux alentours du Négev, c’est à dire le berceau des Ismaélites Bibliques.
Cependant, nous pouvons lire dans le Targum Onkelos sur la Genèse 16:14 et 20:1:
Elle a donc nommé le puit. Le puit où est apparu l’Ange de l’Alliance: Voici, c’est entre Reqam et Hagra. Targum Onkelos Gen 16:14
Et Abraham a migré depuis là jusqu’au sud de la terre, et a habité entre Reqam et Hagra. Targum Onkelos Gen 20:1
Or, José Costa explique que, “la localité de Qadesh, par exemple, devient Reqam, c’est à dire Pétra.”, et que “Le Talmud (T.B; Gittin 4a) évoque une Hagra, limitrophe de la terre d’Israël.”
Il est notoire que Pétra était la capitale du Royaume Nabatéen, nous pouvons donc en déduire qu’à un stade primitif, les Juifs considéraient comme Ismaélites, les régions du Négev puis Nabatéennes. En effet, Flavius Josèphe et le Livre des Jubilés sont antérieurs aux premières sources Rabbiniques. Si ces dernières sont plus ambivalentes et ambiguës géographiquement, elles représentent une évolution ultérieure. Un élargissement de l’appellation Arabe et Ismaélite est évident, se basant sans doute sur une convergence de facteurs (culturels, typologiques, sociaux, etc.). Comme l’écrit José Costa:
De manière plus générale, les targumim “actualisent” les noms de lieu biblique, en les déplaçant dans l’espace: les errances d’Abraham, Hagar et Ismaël sont désormais placées dans le nord-ouest de l’Arabie.
Une telle évolution de la vision Juive sur qui est Ismaélite rend peu fiable le témoignage Rabbinique à partir du 2ème siècle d’un point de vue historique, et donc également l’identification Chrétienne, sur qui est Ismaélite.
Cet état de faits pose de nombreux problèmes pour l’argumentaire Islamique sur la promesse à Ismaël. En effet, ils sont dans l’obligation de prouver que Mohammed était ismaélite:
“Je n’ai surement pas besoin de faire ces rappels mais comme vous le savez tous, Jésus-Christ est descendant d’Abraham à travers Isaac, de même que Muhammad est un descendant pure d’Abraham à travers son fils Ismaël. Personne d’ailleurs parmi les Arabes n’a mis en doute cette affiliation du Prophète à Ismaël. [6]
[6] « Les Arabes épiaient pour l’Islâm, le cas de Quraysh et le cas de l’Envoyé de Dieu, car Quraysh était le guide des hommes, les gens de la Maison Sacrée, la postérité pure d’Ismaël fils d’Abraham et les chefs des Arabes – ils ne mettaient pas cela en doute.» Ibn Ishâq, Muhammad, tome II, 484” Le Prophète Muhammad est-il prophétisé dans la Bible ?
Pour prouver cela, ils utilisent donc une parole de Ibn Ishaq. Il convient tout d’abord de noter une certaine hypocrisie de l’auteur, qui ici se sert de ce dernier comme preuve, tandis que dans un autre article il le qualifie de menteur:
“Ibn Ishaq : Il est l’un des biographes les plus connus du Prophète Muhammad (sws), connu parce qu’il est très ancien (né en 85 de l’hégire et mort en 151). Ibn Ishâq ne fait pas l’unanimité parmi les spécialistes du hadîths, certains l’encensent et d’autres l’accusent de tous les maux. Par exemple, selon le grand Imam Malik (raa), Ibn Ishâq rapporterait ses histoires des juifs qui lui racontaient le déroulement des campagnes ou des guerres. C’est pour cette raison que l’Imam Malik (raa) le traita de “menteur” et “d’imposteur” (Cf “‘Uyun al-athar, I, 16-7”). Mais il n’est pas le seul, An-Nasa’ï, Yahya ibn Ma’in et Ad-Daraqoutni (raa), en dirent de même, spécifiant qu’il était loin d’être une autorité en matière de hadith et qu’il était faible dedans. Adh-Dhahabi, Yahya ibn Sa’id al-Ansari et al-A’mash (raa) l’ont réfuté sur un point en disant qu’il avait menti…
Tous ces auteurs n’ont pas pris soin de transmettre des choses sures sur la vie du Prophète (sws) qui pourtant sont importantes pour un musulman. Certains ont été qualifié de “menteur” ce qui est grave. Cette petite étude se termine et permet de répondre aux islamophobes qui utilisent de manière malsaine ces livres de biographie Prophètique et d’expéditions militaires en se servant des histoires fausses pour discréditer le Prophète (sws).” Quelle crédibilité donner aux sources que les islamophobes emploient contre le Prophète (sws) ?
Ensuite, puisque la vision Juive de qui est Ismaélite a évolué au fil du temps, et qu’originellement, étaient considérés comme tels les habitants des régions du Négev et de la Nabatée, comment pouvons nous nous fier à la conception Juive des siècles ultérieurs, jugeant Ismaélites la totalité de ceux considérés comme Arabes, et donc les habitants de la région du Hijaz et les Qureyshites? La prise en compte de cette évolution est totalement légitime, puisque Karim al Hanifi, pour disqualifier le témoignage Rabbinique sur l’idolâtrie d’Ismaël a répondu:
Outre que ces histoires sont tardives car il faut reprendre les données sur Ismaël qui apparaissent avant…il y a un excellent livre écrit par une savante occidental sur la question qui a montré l’évolution de la pensée juive sur Ismaël… Karim al-Hanifi 2017 : “L’image de Jésus dans les 3 religions”
Si l’évolution de la pensée Juive sur Ismaël invalide certains témoignages Rabbiniques, et s’il faut reprendre les données apparaissant avant, cela s’applique également sur qui est Ismaélite. Or, en appliquant cela, l’origine Ismaélite de Mohammed n’est plus du tout avérée, et ne relève au mieux que de la conjecture apologétique et tardive.
Pour comprendre cette problématique, nous pouvons la comparer au cas d’Edom. Edom tire son nom d’Esau, frère de Jacob, et désigne historiquement une région précise: Voici la postérité d’Esaü, qui est Edom. Genèse 36:1
L’encyclopédie Juive explique: “EDOM (Heb. אֱדוֹם), une terre au sud de l’est de la Transjordanie, le voisin sud-est de la Palestine…
Il apparait que le territoire Edomite consistait de la montagne qui s’étendait de la Mer Morte au nord, jusqu’à la Mer Rouge au sud. La frontière nord-est d’Edom était la rivière Zered (Wadi al-Hesa), qui était aussi la frontière sud de Moab (Deut. 2:13).” Encyclopedia Judaica: Edom
Le territoire d’Edom finit au fil du temps et des circonstances par être appelé Idumée: “… La zone au sud du territoire de Judah finit par être appelé Edom/Idumée…
Un changement décisif dans les relations entre les deux nations eut lieu dans les jours de Jean Hyrcanus. Hyrcanus conquit toute l’Idumée et procéda à la conversion forcée de ses habitants au Judaïsme (Jos., Ant., 13:257ff.). Ainsi, les Iduméens devinrent une partie du peuple Juif, l’Idumée devenant un des districts administratifs de l’Etat Hasmonéen…” Encyclopedia Judaica: Edom, In Second Temple Times
Les Edomites/Iduméens ont donc fini par faire parti du peuple Juif. Ils ont même participé activement à la défense du Temple de Jérusalem contre les Romains:
“Quand arriva la Pentecôte – les Juifs appellent ainsi une fête qui survient sept semaines après Pâque et qui tire son nom de ce nombre de jours – le peuple s’assembla non pour célébrer la solennité habituelle, mais pour donner vent à sa colère. Une innombrable multitude afflua de la Galilée, de l’Idumée, de Jéricho, de la Pérée située au delà du Jourdain, mais c’étaient surtout les indigènes de Judée qui se distinguaient par le nombre et l’ardeur. Après s’être divisés en trois corps, les Juifs établirent autant de camps, l’un du côté nord du Temple, l’autre au midi, dans le voisinage de l’hippodrome, le troisième près du palais royal, au couchant. Investissant ainsi les Romains de toutes parts, ils les assiégèrent….
En Idumée, deux mille anciens soldats d’Hérode prirent les armes et combattirent les troupes royales que commandait Achab, cousin du roi. Celui-ci d’ailleurs se replia sur les places les plus fortes, évitant soigneusement de s’engager en rase campagne. A Sepphoris de Galilée, Judas, fils de cet Ezéchias qui jadis avait infesté le pays à la tête d’une troupe de brigands et que le roi Hérode avait capturé, réunit une multitude considérable, saccagea les arsenaux royaux, et, après avoir armé ses compagnons, attaqua ceux qui lui disputaient le pouvoir…” FLAVIUS JOSÈPHE Guerre des juifs. Livre II
Pourtant, malgré ces faits historiques incontestables, les Juifs (dont une partie étaient eux mêmes les véritables Iduméens/Edomites) ont finit par considéré que Rome était Edom:
“La voix est celle de Jacob, et les mains sont celles d’Esau: ‘la voix’ se réfère ici [au cri causé par] l’Empereur Hadrien qui a tué à Alexandrie en Egypte soixante myriades sur soixante myriades, deux fois plus que ceux venus d’Egypte. ‘La voix de Jacob’: C’est le cri causé par l’Empereur Vespasien qui a tué dans la ville de Bethar quatre cent milles myriades, ou comme le disent certains, quatre milles myriades. ‘Les mains sont les mains d’Esau:’ c’est le gouvernement de Rome qui a détruit notre Maison et brûlé notre Temple et nous a expulsé de notre terre.” Gittin 57 b
“Mais est-ce vraiment le cas? Un message n’a-t-il pas été envoyé une fois à Raba: ‘Une paire [de savants] est arrivée de Rakkath qui avait été capturée par un aigle 12 en possession d’articles manufacturés à Luz, comme les tzitzits, et pourtant par la miséricorde Divine et leurs propres mérites ils en ont réchappé sains et saufs. De plus, la descendance de Nahshon souhaitait établir un Nezib, mais yon Edomite 16 ne l’aurait pas permis.
12. [H] aquila, l’aigle comme le principal symbole des légions Romaines, donc, Romain.
16. Nom principal donné à Esau (Cf. Gen. XXV, 30; XXXVI, 1). [H] (Edom) est utilisé par les Talmudistes pour l’Empire Romain, et ils ont appliqué à Rome chaque passage de la Bible évoquant Edom ou Esau…” Sanhédrin 12 a
Mireille Hadas-Lebel, spécialiste reconnu du rapport entre Juifs et Romains explique:
“Alors que les Juifs s’opposent à la puissance Romaine, apparaît l’idée qu’Israël et Rome sont frères car issus de Jacob et d’Esau. Telle est l’origine du surnom le plus courant de Rome (Esau-Edom), laquelle est appelée aussi dans les sources rabbiniques “l’Empire scélérat”. L’exégèse des chapitres 25-27 de la Genèse subit le contrecoup de l’identification d’Esau avec Rome.” Jacob et Esaü ou Israël et Rome dans le Talmud et le Midrash par Mireille Hadas-Lebel
C’est ainsi que pour le Rambam, “Les descendants d’Esau, sont devenus les suiveurs de Jésus. Ils ont migré vers une terre appelée Edom, proche de l’Italie, et y ont été initialement persécutés. Leur religion a fini par être embrassée par les Romains, qui étaient originellement descendants de Yavan (Italie shel Yavan). Ainsi, les deux peuples ont fusionnés et Edom et Rome sont devenus un.” Esav & Yishma’el today
Ce qu’écrit le Rambam est un pure délire sur le plan historique. Et c’est sur ce type de délires que prétend s’appuyer l’apologétique Islamique pour identifier Mohammed à Ismaël.
Il est donc impossible de prendre l’identification Rabbinique tardive d’une population à un Patriarche comme une réalité automatiquement scientifique, biologique ou historique, mais il faut le voir comme étant avant tout une identification typologique, théologique et politique.
Au cours de ce chapitre, nous avons brièvement évoqué les Nabatéens, nous allons maintenant nous pencher sur leur civilisation, afin de répondre à la demande de Karim al Hanifi concernant la promesse à Ismaël, “Et il va falloir nous dire où est ce que historiquement et bibliquement, elle se réalise.” Débat inter-religieux : “La légitimité de l’Islam”, 45:40-48
IV. Une grande nation Ismaélite avant l’Islam : les Nabatéens
Dans le premier Chapitre, nous avons mentionné différentes grandes nations au sein des textes bibliques. Les différentes caractéristiques de ces grandes nations nous servirons de base pour ce présent chapitre.
Avant l’Islam, le Royaume Nabatéen est sorti du lot. Chrystian Boyer explique: “À l’origine les Nabatéens étaient des nomades d’Arabie dont l’économie reposait principalement sur le pillage de caravanes. À partir du IVe siècle avant notre ère, ils ont exercé progressivement le contrôle sur les routes commerciales où passaient les caravanes, et c’est ainsi que leur territoire s’est étendu. Le royaume qu’ils ont fini par constituer consistait en une sorte de « zone d’influence ».
Le réseau de routes caravanières contrôlé par les Nabatéens pouvait faire circuler encens, myrrhe, bois précieux, épices et aromates d’un bout à l’autre du Proche-Orient : de Damas (en Syrie), à Alexandrie (en Égypte), en passant par Gaza (en Palestine) et le Sinaï. Le site de Pétra, situé à l’intersection de routes commerciales importantes, était une forteresse naturelle. C’est là que les Nabatéens ont établit leur capitale au Ier siècle avant notre ère. Même si la plupart des monuments qu’on y a retrouvés à ce jour sont des tombes, Pétra n’était pas simplement une nécropole, mais une réelle cité, comportant des bâtiments publics, des marchés et un système d’aqueducs.
Les Nabatéens étaient polythéistes et ils ont emprunté plusieurs divinités aux régions voisines et aux religions gréco-romaines. Leur dieu principal, assimilé à Zeus, se nommait Dushârâ (« celui qui vient de Shârâ », nom de la montagne qui domine Pétra). Les Nabatéens divinisaient aussi leurs rois. Pour honorer leurs dieux, ils leur offraient des sacrifices d’animaux, suivis d’un banquet rituel. Plusieurs temples ont été retrouvés à Pétra. Un des plus gros monuments de Pétra est d’ailleurs un monument cultuel. C’était vraisemblablement un lieu de pèlerinage, bien que sa fonction précise soit incertaine. Les Arabes de la région ont nommé ce gros monument el Deir, « le Monastère », en raison de l’utilisation qu’en ont fait les chrétiens à partir du VIe siècle…
L’âge d’or de Pétra correspond en gros à l’époque au cours de laquelle a vécu Jésus de Nazareth, soit au temps du roi nabatéen Arétas IV, qui régna de l’an 9 avant notre ère jusqu’en l’an 40. Ce roi était un grand bâtisseur, comme beaucoup de monuments de Pétra le démontrent, et en bon politicien il créait des liens diplomatiques avec les souverains des régions voisines…” http://www.interbible.org/interBible/caravane/voyage/2006/voy_060526.htm
François Villeneuve Professeur d’archéologie de la Méditerranée et du Proche-Orient hellénistiques et romains à l’université de Paris I écrit: La fascination qu’exercent les Nabatéens est due au fait qu’ils ont laissé des traces matérielles importantes, parfois explicites, comme leurs monnaies et leurs inscriptions, et presque toujours spectaculaires. Il s’agit avant tout, bien sûr, de Pétra, de nos jours en Jordanie…
L’image que nous avons des Nabatéens est désormais assez précise et leur destin apparaît bien particulier : des origines arabes obscures ; puis un petit royaume établi aux marges des États hellénistiques ; puis un important royaume-client en lisière du monde romain à la fin de la République romaine et sous les empereurs Julio-Claudiens et Flaviens ; ensuite, un peuple intégré dans l’Empire romain sans y perdre sa civilisation propre ; enfin, aujourd’hui, une référence importante dans le monde arabe pour les origines de l’arabité. Ce dernier point est parfaitement justifié. En effet, l’inscription datant du IVe siècle ap. J.-C. découverte à Nemara, dans le désert de Syrie, et exposée aujourd’hui au Département des antiquités orientales du Louvre, est à la fois l’un des textes les plus tardifs en écriture nabatéenne ou araméenne, et l‘un des plus anciens en langue arabe. C’est ainsi que des savants de plus en plus nombreux pensent que l’écriture nabatéenne a donné naissance, par évolution de la graphie, à l’écriture arabe. Et les fameux papyrus découverts à Pétra en 1993 dans la grande église du VIe siècle montrent que, si les Nabatéens de l’époque byzantine utilisaient le grec pour rédiger leurs archives, ils parlaient l’arabe, puisque les noms de lieu contenus dans ces archives sont des noms arabes…
Vers 312 av. J.-C., ils sont toujours nomades, mais déjà fort riches. Diodore de Sicile explique qu’à cette date Antigone le Borgne, un des successeurs d’Alexandre, et ses lieutenants, tentent trois opérations militaires pour s’emparer, à Pétra, des richesses des Nabatéens. Il explique cette richesse : si les Nabatéens sont de purs nomades, ils excellent dans les techniques qui permettent de trouver, stocker et cacher l’eau dans le désert ; ils pratiquent le brigandage avec brio ; ils collectent l’asphalte à la surface de la mer Morte pour le revendre ; et surtout ils maîtrisent, grâce à leurs caravanes, le commerce des « aromates » de « l’Arabie Heureuse ». Leurs trésors, ils les stockent sur une « roche » – Pétra. Les trois expéditions d’Antigone sont des échecs retentissants : la « Roche » des Nabatéens, sans doute la butte d’Umm al-Biyârah à Pétra, apparaît imprenable. Cet échec va dissuader les rois hellénistiques de continuer à s’attaquer aux Nabatéens : ceux-ci, indépendants, peuvent peu à peu construire un État, qui va prospérer pendant les siècles suivants aux confins du royaume lagide d’Égypte, du royaume séleucide de Syrie et du désert.
Aux IIIe et IIe siècles av. J.-C., cet État se bâtit et sort peu à peu de l’ombre. Pétra se construit peu à peu et les Nabatéens poussent leurs incursions de plus en plus loin vers le nord, jusque dans la région de Bosra en Syrie. Ils ne tardent pas à se heurter à l’expansion des juifs de Judée conduite par les princes hasmonéens. Au IIe siècle un régime monarchique apparaît constitué à Pétra, avec des rois qui ont pour nom Arétas, Malikou, Obodas, Rabbel, et des reines qui jouent un rôle très important. Dès le début du Ier siècle, ces rois battent monnaies. À ce même moment, les royaumes hellénistiques sont en crise générale, pratiquement démembrés par des querelles intestines, et le royaume nabatéen, comme le royaume hasmonéen, atteint sa plus grande marge de manœuvre, en particulier sous le roi Arétas III.
Dans les années 66 à 63, Pompée et les armées romaines conquièrent le Proche-Orient, et une province romaine de Syrie est créée. Comme les conquérants macédoniens deux cent cinquante ans plus tôt, les lieutenants de Pompée s’intéressent de fort près à la richesse des Nabatéens : l’un d’eux, Scaurus, s’empare de Pétra en 58. Mais il s’agit de faire du butin, d’imposer un tribut, et de réduire les Nabatéens en royaume-client de Rome, non pas de l’annexer. De fait, le royaume nabatéen va subsister pour plus d’un siècle et demi encore et prospérer de plus belle, profitant pour son commerce de l’unification du marché méditerranéen sous tutelle romaine.
Ainsi, de l’époque de Pompée à celle de Trajan, Pétra et les Nabatéens connaissent leur apogée. C’est l’époque où sont taillés dans le roc, ou bâtis en pierre, la plus grande partie des monuments de Pétra et de la région ; c’est l’époque des grands rois que sont Arétas IV, au très long règne (8 av. J.-C.- 40 ap. J.-C.), Malikou II et le dernier souverain Rabbel II (70-106 ap. J.-C.). De leurs relations compliquées avec leurs voisins juifs sous la royauté d’Hérode et de ses successeurs, relations faites d’alliances matrimoniales – Hérode est le fils d’une princesse nabatéenne –, de liens financiers et de guerres incessantes, les Nabatéens se tirent plutôt à leur avantage, une fois passé le règne brillant d’Hérode lui-même…
Mais, partant de ce centre, l’emprise des Nabatéens, politique et militaire d’une part, culturelle d’autre part, s’étendit de façon considérable, jusqu’à atteindre, dans la première moitié du Ier siècle av. J.-C., des limites considérables.
Au nord, cette emprise atteint la ville de Damas, incluse, prise en 83 av. J.-C. par le roi nabatéen Arétas III, qui l’arracha au roi séleucide Antiochos XII et la conserva quelques années. Ensuite, la frontière nord fut ramenée un peu au nord de Bosra, mais les Nabatéens gardèrent sûrement une présence et une influence à Damas. En témoigne, encore à la fin des années trente ap. J.-C., l’épisode de la fuite de l’apôtre Paul hors de Damas : « À Damas, l’ethnarque du roi Arétas [IV] faisait garder la ville pour m’arrêter. Mais, par une fenêtre, on me fit descendre dans une corbeille le long de la muraille et j’échappai à ses mains » (II Corinthiens, 11, 32). Cet « ethnarque » était le chef de la communauté nabatéenne de Damas, où il était visiblement puissant. Son hostilité à Paul pourrait s’expliquer par une tentative, très mal connue, faite par l’apôtre, peu de temps auparavant, pour évangéliser le grand voisin de la Judée, la Nabatène, tentative fort mal reçue par le roi Arétas.
À l’est, dans la steppe subdésertique du Hamad et du Harra, les frontières étaient naturellement floues, mais les postes nabatéens s’avançaient loin dans le désert, particulièrement loin le long des wadis – itinéraires caravaniers naturels – où les Nabatéens imposaient ponctuellement leur autorité aux pasteurs nomades de cette époque, lesquels nous ont laissé des milliers d’inscriptions en langues safaïtique et thamoudéenne.
Au sud, le pouvoir nabatéen étendait son emprise jusque dans le nord du Hejaz, à coup sûr jusqu’à Hégra, mais peut-être pas plus loin, car Al-‘Ula, l’antique Dedan, ne semble pas avoir jamais été nabatéenne. Ici, les choses ne sont cependant pas assurées car il n’est pas exclu que les Nabatéens aient sécurisé, par des postes militaires plus méridionaux, leurs pistes caravanières vitales en direction de Najran puis du royaume de Qataban, dans l’actuel Yémen. De plus, la localisation du principal port nabatéen en mer Rouge, sur la côte de l’Arabie, Leukè Kômè, ou « Port Blanc », en grec, reste jusqu’à maintenant un sujet d’interrogations.
À l’ouest, le territoire nabatéen englobait la totalité du Negev, limitrophe de l’Idumée juive au nord, maîtrisa parfois Gaza, et dominait tout le Sinaï. Au Sinaï, montagneux et désertique dans sa plus grande partie, la présence nabatéenne était surtout active dans le nord, avec des haltes caravanières sur les pistes vers l’Égypte, comme Qasr Gheit, et le port de Rhinocolure (aujourd’hui Al-Arish) sur la Méditerranée. La frontière avec l’Égypte des Ptolémées se situait un peu à l’est du grand port de Péluse.
Au nord-ouest enfin, dans des contrées nettement plus peuplées, les frontières étaient plus nettes, plus disputées aussi, avec les territoires juifs et avec ceux de quelques cités qui se considéraient grecques. Si la mer Morte a durablement formé une frontière commode et rarement contestée avec la Judée, en revanche, plus au nord, la possession des bonnes terres bien arrosées du nord-ouest transjordanien et du Golan fut une pomme de discorde constante. Madaba fut toujours nabatéenne, Philadelphia (Amman) le fut parfois, Gerasa (Jerash) presque jamais et, dans le Golan, les conflits furent particulièrement fréquents avec les juifs sous Hérode le Grand et ses successeurs. Il est clair en tout cas que dans ces secteurs les Nabatéens ne faisaient guère, quand ils le pouvaient, qu’imposer leur domination à des villes et des villages de population non nabatéenne. Il est clair également que les Nabatéens ne parvinrent jamais à tenir durablement ces beaux districts aux abords orientaux du lac de Tibériade.
Ce vaste territoire était très disparate en termes de ressources et de population. Parmi d’immenses zones de steppes et de déserts parcourues par les pasteurs et les chameliers et plus ou moins tenues par des postes militaires, quatre zones de peuplement sédentaire plus denses, et donc de vestiges archéologiques nombreux, sont remarquables : la Nabatène propre, autour de Pétra ; le Hauran basaltique dans le Sud syrien, autour de Bosra ; le nord du Negev ; enfin, de façon plus discontinue, le nord du Hejaz…
Mais qu’était ce fameux grand commerce caravanier, spécialité et fond de commerce des Nabatéens ? Nous le connaissons relativement bien par l’archéologie, qui a permis de découvrir nombre d’étapes caravanières donc de connaître les pistes sans trop d’erreur, mais aussi grâce à quelques textes très explicites chez les grands compilateurs de langue grecque que sont Diodore de Sicile et Strabon à la fin de la république romaine et sous Tibère, et grâce au Périple de la mer Erythrée, une sorte de guide de navigation en mer Rouge et dans l’océan Indien, rédigé en grec vers 50 ap. J.-C. Les Nabatéens assuraient la jonction par voie de terre, par caravanes de dromadaires, entre océan Indien et sud de la mer Rouge d’une part, et la Méditerranée d’autre part, à une époque où la navigation dans le nord de la mer Rouge, difficile, était peu pratiquée. La région de Pétra jouait le rôle de plaque tournante. Elle était liée aux ports de Gaza et Rhinocolure par un réseau de pistes traversant le nord du Negev, et aux ports de la côte sud de « l’Arabie heureuse » (l’actuel Yémen), par une grande piste qui relie Pétra, Hégra, Najran et Tamna’. La Nabatène centrale était aussi reliée à d’autres régions par des routes peut-être moins vitales : à la Syrie via Bosra et au golfe Arabo-Persique où une route majeure arrivait à Gerrha, un port encore non localisé…
Les grands tombeaux royaux et aristocratiques et les sanctuaires du centre ville de Pétra sont ainsi, au Ier siècle av. J.-C. et aux deux premiers siècles ap. J.-C., l’une des manifestations les plus éclatantes de l’art hellénistique tardif et de l’art impérial romain – un art plaqué, certainement, sur une civilisation qui restait profondément arabe et qui ne tarderait pas, quelques siècles plus tard, à ressurgir, plus au sud, du côté de La Mecque, débarrassée, non sans mal, des bétyles, que les pèlerins musulmans du hajj lapident, jusqu’à nos jours, comme ils maudissent les « trois déesses », Allât, Manât et Al-‘Uzza, toutes trois nabatéennes.” Les Nabatéens, caravaniers et bâtisseurs par François Villeneuve
Laïla Nehmé, archéologue et chercheur au CNRS nous en dit plus: “Qu’ont de particulier les cités de Pétra et Hégra ?
Laïla Nehmé : Elles appartenaient toutes les deux au royaume nabatéen, une entité politique qui, aux premiers siècles avant et après J.-C., contrôlait une vaste région couvrant le sud de la Syrie, la Jordanie, la région du Hijâz au nord-ouest de l’Arabie Saoudite, le Negev et, sans doute, le Sinaï. Indépendant jusqu’en 106 après J.-C., le royaume a été annexé par l’empereur Trajan qui en a fait une nouvelle province romaine, celle d’Arabie. Pétra, qui se trouve au sud de la Jordanie actuelle, en était la capitale. La cité est organisée autour d’un centre urbain monumental où se dressent de nombreux bâtiments publics, des temples et des maisons aux murs recouverts de peintures qui rappellent celles de Pompéi. Autour de ce centre, on trouve des centaines de monuments, principalement funéraires, taillés dans le grès des falaises, dont les plus grands mesurent près de 50 mètres de haut. Pétra est inscrite sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1985, et le site attire chaque année des dizaines de milliers de touristes. Hégra (aujourd’hui Madâin Sâlih, à 300 kilomètres au nord-ouest de Médine), était une grande ville provinciale située à la frontière sud du royaume nabatéen, à la fois poste militaire et station caravanière. Les tombeaux y sont comparables à ceux de Pétra, mais le centre urbain était construit en brique crue.
Les villes de Pétra et d’Hégra sont séparées de 500 kilomètres. Comment sait-on qu’elles faisaient partie du même royaume ?
L. N. : Tout d’abord, les sources littéraires parlent de ces deux villes comme ayant appartenu aux Nabatéens. Une incertitude demeure pour Hégra, car le géographe Strabon parle d’un village de « bord de mer » nommé Hégra, qui aurait appartenu au roi nabatéen Obodas III juste avant l’ère chrétienne. Or le site de Hégra se trouve à 165 kilomètres de la mer. Toutefois, les nombreux objets mis au jour sur les deux sites archéologiques portent sans aucun doute possible la signature nabatéenne. En effet, les Nabatéens avaient leur propre écriture, ils battaient leurs propres monnaies à l’effigie de leurs rois et de leurs reines, ils produisaient une céramique fine très particulière et ils taillaient des monuments rupestres dans un style tout à fait original.
Qui sont les Nabatéens ? Sait-on de quelle région ils sont originaires ?
L. N. : Les Nabatéens apparaissent dans les sources lorsque l’historien grec Diodore de Sicile mentionne une expédition menée contre eux à la fin du IVe siècle avant J.-C. Les Nabatéens, nous dit-il, utilisaient comme refuge une « roche » parfois identifiée avec Pétra. Diodore les décrit comme des Arabes nomades qui s’étaient enrichis en prenant part au commerce caravanier à longue distance dont ils avaient réussi à devenir les intermédiaires obligés grâce à leur connaissance du désert et de ses ressources en eau. De fait, ils contrôlaient les routes terrestres par lesquelles l’encens, la myrrhe et les aromates étaient acheminés depuis l’Arabie du Sud jusqu’aux ports de la Méditerranée. Ce monopole leur procurait d’importants revenus, notamment grâce au prélèvement de taxes. Du point de vue archéologique, l’exploration des monuments funéraires les plus anciens de Pétra, menée par Michel Mouton, a montré des parallèles à la fois architecturaux et conceptuels avec les traditions de communautés qui se sont sédentarisées dans l’Arabie centrale à Qaryat al-Fau et à Mleiha dans la région des Émirats arabes unis, au plus tard au début du IIIe siècle av. J.-C. Ces communautés, de culture apparentée, participaient au commerce caravanier transarabique dont ils contrôlaient les principaux itinéraires.
Que sont devenus les Nabatéens après l’annexion de leur royaume en 106 ap. J.-C. ?
L. N. : Les Nabatéens n’ont bien sûr pas disparu du jour au lendemain. Ils ont perdu leur indépendance politique, et ont cessé par exemple de battre monnaie, mais la population de Pétra n’a pas radicalement changé au début du IIe siècle après J.-C. D’ailleurs, des personnes portant des noms nabatéens, par exemple Obodianos, qui est dérivé du nom du roi nabatéen Obodas, sont mentionnées dans des papyrus grecs découverts en 1993 dans une église de Pétra et datés du VIe siècle après J.-C. On fabrique de la céramique de type nabatéen, certes de moins bonne qualité, jusqu’au VIe siècle également. Enfin, il ne faut pas oublier que l’écriture nabatéenne est l’ancêtre de l’écriture arabe. La postérité des Nabatéens est donc assurée pour longtemps.”
https://lejournal.cnrs.fr/articles/le-royaume-oublie-des-nabateens
Pour une vision plus nette de l’étendu du Royaume Nabatéen, voir celle page 89 dans son article, “Au royaume des Nabatéens en Arabie Saoudite: l’archéologie à Madain Salih”, Moyen-Orient 20, 2013: 86-91.
Diodore de Sicile (née en -90) évoque les Nabatéens: NOUS passerons maintenant aux autres peuples de l’Asie dont nous n’avons pas encore fait mention et nous commencerons par l’Arabie. Elle est située entre la Syrie et l’Egypte et elle enferme plusieurs peuples différents. Les Arabes qui sont du côté de l’orient se nomment Nabatéens. Leur pays est presque entièrement désert, stérile et sans eau. Ce sont des brigands qui ne vivent que du pillage qu’ils vont faire chez leurs voisins et qu’il est impossible de détruire car ils ont creusé dans leurs plaines des puits qui ne sont connus que d’eux et où ils trouvent le rafraîchissement dont ils ont besoin pendant que les étrangers qui les poursuivent meurent de soif dans ces sables arides ou sont fort heureux de revenir à moitié chemin, accablés de fatigues et de maladies. C’est par là que les Arabes Nabatéens toujours invincibles ont toujours conservé leur liberté et qu’il n’est point de conquérant qui les ait soumis. Les anciens Assyriens, les Mèdes, les Perses et enfin les rois de Macédoine ont été successivement obligés d’abandonner l’entreprise de les subjuguer, après y avoir employé toutes leurs forces. Il y a au milieu de leur pays une espèce de forteresse escarpée où l’on ne monte que par un sentier étroit et dans laquelle ils vont mettre leurs captures. Ils ont aussi un lac qui produit du bitume dont ils tirent de grands revenus. Ce lac a près de cinq cents stades de long sur soixante de large…” HISTOIRE UNIVERSELLE. TOME PREMIER : LIVRE II XXIX. De l’Arabie et premièrement des Arabes Nabatéens.
L’historien et géographe Strabon (-64 – 25) écrit:
“2. Mais revenons à Eratosthène et au tableau méthodique qu’il a tracé de l’Arabie. Suivant lui, l’Arabie septentrionale ou Arabie Déserte, comprise comme elle est entre l’Arabie Heureuse d’une part et la Coelé-Syrie, et la Judée d’autre part, puisqu’elle s’étend jusqu’au fond du golfe Arabique, mesure depuis l’extrémité de ce golfe qui regarde le Nil, c’est-à-dire depuis Héroopolis, dans la direction de Pétra (de Pétra de Nabatée) et jusqu’à Babylone, une longueur de 5600 stades, et cette longueur peut être représentée par une ligne tirée droit au levant d’été qui couperait les territoires des tribus Nabatéenne, Chaulatéenne et Agraeenne, toutes trois d’origine arabe, et qui se trouvent échelonnées sur la frontière dudit pays. Au-dessus de ces tribus, maintenant, est l’Arabie Heureuse, qui s’étend sur un espace de 12 000 stades et s’avance au midi jusqu’à la mer Atlantique…
Au Phoenicôn succède une île, connue sous le nom d’île des Phoques à cause de la quantité de phoques qui en infestent les parages. Près de cette île est la pointe extrême de la grande presqu’île qui remonte jusque vers Pétra, le chef-lieu des Arabes Nabatéens, et jusqu’en Palestine, c’est-à-dire jusqu’au double marché où les Minaeens, les Gerrhaeens et toutes les tribus des pays voisins portent et vont vendre leur récolte d’aromates. La côte attenante à ce promontoire s’appelait primitivement la côte des Maranites, du nom de la tribu qui l’habitait, composée en partie d’agriculteurs, en partie de scénites ; aujourd’hui, elle a passé aux mains d’un autre peuple qui a exterminé le premier par trahison, et elle s’appelle du nom de ce peuple la côte des Garindaei. Les Maranites célébraient leur fête ou assemblée quinquennale, quand ils furent assaillis à l’improviste par les Garindaei, qui, non contents d’avoir massacré tous ceux qui étaient présents, se mirent à poursuivre les autres et les exterminèrent jusqu’au dernier. Passé la côte des Garindaei, on voit s’ouvrir devant soi le golfe Aelanite et commencer en même temps la Nabatée, laquelle forme une contrée aussi riche en hommes qu’elle est riche en troupeaux. Les Nabatéens n’habitent pas seulement le continent, ils occupent aussi les îles voisines. D’humeur tranquille et pacifique à l’origine, les Nabatéens finirent par s’adonner à la piraterie, et on les vit, montés sur de simples radeaux, enlever et piller les bâtiments venant d’Egypte. Mais ils en furent bientôt punis, car on envoya contre eux une forte escadre qui, fondant sur leurs ports à l’improviste, eut bientôt fait de dévaster tous leurs établissements. A la Nabatée succède un pays de plaine où abondent les grands arbres et les belles eaux, et qui nourrit toute espèce de troupeaux, surtout des troupeaux d’hémiones…
21. Les Nabatéens et les Sabéens, qui sont les premiers peuples qu’on rencontre dans l’Arabie Heureuse au-dessus de la Syrie, faisaient de fréquentes incursions dans cette dernière contrée avant que les Romains l’eussent rangée au nombre de leurs provinces ; mais aujourd’hui Nabatéens et Sabéens, à l’imitation des Syriens, ont fait leur soumission aux Romains. La capitale des Nabatéens, Pétra, tire son nom de cette circonstance particulière, que, bâtie sur un terrain généralement plat et uni, elle a tout autour d’elle comme un rempart de rochers (petra), qui, escarpé et abrupt du côté extérieur, contient sur son versant intérieur d’abondantes sources, précieuses pour l’alimentation de la ville et l’arrosage des jardins. Hors de cette enceinte de rochers, le pays n’est plus guère qu’un désert, surtout dans la partie qui avoisine la Judée. Depuis Pétra jusqu’à Hiéricho, qui est de ce côté la ville la plus proche, on compte trois ou quatre journées ; on en compte cinq [dans la direction opposée] jusqu’au Phoenicôn. Pétra a un roi particulier toujours issu du sang royal nabatéen, mais celui-ci délègue ses pouvoirs à un des compagnons de son enfance, qui a le titre de ministre et qu’il appelle son frère. Il règne à Pétra un ordre parfait, j’en ai pour preuve ce que le philosophe Athénodore, mon ami, qui avait visité Pétra, me contait avec admiration : il avait trouvé fixés et domiciliés dans Pétra un grand nombre de Romains parmi d’autres émigrants étrangers, et, tandis que les étrangers étaient perpétuellement en procès soit entre eux soit avec les gens du pays, jamais ceux-ci ne s’appelaient en justice, vivant toujours en parfaite intelligence les uns avec les autres…
26. Les Nabatéens sont sobres et parcimonieux au point que la loi chez eux frappe d’une amende celui qui a écorné son bien et décerne au contraire des honneurs à celui qui l’a augmenté. Comme ils ont peu d’esclaves, ils sont servis habituellement par des parents, à charge de revanche bien entendu; bien souvent il leur arrive aussi de se servir eux-mêmes, et cette nécessité s’étend jus-qu’aux rois. Ils prennent leurs repas par tables de treize, et à chaque table sont attachés deux musiciens. Le roi a une grande salle qui lui sert à donner de fréquents banquets. Dans ces banquets personne ne vide plus de onze coupes (l’usage est, chaque fois qu’on a bu, d’échanger contre une autre la coupe d’or que l’on vient de vider). Le roi, ici, est si mêlé à la vie commune, que, non content de se servir souvent lui-même, il sert parfois les autres de ses propres mains. Quelquefois aussi il est tenu de rendre des comptes à son peuple et voit alors toute sa conduite soumise à une sorte d’examen public. Les habitations, construites en très belle pierre, sont magnifiques, mais les villes n’ont pas de mur d’enceinte par la raison que la paix est l’état habituel du pays. Le sol de la Nabatée est généralement fertile et productif, l’olivier est le seul arbre auquel il ne convienne pas, aussi [à défaut d’huile d’olive] ne se sert-on que d’huile de sésame. Les moutons ont tous la laine blanche ; les boeufs sont grands ; le pays ne nourrit pas de chevaux, mais les chameaux en tiennent lieu et les suppléent en tout. Les Nabatéens ne portent pas de tunique et vont vêtus de simples caleçons et chaussés de babouches, même les rois ; seulement pour les rois, caleçons et babouches sont teints en pourpre. Il est certains articles que les Nabatéens tirent complètement du dehors et d’autres qu’ils n’en tirent qu’en partie, vu que leur propre pays leur en fournit déjà, tel est le cas pour l’or, l’argent et la plupart des aromates’; pour ce qui est du cuivre, du fer, des tissus de pourpre, du styrax, du safran, des costaries, de l’orfèvrerie, des tableaux, des sculptures, l’industrie indigène ne fournissant rien, ils tirent tout de l’étranger. Aux yeux du Nabatéen, les restes mortels n’ont pas plus de prix que du fumier, croyance analogue à cette pensée d’Héraclite : «L’homme mort ne vaut pas le fumier qu’on jette dans les rues». Conséquemment, ils enterrent leurs rois eux-mêmes à côté de leurs trous à fumier. Le soleil est pour les Nabatéens l’objet d’un culte particulier, ils lui dressent des autels sur les terrasses de leurs maisons, et là chaque jour, pour l’honorer, ils font des libations et ils brûlent de l’encens…
On pourrait au surplus invoquer, comme un sûr garant de la réalité de cette richesse séculaire des Arabes le témoignage d’Alexandre lui-même, puisqu’il avait rêvé, dit-on, après son retour de l’Inde, d’établir chez les Arabes le siège de son empire. On sait qu’il était en plein cours de projets et de préparatifs, quand sa mort, survenue brusquement, vint tout mettre à néant. Or un de ses projets favoris était précisément celui-là, et il était bien décidé à le réaliser, que les Arabes l’appelassent d’eux-mêmes ou qu’il dût les réduire par la force ; et, comme, ni avant ni après son retour de l’Inde, il n’avait vu venir la députation qu’il attendait, c’est au parti de la guerre qu’il s’était arrêté, et il s’y préparait activement, ainsi qu’on a pu le lire dans ce qui précède.” Géographie de Strabon XVI, 4 – L’Arabie
Il est indiscutable que les Nabatéens remplissent tous les critères d’une Grande Nation Ismaélite. Il est d’ailleurs à noter que lorsque Flavius Josèphe évoque les Arabes Ismaélites, il a en vu les Nabatéens:
“De là vient la coutume pour les Hébreux de pratiquer la circoncision après huit jours ; les Arabes attendent la treizième année, car Ismaël leur ancêtre, qui naquit d’Abram par la concubine, fut circoncis à cet âge : je vais présenter à son sujet les détails les plus précis… Quand son enfant eut atteint l’âge d’homme, elle lui fit prendre une femme de cette race égyptienne dont elle était elle-même originaire : Ismaël eut de cette femme en tout douze fils : Nabaïôth(ès), Kédar(os), Abdéel(os)[221], Massam(as)[222], Idoum(as)[223], Masmas(os)[224], Massès[225], Chodad(os)[226], Théman(os), Jétour(os), Naphais(os), Kedmas(os)[227]. Ceux-ci occupent tout le pays qui s’étend depuis l’Euphrate jusqu’à la mer Erythrée et qu’ils appelèrent Nabatène. Ce sont eux dont les tribus de la nation arabe ont reçu les noms en l’honneur de leurs vertus et en considération d’Abram.” Flavius Josèphe, Antiquités Juives, 1.214
Concluons sur ce point en mettant en parallèle trois cartes.
1) Les grandes nations Cananéennes,
2) La grande nation Israélite à son apogée,
3) La grande nation Nabatéenne.
V. Les contradictions avec les récits bibliques sur le recit de Abraham, Ismaël et Agar
Reprenons le récit dans les sources Islamiques au sujet d’Hagar et Ismael:
1867. Ibn ‘Abbas rapporte :Abraham emmena la mère d’Ismael et son fils, à qui elle donnait encore le sein, et il les laissa près de l’emplacement du Temple [la Ka’ba], sous un grand arbre s’élevant au-dessus de Zamzam, dans la partie la plus élevée de la mosquée (actuelle). A cette époque, il n’y avait personne à La Mecque et on n’y trouvait pas d’eau. Abraham les abandonna dans cet endroit en leur laissant une sacoche pleine de dattes et une outre remplie d’eau; puis il partit, s’éloignant peu à peu. La mère d’Ismael le suivit en lui disant : « Abraham, vas-tu ? Nous abandonnes-tu dans cette vallée où il n’y a ni être humain ni quoi que ce soit ? »
Elle ne cessait de lui répéter ces mots, mais Abraham ne se retournait pas. Elle finit par lui dire : « Est-ce Dieu qui t’a ordonné d’agir ainsi ? » – « Oui, répondit-il. » – « Alors, Il ne nous abandonnera pas, s’écria-t-elle. » Abraham continua sa marche jusqu’à arriver sur une colline à l’abri des regards de Hajar et son fils. Alors, tournant son visage du côté du Temple, il leva les mains et prononça cette invocation : ~ Seigneur, j’ai installé une partie de ma descendance dans une vallée sans culture, auprès de Ton Temple sacré afin, Seigneur, qu’ils puissent accomplir la salat ! Seigneur, dispose en leur faveur les coeurs d’un certain nombre d’hommes ! Veille à leur procurer des fruits pour leur subsistance. Peut-être en seront-ils reconnaissants. (Coran 14.37)
La mère d’Ismael se mit ensuite à allaiter son fils. Elle but l’eau (qui lui avait été laissée) jusqu’à ce que le contenu de l’outre fut épuisé. Puis la soif l’étreignit, ainsi que son fils. Elle le voyait se tordre de douleur. Ne pouvant pas supporter un tel spectacle, elle partit [chercher de l’aide], et arriva à Safa qui était la colline la plus proche. Elle y grimpa et, dominant la vallée, elle scruta l’horizon. Peut-être verrait-elle quelqu’un ? Mais elle ne vit personne. Alors, elle descendit des hauteurs de Safa puis, arrivée dans la vallée, elle retroussa les pans de sa tunique et courut comme une personne désespérée. Elle traversa la vallée, gagna Marwa, et grimpa jusqu’à son sommet. A nouveau, elle scruta l’horizon. Peut-être apercevrait-elle quelqu’un ? Mais elle ne vit personne. Sept fois de suite, elle fit le même parcours. (Ibn ‘Abbas ajoute que le Prophète a dit : « C’est en mémoire de cela que les fidèles font le parcours entre ces deux collines. ») Arrivée au sommet de Marwa, Hajar entendit une voix. « Tais-toi ! », se dit-elle à elle-même. Elle tendit l’oreille et entendit de nouveau une voix. Alors, elle dit : « Je t’ai bien entendu. Si tu as un moyen de me venir en aide, (fais-le) ! »
Un ange apparut alors à l’endroit où se trouve le puits de Zamzam. Il frappa le sol de son talon – où, suivant une variante, de son aile -, et bientôt l’eau finit par jaillir. Hajar se mit à faire un bassin, semblant dire de sa main : « [Coule] ainsi ! » ; puis elle se mit à puiser de l’eau dans son outre. L’eau (de la source) jaillissait chaque fois qu’elle y puisait. (Ibn ‘Abbas ajoute ici que le Prophète a dit : « Que Dieu fasse miséricorde à la mère d’Ismael car, si elle avait laissé l’eau de Zamzam couler ou, suivant une variante, si elle n’avait pas puisé d’eau -, Zamzam serait devenu une source d’eau courante. ») [Le récit reprend :] Hajar but et allaita son enfant. L’ange leur dit alors : « N’ayez aucune crainte, car ici s’élèvera une maison consacrée à Dieu et cette Maison sera bâtie par cet enfant et son père. Et Dieu n’abandonne pas les Siens. » [L’endroit où devait s’élever] le Temple formait, au-dessus du sol, une sorte de monticule, si bien que quand les eaux envahirent la vallée, elles passèrent à droite et à gauche.
Hajar vécut ainsi jusqu’au jour ou une caravane de la tribu de Jurhum – ou, suivant une variante, des gens d’une famille de Jurhum -, arriva par la route de Kada’ et fit halte dans la partie basse de La Mecque. Ils virent un oiseau planer au loin et se dirent : « Cet oiseau tournoie certainement autour d’une source d’eau. Pourtant, depuis le temps que nous fréquentons cette vallée, il n’y a jamais eu d’eau. Envoyez donc un éclaireur – deux, suivant une variante. » Les éclaireurs, ayant découvert l’eau, revinrent et annoncèrent qu’il y avait bien de l’eau. Tous se rendirent alors à cet endroit et ils trouvèrent la mère d’Ismael près du point d’eau ; les Jurhum lui demandèrent : « Nous permets-tu de nous installer près de toi ? » – « Oui, répondit-elle, mais vous n’aurez aucun droit de propriété sur l’eau. » – « C’est entendu, repliquèrent-ils. » (Ibn ‘Abbas ajoute ici que le Prophète a dit : « Cette demande des Jurhum fit plaisir à Hajar, qui aimait la compagnie. »)
Les Jurhum installèrent donc leur camp auprès d’elle et envoyèrent dire à leurs familles de venir s’installer avec eux. Bientôt, un certain nombre de familles s’établit en cet endroit. L’enfant [Ismael] grandit, apprit la langue arabe des Jurhum et, en grandissant, il gagna leur estime et leur admiration. Aussi, quand il atteignit (l’âge de la puberté), ils le marièrent à une de leurs femmes. [Entre temps,] la mère d’Ismael mourut. Quelque temps après le mariage d’Ismael, Abraham arriva (à La Mecque) ; il venait s’enquérir de ceux qu’il avait laissés. Ne trouvant pas Ismael [chez lui], Abraham demanda de ses nouvelles à son épouse. Elle lui dit : « Mon mari est sorti pour aller se procurer notre subsistance. »…
… Abraham s’absenta le temps que Dieu voulut, puis il revint. Il trouva Ismael occupé à tailler des flèches à l’ombre d’un grand arbre, près de Zamzam. En apercevant son père, Ismael se leva pour le recevoir et tous deux se retrouvèrent comme seuls un père et son fils peuvent le faire.
« Isma’il, dit Abraham, Dieu m’a ordonné quelque chose. » – « Fais ce que le Seigneur t’a ordonné, répondit Ismael. » – « M’aideras-tu ? » – « Je t’aiderai ! » – « Dieu, reprit Abraham, m’a ordonné de bâtir un temple ici. », tout en indiquant un monticule qui dominait les alentours. Alors, tous deux se mirent à élever les fondations de ce Temple. Tandis qu’Ismael transportait les pierres, Abraham édifiait la bâtisse jusqu’à parvenir à une certaine hauteur. Alors, Ismael apporta cette pierre [la station d’Abraham] sur laquelle son père monta pour continuer a élever la construction avec les pierres qu’Ismael lui apportait. Tous deux disaient : « Seigneur, accepte notre oeuvre car Tu es Celui qui entend tout et qui sait tout!» Riyad as-Salihin Chap. 16 | 370. Hadiths relatifs à l’Antéchrist et aux signes de la fin des temps, Hadith 1867 https://sunnah.com/riyadussaliheen/19/60 Sahih al-Bukhari 3364 Sahih al-Bukhari 3365wv
Selon ce récit, Hagar et Ismaël se sont installés à Mecca. Une carte aide à visualiser :
Anas de Maison Islam explique : Le Coran dit explicitement que la Kaaba fut bâtie par Abraham et Ismaël. Le récit de Ibn Abbâs, que nous avons vu plus haut, dit que c’est en le lieu où la Kaaba fut bâtie que Ismaël s’installa. Abraham et les deux courants d’Isaac et Ismaël
Le problème est que ce récit contredit les textes bibliques, sur lesquels s’appuient les Musulmans: 14 Et Abraham se leva de bon matin, et il prit du pain et une outre d’eau, et les donna à Agar, les mettant sur son épaule, et il lui donna l’enfant, et la renvoya. Et elle s’en alla, et erra dans le désert de Beër-Shéba. 15 Et l’eau de l’outre étant épuisée, elle jeta l’enfant sous un des arbrisseaux, 16 s’en alla et s’assit vis-à-vis, à une portée d’arc; car elle disait: Que je ne voie pas mourir l’enfant. Et elle s’assit vis-à-vis, et elle éleva sa voix et pleura. 17 Et Dieu entendit la voix de l’enfant, et l’Ange de Dieu appela des cieux Agar, et lui dit: Qu’as-tu, Agar? Ne crains point, car Dieu a entendu la voix de l’enfant, là où il est. 18 Lève-toi, relève l’enfant et prends-le de ta main; car je le ferai devenir une grande nation. 19 Et Dieu lui ouvrit les yeux, et elle vit un puits d’eau; et elle alla et remplit d’eau l’outre, et fit boire l’enfant. 20 Et Dieu fut avec l’enfant, et il grandit, et habita dans le désert et devint tireur d’arc. 21 Et il habita dans le désert de Paran; et sa mère lui prit une femme du pays d’Égypte. Genèse 21:14-21
Nous avons deux lieux: le désert de Beer-Sheba, et le désert de Paran, et aucun d’entre eux n’est situé dans le Hijaz:
“Définition de “Be’er Sheba`”
Beer-Schéba = “puits du serment”, “puits des sept”
Ville à l’extrême sud de Canaan” http://www.enseignemoi.com/bible/strong-biblique-hebreu-be-er-sheba-884.html
Beer-Sheba et son désert sont situés au Nord du désert du Négev, loin, très loin du Hijaz. Ce fut ensuite un lieu d’habitation des Enfants d’Israël:
19 Samuel grandissait. L’Eternel était avec lui, et il ne laissa tomber à terre aucune de ses paroles. 20 Tout Israël, depuis Dan jusqu’à Beer-Schéba, reconnut que Samuel était établi prophète de l’Eternel. 1 Samuel 13:19-20
Anas, conscient de la possible contradiction tente une explication en rapport avec le deuxième lieu, Paran: “Où situe-t-on le désert de Parân ?
Selon des commentateurs chrétiens, il s’agit du “désert de la péninsule du Sinaï, au sud de Qadesh” (TOB) ; Selon Ibn Taymiyya, le nom Parân désigne non pas seulement le désert de la péninsule du Sinaï, mais tout le désert qui recouvre une partie de la péninsule du Sinaï, le pays de Madian et le littoral occidental de la péninsule arabique (le lecteur se réfèrera à une carte géographique) (Al-Jawâb us-sahîh 3/242). Il est donc tout aussi vrai de dire qu’Ismaël habita le désert qui recouvre le sud du Sinaï que de dire qu’il habita le désert où se situe la vallée de Bakka : le nom “Parân” désigne le tout.”
Le problème avec la méthodologie d’Anas saute aux yeux. Il reprend à son compte l’opinion d’Ibn Taymiyya concernant un sujet sur lequel il n’a aucune compétence, et sans preuve. Pour comprendre où se situe Paran de Genèse 21, nous devons prendre en compte le reste des versets mentionnant Paran.
Le désert de Paran est en réalité très loin du Hijaz, puisque les Enfants d’Israël sont passés par là lors de l’Exode:
11 Et il arriva, en la seconde année, au second mois, le vingtième jour du mois, que la nuée se leva de dessus le tabernacle du témoignage. 12 Et les fils d’Israël partirent du désert de Sinaï, selon leur ordre de départ, et la nuée demeura dans le désert de Paran. 13 Et ils partirent, pour la première fois, selon le commandement de l’Éternel par Moïse. Nombres 10:11-13
14 Et l’Eternel dit à Moïse : Si son père lui avait craché au visage, ne serait-elle pas pendant sept jours un objet de honte ? Qu’elle soit enfermée sept jours en dehors du camp; après quoi, elle y sera reçue. 15 Marie fut enfermée sept jours en dehors du camp; et le peuple ne partit point, jusqu’à ce que Marie y fût rentrée. 16 Après cela, le peuple partit de Hatséroth, et il campa dans le désert de Paran. Nombres 12:14-16
1 Voici la bénédiction par laquelle Moïse, homme de Dieu, bénit les enfants d’Israël, avant sa mort. 2 Il dit : L’Eternel est venu du Sinaï, Il s’est levé sur eux de Séir, Il a resplendi de la montagne de Paran, Et il est sorti du milieu des saintes myriades : Il leur a de sa droite envoyé le feu de la loi. Deutéronome 33:1-2
Un dictionnaire nous explique où se trouve Paran :
“Définition de “Pa’ran”
Paran = “lieu de cavernes”
Aire désertique bordée au nord par la Palestine, à l’ouest parle désert d’Etham, au sud par le désert du Sinaï, et à l’est par la vallée d’Araba; l’exode est passé à travers cette région…” http://www.enseignemoi.com/bible/strong-biblique-hebreu-pa-ran-6290.html
Ensuite, Anas écrit: Il est également à noter que d’une part le texte biblique aussi affirme que les fils d’Ismaël s’établirent en Arabie : les Ismaélites demeurèrent de Hawila à Shour, aux confins de l’Egypte, jusqu’à Ashour…” (Genèse 25/18) :– Hawila : “selon 10/2, il s’agirait d’une région d’Arabie” (TOB, p. 24, note de bas de page) ; – Shour se trouve aux confins de l’Egypte, comme le dit ce passage et comme le montre Exode 15/22;
– quant à Ashour, la TOB en dit : “région non identifiée, mentionnée également en Nombres 24/22″(TOB, p.47).”
Ici, Anas, en ne montrant pas de carte laisse à penser qu’il suffit que les régions soient liées à l’Arabie pour effacer les contradictions. Jetons donc un œil à une carte :
Ashour, tout comme Hawila sont très loin de Mecca. Nous avons donc Ismaël et sa mère étant dans le sud de Canaan, et les enfants d’Ismaël entre Shur et Hawila. Une autre carte permet de se rendre compte de l’incompatibilité du récit biblique avec celui des sources Islamiques.
Ensuite, Anas écrit: “Un autre indice allant dans ce sens est qu’une autre passage du texte biblique affirme : “Le Seigneur est venu du Sinaï, pour eux il s’est levé à l’horizon, du côté de Séïr, il a resplendi depuis le mont de Parân” (Deutéronome 33/2). Cette prophétie semble désigner des révélations de Dieu ; or, si on considère l’avis selon lequel le désert de Parân ne désigne que le désert de la péninsule du Sinaï, on peut se demander quelle révélation reconnue par les judéo-chrétiens a eu lieu dans cette partie du désert. Par contre, si on considère l’avis selon lequel il s’agit du désert qui va jusqu’à la péninsule arabique, les choses deviennent plus claires : à la Mecque a eu lieu la révélation d’une grande partie du Coran à Muhammad, descendant d’Ismaël. Dans le commentaire de la TOB sur ce verset, on lit : “mont de Parân : localisation incertaine ; on peut le mettre en rapport avec le désert de Parân (voir Gn 21/21 et la note) Ha 3.3″ (TOB p. 256).”
Anas témoigne d’une absence totale de sérieux dans la compréhension du texte biblique. Pour lui, le verset de Deutéronome 33:2 désigne les révélations de Dieu et il s’agit d’une prophétie. S’il avait pris soin de prendre en compte le verset précédent et le contexte, il se serait rendu compte de son erreur:
1 Voici la bénédiction par laquelle Moïse, homme de Dieu, bénit les enfants d’Israël, avant sa mort. 2 Il dit : L’Eternel est venu du Sinaï, Il s’est levé sur eux de Séir, Il a resplendi de la montagne de Paran, Et il est sorti du milieu des saintes myriades : Il leur a de sa droite envoyé le feu de la loi. Deutéronome 33:1-2
1. Il ne s’agit pas d’une prophétie mais d’une bénédiction,
2. Il ne s’agit que d’une seule révélation, la Loi.
L’ensemble du verset est au passé, et est un témoignage de ce que Dieu a fait pour les Enfants d’Israël lors de l’exode. Reprenons le tout:
A. L’Éternel est venu du Sinaï
1 Le troisième mois après leur sortie du pays d’Egypte, les enfants d’Israël arrivèrent ce jour-là au désert de Sinaï… 7 Moïse vint appeler les anciens du peuple, et il mit devant eux toutes ces paroles, comme l’Eternel le lui avait ordonné. 8 Le peuple tout entier répondit : Nous ferons tout ce que l’Eternel a dit. Moïse rapporta les paroles du peuple à l’Eternel. 9 Et l’Eternel dit à Moïse : Voici, je viendrai vers toi dans une épaisse nuée, afin que le peuple entende quand je te parlerai, et qu’il ait toujours confiance en toi. Moïse rapporta les paroles du peuple à l’Eternel… 11 Qu’ils soient prêts pour le troisième jour; car le troisième jour l’Eternel descendra, aux yeux de tout le peuple, sur la montagne de Sinaï… 16 Le troisième jour au matin, il y eut des tonnerres, des éclairs, et une épaisse nuée sur la montagne; le son de la trompette retentit fortement; et tout le peuple qui était dans le camp fut saisi d’épouvante. 17 Moïse fit sortir le peuple du camp, à la rencontre de Dieu; et ils se placèrent au bas de la montagne. 18 La montagne de Sinaï était toute en fumée, parce que l’Eternel y était descendu au milieu du feu; cette fumée s’élevait comme la fumée d’une fournaise, et toute la montagne tremblait avec violence. 19 Le son de la trompette retentissait de plus en plus fortement. Moïse parlait, et Dieu lui répondait à haute voix. 20 Ainsi l’Eternel descendit sur la montagne de Sinaï, sur le sommet de la montagne; l’Eternel appela Moïse sur le sommet de la montagne. Et Moïse monta. Exode 19:1;7-9;11;16-20
B. Il s’est levé sur eux de Séir
15 Les chefs d’Edom s’épouvantent; Un tremblement saisit les guerriers de Moab; Tous les habitants de Canaan tombent en défaillance. 16 La crainte et la frayeur les surprendront; Par la grandeur de ton bras Ils deviendront muets comme une pierre, Jusqu’à ce que ton peuple soit passé, ô Eternel ! Jusqu’à ce qu’il soit passé, Le peuple que tu as acquis. Exode 15:15-16
1 Nous nous tournâmes, et nous partîmes pour le désert, par le chemin de la mer Rouge, comme l’Eternel me l’avait ordonné; nous suivîmes longtemps les contours de la montagne de Séir. 2 L’Eternel me dit : 3 Vous avez assez suivi les contours de cette montagne. Tournez-vous vers le nord. 4 Donne cet ordre au peuple : Vous allez passer à la frontière de vos frères, les enfants d’Esaü, qui habitent en Séir. Ils vous craindront; mais soyez bien sur vos gardes. 5 Ne les attaquez pas; car je ne vous donnerai dans leur pays pas même de quoi poser la plante du pied : j’ai donné la montagne de Séir en propriété à Esaü. Deutéronome 2:1-5
4 O Eternel ! quand tu sortis de Séir, Quand tu t’avanças des champs d’Edom, La terre trembla, et les cieux se fondirent Et les nuées se fondirent en eaux; 5 Les montagnes s’ébranlèrent devant l’Eternel, Ce Sinaï devant l’Eternel, le Dieu d’Israël. Juges 5:4-5
C. Il a resplendi de la montagne de Paran
11 Le vingtième jour du second mois de la seconde année, la nuée s’éleva de dessus le tabernacle du témoignage. 12 Et les enfants d’Israël partirent du désert de Sinaï, selon l’ordre fixé pour leur marche. La nuée s’arrêta dans le désert de Paran. 13 Ils firent ce premier départ sur l’ordre de l’Eternel par Moïse. Nombres 10:11-13
1 L’Eternel parla à Moïse, et dit : 2 Envoie des hommes pour explorer le pays de Canaan, que je donne aux enfants d’Israël. Tu enverras un homme de chacune des tribus de leurs pères; tous seront des principaux d’entre eux. 3 Moïse les envoya du désert de Paran, d’après l’ordre de l’Eternel; tous ces hommes étaient chefs des enfants d’Israël. Nombres 13:1-3
Deutéronome 33:2 n’est donc pas une prophétie sur les révélations de Dieu, mais une récapitulation de ce que Dieu a fait pour les Enfants d’Israël.
Les récits bibliques sur Ismaël et Hagar sont donc en contradiction avec les récits du Coran et de la Sunna.
VI. Resumé de cet article
Récapitulons. La promesse concernant Ismaël :
18 Et Abraham dit à Dieu : oh, qu’Ismaël vive devant toi ! 19 Et Dieu dit : Certainement Sara, ta femme, t’enfantera un fils ; et tu appelleras son nom Isaac; et j’établirai mon alliance avec lui, comme alliance perpétuelle, pour sa semence après lui. 20 Et, à l’égard d’Ismaël, je t’ai exaucé : voici, je l’ai béni, et je le ferai fructifier et multiplier extrêmement ; il engendrera douze chefs, et je le ferai devenir une grande nation. 21 Et mon alliance, je l’établirai avec Isaac, que Sara t’enfantera en cette saison, l’année qui vient. Genèse 17:18-21
Cette promesse de devenir une grande nation n’inclut pas d’alliance avec Dieu. Aucune mention de prophétie au sujet de cette annonce. Du verset, nous pouvons déduire que cette grande nation a comme critère la grande population. Dans la Septante:
Par rapport à Ismaël, je t’ai aussi exaucé : je l’ai béni ; je l’augmenterai, et je le multiplierai beaucoup. Il engendrera douze nations, et je le ferai père d’un grand peuple. Genèse 17:20
Un autre critère peut être déduit de l’annonce de la naissance d’Ismaël:
10 L’ange de l’Eternel lui dit : Je multiplierai ta postérité, et elle sera si nombreuse qu’on ne pourra la compter. 11 L’ange de l’Eternel lui dit : Voici, tu es enceinte, et tu enfanteras un fils, à qui tu donneras le nom d’Ismaël; car l’Eternel t’a entendue dans ton affliction. 12 Il sera comme un âne sauvage; sa main sera contre tous, et la main de tous sera contre lui; et il habitera en face de tous ses frères. Genèse 16:10-12
Dans la LXX (Septante): Il dit ensuite : Je multiplierai et multiplierai ta race ; elle sera innombrable par sa multitude. Et l’ange du Seigneur ajouta : Te voilà enceinte, tu enfanteras un fils, auquel tu donneras le nom d’Ismaël, parce que le Seigneur a ouï ton humiliation. Ce sera un homme rude ; ses mains seront sur tous et les mains de tous sur lui, et il habitera en face de tous ses frères. Genèse 16:10-12
Nous avons donc: un peuple nombreux, rude, à la face de ses frères, il portera sa main sur ses frères, et ses frères porteront leurs mains sur lui. Or, l’ensemble des ces points ont été réalisés par les Nabatéens.
Un peuple nombreux issu d’Ismaël :
“Passé la côte des Garindaei, on voit s’ouvrir devant soi le golfe Aelanite et commencer en même temps la Nabatée, laquelle forme une contrée aussi riche en hommes qu’elle est riche en troupeaux. Les Nabatéens n’habitent pas seulement le continent, ils occupent aussi les îles voisines. ” Géographie de Strabon XVI, 4 – L’Arabie
“De là vient la coutume pour les Hébreux de pratiquer la circoncision après huit jours ; les Arabes attendent la treizième année, car Ismaël leur ancêtre, qui naquit d’Abram par la concubine, fut circoncis à cet âge : je vais présenter à son sujet les détails les plus précis… Quand son enfant eut atteint l’âge d’homme, elle lui fit prendre une femme de cette race égyptienne dont elle était elle-même originaire : Ismaël eut de cette femme en tout douze fils : Nabaïôth(ès), Kédar(os), Abdéel(os)[221], Massam(as)[222], Idoum(as)[223], Masmas(os)[224], Massès[225], Chodad(os)[226], Théman(os), Jétour(os), Naphais(os), Kedmas(os)[227]. Ceux-ci occupent tout le pays qui s’étend depuis l’Euphrate jusqu’à la mer Erythrée et qu’ils appelèrent Nabatène. Ce sont eux dont les tribus de la nation arabe ont reçu les noms en l’honneur de leurs vertus et en considération d’Abram.” Flavius Josèphe, Antiquités Juives, 1.214
Un peuple rude :
“Les Arabes qui sont du côté de l’orient se nomment Nabatéens. Leur pays est presque entièrement désert, stérile et sans eau. Ce sont des brigands qui ne vivent que du pillage qu’ils vont faire chez leurs voisins et qu’il est impossible de détruire car ils ont creusé dans leurs plaines des puits qui ne sont connus que d’eux et où ils trouvent le rafraîchissement dont ils ont besoin pendant que les étrangers qui les poursuivent meurent de soif dans ces sables arides ou sont fort heureux de revenir à moitié chemin, accablés de fatigues et de maladies. C’est par là que les Arabes Nabatéens toujours invincibles ont toujours conservé leur liberté et qu’il n’est point de conquérant qui les ait soumis. Les anciens Assyriens, les Mèdes, les Perses et enfin les rois de Macédoine ont été successivement obligés d’abandonner l’entreprise de les subjuguer, après y avoir employé toutes leurs forces…” Diodore de Sicile, HISTOIRE UNIVERSELLE. TOME PREMIER : LIVRE II XXIX. De l’Arabie et premièrement des Arabes Nabatéens.
“D’humeur tranquille et pacifique à l’origine, les Nabatéens finirent par s’adonner à la piraterie, et on les vit, montés sur de simples radeaux, enlever et piller les bâtiments venant d’Egypte.” Géographie de Strabon XVI, 4 – L’Arabie
Vit à la face de ses frères, ses mains sont sur eux, leurs mains sont sur lui :
a) Les Nabatéens vivent à la face d’Israël
Les mains des Nabatéens sont sur Israël et les mains d’Israël sont sur les Nabatéens
“Dans l’Ancien Testament, ils font l’objet de quelques mentions dans les deux livres des Maccabées. En 169 avant notre ère, les Nabatéens emprisonnèrent l’« infâme » Jason (2 M 5,8), et trois ans plus tard ils accueillirent favorablement Judas « Maccabée », le héros de la révolte juive contre l’empire séleucide (1 M 5,24-25). Peu après, l’armée de Judas fut attaquée par des « Arabes » qu’il faut peut-être identifier aux Nabatéens (2 M 12,10-12), mais l’épisode se solda par un traité de paix, et les Nabatéens seront éventuellement considérés comme des « amis » (1 M 9,35). Les relations ultérieures entre les Nabatéens et les juifs, loin d’être toujours pacifiques, nous sont connues principalement par les écrits de Flavius Josèphe, historien juif ayant vécu au premier siècle de notre ère… Une entente cordiale entre les Nabatéens et les Romains est vraisemblable, d’ailleurs, une trentaine d’années plus tard, les Nabatéens se rangeront du côté des Romains lors de leur répression de la révolte juive (66-70).” Chrystian Boyer, Pétra, capitale des Nabatéens
“Mais, ayant appris que ceux de Jamnia voulaient agir de la même manière envers les Juifs qui demeuraient avec eux, il surprit aussi les habitants de Jamnia pendant la nuit, et brûla leur port avec leurs vaisseaux, de sorte que la lumière du feu s’aperçut à Jérusalem, à la distance de deux cent quarante stades. Lorsqu’ils furent partis de là, ayant déjà franchi neuf stades et marchant contre Timothée, ils furent attaqués par les Arabes, qui avaient cinq mille fantassins et cinq cents cavaliers. et après un rude combat, qui se termina heureusement, grâce au secours de Dieu, les Arabes survivants, vaincus, demandèrent à Judas de leur tendre la main, promettant de donner des pâturages et de procurer d’autres avantages. Judas, croyant qu’ils seraient vraiment utiles en beaucoup de choses, leur promit la paix ; et après lui avoir serré la main, ils s’en retournèrent dans leurs tentes.” 2 MACCABEES 12:10-12
“Mais Cléopâtre sut par ruse l’empêcher de partager les périls d’Antoine ; car, complotant, comme nous l’avons dit, contre les rois, elle persuada Antoine de confier à Hérode la guerre contre les Arabes, espérant, s’il était vainqueur, devenir maîtresse de l’Arabie, s’il était vaincu, de la Judée, et détruire ainsi les deux rois l’un par l’autre. 2. [366] Toutefois ces desseins tournèrent à l’avantage d’Hérode ; car après avoir d’abord exercé des représailles sur ses ennemis, il ramassa un gros corps de cavalerie et le lança contre eux aux environs de Diospolis : il remporta la victoire, malgré une résistance opiniâtre. Cette défaite provoqua un grand mouvement parmi les Arabes : ils se réunirent en une foule innombrable autour de Canatha[168], ville de Cœlé-Syrie et y attendirent les Juifs. Hérode, arrivé avec ses troupes, aurait voulu conduire les opérations avec prudence et ordonna aux siens de fortifier leur camp. Mais cette multitude ne lui obéit pas ; enorgueillie de sa récente victoire, elle s’élança contre les Arabes. Elle les enfonça au premier choc et les poursuivit ; mais au cours de cette poursuite, Hérode tomba dans un guet-apens. Athénion, l’un des généraux de Cléopâtre, qui lui avait toujours été hostile, souleva contre lui les habitants de Canatha[169]. Les Arabes, à l’arrivée de ce renfort, reprennent courage et font volte-face. Rassemblant toutes leurs forces dans un terrain rocheux et difficile, ils mettent en fuite les troupes d’Hérode et en font un grand carnage. Ceux qui s’échappèrent se réfugièrent à Ormiza ; mais les Arabes y cernèrent leur camp et le prirent avec ses défenseurs….
Cependant Hérode se vengea des Arabes en ravageant encore à diverses reprises leur territoire, et leur rappela ainsi par maints cuisants souvenirs [169a] leur unique victoire…
Au début du printemps un tremblement de terre fit périr d’innombrables bestiaux et trente mille personnes : heureusement l’armée ne fut pas atteinte, car elle campait en plein air.
A ce moment l’audace des Arabes redoubla, excitée par la rumeur, qui grossit toujours les évènements funestes. Ils s’imaginèrent que toute la Judée était en ruine et qu’ils s’empareraient d’un pays sans défenseurs ; dans cette pensée ils l’envahirent, après avoir immolé les députés que les Juifs leur avaient envoyé. L’invasion frappe de terreur la multitude, démoralisée par la grandeur de ces calamités successives ; Hérode la rassemble et s’efforce par ce discours de l’encourager à la résistance…
Pour moi, bien loin de craindre l’invasion des ennemis succédant au tremblement de terre, je vois dans cette catastrophe une amorce dont Dieu s’est servi pour attirer les Arabes et les livrer à notre vengeance…
Cependant cette disposition d’esprit ne convient que pendant l’attente [170a] ; dans l’action même, vous devez porter haut vos cœurs afin que les plus impies sachent bien que jamais calamité humaine ni divine ne pourra humilier le courage des Juifs, tant qu’ils auront un souffle de vie, que nul d’entre eux ne laissera avec indifférence ses biens tomber au pouvoir d’un Arabe, qu’il a tant de fois, pour ainsi dire, pu emmener captif…
5. [380] Ces paroles ranimèrent l’armée : quand Hérode la vit pleine d’ardeur il offrit un sacrifice à Dieu, puis franchit le Jourdain avec ses troupes…
Tous les jours Hérode amenait son armée, la rangeait en bataille et provoquait les Arabes au combat ; mais nul d’entre eux ne sortait des retranchements, car ils étaient saisis d’un profond abattement, et tout le premier, le général arabe Elthémos restait muet d’effroi. Alors le roi s’avança et commença à arracher les palissades du camp ennemi. Les Arabes, contraints et forcés, sortirent enfin pour livrer bataille, en désordre, les fantassins confondus avec les cavaliers. Supérieurs en nombre aux Juifs, ils avaient moins d’enthousiasme ; pourtant le désespoir même leur donnait quelque audace…
6.[383] Aussi, tant qu’ils tinrent bon, ils ne subirent que de faibles pertes, mais dés qu’ils tournèrent le dos, les Juifs les massacrèrent en foule : un grand nombre aussi s’entre-tuèrent en s’écrasant les uns les autres. Cinq mille hommes tombèrent dans la déroute, le reste de la multitude se hâta de gagner le camp fortifié et s’y s’enferma.Hérode les entoura aussitôt et les assiégea ; ils devaient nécessairement succomber à un assaut, lorsque le manque d’eau et la soif précipitèrent leur capitulation. Le roi reçut avec mépris leurs députés et, quoiqu’ils offrissent une rançon de cinq mille talents, il les pressa encore plus étroitement. Dévorés par la soif, les Arabes sortaient en foule pour se livrer d’eux-mêmes aux Juifs. En cinq jours, on fit quatre mille prisonniers ; le sixième jour, cédant au désespoir, le reste de la multitude sortit au combat : Hérode fit face et en tua encore environ sept mille.Après avoir, par ce coup terrible, repoussé les Arabes et brisé leur audace, il acquit auprès d’eux tant de crédit que leur nation le choisit pour protecteur.” FLAVIUS JOSÈPHE Guerre des juifs. LIVRE 1 XIX
Pour clore définitivement ce sujet, tout cela a en réalité été réalisé bien avant les Nabatéens.
Etant donné qu’Israël est devenu une Grande Nation en Égypte après s’y être installé avec ses fils:
1 Israël partit, avec tout ce qui lui appartenait. Il arriva à Beer-Schéba, et il offrit des sacrifices au Dieu de son père Isaac. 2 Dieu parla à Israël dans une vision pendant la nuit, et il dit : Jacob ! Jacob ! Israël répondit : Me voici! 3 Et Dieu dit : Je suis le Dieu, le Dieu de ton père. Ne crains point de descendre en Egypte, car là je te ferai devenir une grande nation. 4 Moi-même je descendrai avec toi en Egypte, et moi-même je t’en ferai remonter; et Joseph te fermera les yeux. 5 Jacob quitta Beer-Schéba; et les fils d’Israël mirent Jacob, leur père, avec leurs enfants et leurs femmes, sur les chars que Pharaon avait envoyés pour les transporter. 6 Ils prirent aussi leurs troupeaux et les biens qu’ils avaient acquis dans le pays de Canaan. Et Jacob se rendit en Egypte, avec toute sa famille. 7 Il emmena avec lui en Egypte ses fils et les fils de ses fils, ses filles et les filles de ses fils, et toute sa famille… 26 Les personnes qui vinrent avec Jacob en Egypte, et qui étaient issues de lui, étaient au nombre de soixante-six en tout, sans compter les femmes des fils de Jacob. 27 Et Joseph avait deux fils qui lui étaient nés en Egypte. Le total des personnes de la famille de Jacob qui vinrent en Egypte était de soixante-dix. Genèse 46:1-7; 26-27
Tu prendras encore la parole, et tu diras devant l’Eternel, ton Dieu: Mon père était un Araméen nomade; il descendit en Egypte avec peu de gens, et il y fixa son séjour; là, il devint une nation grande, puissante et nombreuse. Deutéronome 26:5
Et il prendra la parole pour toi, et il dira devant le Seigneur ton Dieu : Mon père a quitté la Syrie, et il est descendu en Egypte ; il y est entré peu nombreux, et il y est devenu une grande nation, une innombrable multitude. Deutéronome 26:5 (LXX)
Il est logique qu’Ismaël soit également devenu une Grande Nation lorsqu’il s’est installé au sud de Canaan avec ses fils:
20 Dieu fut avec l’enfant, qui grandit, habita dans le désert, et devint tireur d’arc. 21 Il habita dans le désert de Paran, et sa mère lui prit une femme du pays d’Egypte. Genèse 21:20-21
13 Voici les noms des fils d’Ismaël, par leurs noms, selon leurs générations : Nebajoth, premier-né d’Ismaël, Kédar, Adbeel, Mibsam,14 Mischma, Duma, Massa, 15 Hadad, Théma, Jethur, Naphisch et Kedma. 16 Ce sont là les fils d’Ismaël; ce sont là leurs noms, selon leurs parcs et leurs enclos. Ils furent les douze chefs de leurs peuples. 17 Et voici les années de la vie d’Ismaël : cent trente-sept ans. Il expira et mourut, et il fut recueilli auprès de son peuple. 18 Ses fils habitèrent depuis Havila jusqu’à Schur, qui est en face de l’Egypte, en allant vers l’Assyrie. Il s’établit en présence de tous ses frères. Genèse 25:13-18
Voici les noms des fils d’Ismaël, conformes aux noms de leurs tribus : Nabaïoth, le premier-né d’Ismaël, puis Cédar, Abdéel, Massan, Masma, Duma, Massi, Puis Choddan, Théman, Jéthur, Naphis et Cedma. Ceux-ci sont les fils d’Ismaël ; ces noms sont ceux qu’ils portèrent sous leurs tentes, dans leurs camps ; ils formèrent douze chefs d’autant de nations. Ismaël vécut cent trente-sept ans, et il mourut, et il fut réuni à sa race. Il avait demeuré entre Hévilat et Sur, qui est en face de l’Égypte, du côté des Assyriens, vis-à-vis de ses frères. Genèse 25:16-18 (LXX)
Après être devenu une Grande Nation, Ismaël vit donc vis à vis de ses frères, et il porte sa main sur eux, et vice versa:
Car voici, tes ennemis s’agitent, et ceux qui te haïssent lèvent la tête. 3 Ils trament avec astuce des complots contre ton peuple, et ils consultent contre tes [fidèles] cachés. 4 Ils ont dit : Venez, et exterminons-les, de sorte qu’ils ne soient plus une nation et qu’on ne fasse plus mention du nom d’Israël. 5 Car ils ont consulté ensemble d’un cœur, ils ont fait une alliance contre toi : 6 Les tentes d’Édom, et les Ismaélites, Moab, et les Hagaréniens, 7 Guebal, et Ammon, et Amalek, la Philistie, avec les habitants de Tyr ; 8 Assur aussi s’est joint à eux ; ils servent de bras aux fils de Lot. Selah. 10 Traite-les comme Madian, Comme Sisera, comme Jabin au torrent de Kison ! 11 Ils ont été détruits à En-Dor, Ils sont devenus du fumier pour la terre. 12 Traite leurs chefs comme Oreb et Zeeb, Et tous leurs princes comme Zébach et Tsalmunna ! 13 Car ils disent : Emparons-nous Des demeures de Dieu ! Psaume 83:2-8